Messe du 4e dimanche de Pâques

 

Fr. M. Durrer et Pierre Hostetteler, à la chapelle des Capucins, Saint-Maurice, le 3 mai 2009
Lectures bibliques : Actes 4, 8-12; 1 Jean 3, 1-12; Jean 10, 11-18 – Année B


Quand je pars au chalet, en août, il y a, pendant quelques semaines autour du chalet, un troupeau de moutons. J’aime bien me promener et leur parler. Je dois vous dire franchement que ces bêtes ne portent pas beaucoup d’intérêt à ma personne. Elles continuent de brouter ou de se reposer. Mais lorsque le berger arrive, elles reconnaissent le moteur de sa voiture, et dès qu’il est sorti de sa Jeep, tout le troupeau accourt vers lui et l’entoure. Vous direz que c’est bien simple : il leur donne du pain sec et elles viennent pour cela. D’accord. Mais écoutez cette histoire. Un matin, suite à l’endommagement de la clôture, on téléphone au berger : Roger, tous tes moutons sont dispersés dans l’alpage ! Comme va-t-il faire pour rassembler le troupeau ? Il pense alors à la brebis qu’il aime le mieux, toujours la première à l’accueillir. Alors il se met à l’appeler : Nathalie, Nathalie. Et un quart d’heure après, Nathalie arrive avec tout le troupeau derrière elle. Elle avait entendu la voix de son maître. Je pense alors à saint François d’Assise qui a, lui aussi, entendu la voix de son Maître.

Frère Marcel : De quelle manière ?

On pourrait penser que pour François, c’est simple. On le voit en prière dans la petite chapelle de St-Damien, devant un crucifix. Ce crucifix qui lui parle et lui dit « Va, répare ma maison », et voilà, c’est simple. En fait, je crois que c’est une idée un peu trop simple. On sait très bien, si on lit les biographies et les écrits de François, que sa vocation – parlons-en puisque nous sommes le dimanche des vocations -que sa vocation ne s’est pas réalisée de manière aussi simpliste. On sait très bien qu’elle est le fruit de rencontres, d’abord peut-être d’une rencontre avec la violence, avec la guerre et surtout avec la défaite. Le fait d’avoir participé à une guerre avec Pérouse et d’être en prison pendant au moins une année, d’être en dépression, car les prisons de l’époque, comme beaucoup de nos jours ne sont pas des lieux très fréquentables ; autre rencontre encore : celle de voir un chevalier pauvre, c’est extraordinaire pour un fils de commerçant qui aspire à la chevalerie et pour qui c’est le seul moyen de monter dans l’échelle sociale, de voir qu’on peut aussi tomber dans une déchéance et une pauvreté. Et aussi bien sûr d’autres rencontres, par exemple celle où François descend du cheval pour aller baiser le lépreux, cet homme qui est exclu de la société, mis à part – on commence aujourd’hui à savoir ce que cela veut dire d’être mis en quarantaine – mais autrefois c’était pire car on avait déjà célébré l’enterrement de ces personnes et on les tenait à l’écart par peur. Tout cela fait que la vocation de François est tout un cheminement dans sa vie.

– Frère François a son cheminement personnel, il entend la voix du Seigneur de la façon que tu dis, le pauvre chevalier, le baiser au lépreux mais, frère Marcel, lors de ce 8ème centenaire, nous faisons mémoire non seulement de la vocation de François mais de toute la famille franciscaine estimée, par l’ONG Franciscain International, à 700’000 personnes entre les frères du 1er Ordre, les sœurs Clarisses, les sœurs des différentes congrégations franciscaines et, les plus nombreux, les laïcs du troisième Ordre, ou « Ordre franciscain laïc ». Comment fais-tu le lien entre cette vocation personnelle de François et celle de cette immense fraternité dont une partie est réunie aujourd’hui dans cette église ? C’est d’autant plus pressant, parlons-en en cette journée de prière pour les vocations, qu’un jeune homme, par exemple, attend un signe, que sais-je, une voix qui lui confirme sa vocation.

– C’est l’autre aspect de la vocation de François. On pourrait effectivement se dire que cette vocation suit une illumination intérieure, un appel qu’il sent en lui-même. Mais en fait, ce n’est pas comme ça : d’autres sont fascinés par son choix de vie. François n’avait pas prévu cela mais voilà qu’il se sent responsable d’un projet de vie. Que va-t-il faire ? Il va vérifier si ce projet est un projet d’Evangile. Et l’on voit François avec deux autres frères, le frère Bernard – qui est le 1er compagnon – et le frère Pierre, aller dans une église, demander au curé de vérifier dans l’Evangile si leur projet est bien conforme à Evangile, ils vérifient les fameux trois textes « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ; si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ; ne prenez rien pour la route, pas de bâton, ni sac, ni pain ni argent, n’ayez pas chacun deux tuniques – autrement dit n’ayez pas deux identités mais une seule cohérence – ce projet d’Evangile vérifié dans le texte est un projet de dépossession, c’est un projet de pauvreté. Aujourd’hui, on parlerait de « décroissance ». C’est l’idée que si on a tout, on ne reconnaît pas que Dieu qui est le Bien donne tout le bien à tout le monde, que rien ne nous appartient, que rien ni personne sur cette terre n’est la propriété de quelqu’un, sauf de Dieu. C’est ce qui permet à François d’appeler le soleil, la lune, toutes les créatures comme des frères et des sœurs. C’est un rapport fraternel avec la création parce qu’il sait très bien que le projet de Dieu, c’est que tout se développe dans le bien, dans la paix. Pas seulement les créatures mais toute personne humaine. Et là, vous savez que François a un rapport à l’autre tout-à-fait exceptionnel, un rapport de fraternité. Il y a un ennemi public n°1 à qui on fait la guerre depuis longtemps qui sont, à l’époque, les musulmans. C’est le temps des croisades. François, lui, part sans arme, il va vers le Sultan, il va chercher la fraternité, l’humanité qui est en lui. C’est avec lui qu’il veut parler, en prenant un risque, le risque de la rencontre, le risque de la confrontation pacifique. C’est dans ce rapport fraternel qu’il vit la soumission à toute créature humaine.
C’est ce projet-là qui est un projet de vie, d’Evangile, que François va faire approuver par l’Église. Il y a bien sûr un côté personnel mais aussi un côté communautaire qu’il essaye de vivre et qu’il va vérifier dans le monde. Ce chemin de communauté n’est autre que le chemin du Fils. Ce Fils, comme on l’a entendu dans l’Evangile, qui donne sa vie ; c’est un don, et nous sommes tous invités, aujourd’hui, nous-mêmes, à entrer dans ce chemin du don, dans le chemin du don qui nous ouvre, qui nous invite à notre tour à nous ouvrir aux autres, dans le don. Amen.

 

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