Messe du 4e dimanche de l’Avent

 

 

Abbé Bernard Jordan, au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, CHUV, Lausanne, le 18 décembre 2005
Lectures bibliques : 2 Samuel 7, 1-16; Romains 16, 25-27; Luc 1, 26-38 – Année B

Chers amis.

Le premier dimanche de l’Avent, j’avais parlé de l’hôpital, comme un temple des attentes, comme un temple de l’Avent. Il est heureux de préciser qu’il est aussi la crèche de Noël, combien d’enfants font leur premier cri dans ces lieux. Et tout prêt de nous, ici, en face, j’aperçois le pavillon des prématurés qui me rappelle combien une vie est précieuse, et à quel point un petit être même de 900 grammes, personnifiant le fruit d’un amour, mobilise tant de précaution et d’attention.

En 10 ans de présence au Chuv, comme aumônier, j’ai été appelé une fois durant la nuit pour un événement heureux, si bien que le personnel soignant a mis 4 heures pour vérifier la demande d’une maman qui voulait voir un aumônier. J’arrive vers minuit à la mat. Très chaleureusement accueilli par une infirmière qui était quelque peu décontenancée en me disant : «La dame va bien, l’enfant va bien, je ne comprends pas pourquoi elle désire votre visite. » Quelle joie, quel rayonnement j’ai pu lire sur le visage de cette maman qui tenait son premier né dans les bras ! « Veuillez m’excuser, me dit-elle pour l’heure tardive, mais j’ai besoin de rendre grâce, c’est tellement grand ce qui m’arrive, je veux remuer ciel et terre pour crier la bonne nouvelle, je l’ai déjà fait avec mon mari tout à l’heure, mais cela n’a pas suffit ».

Alors, nous avons parlé à Dieu, ensemble, nous avons pleuré d’émotion ensemble, la maman a chanté à sa petite fille ce que sa grand-mère lui chantait très souvent et qui lui avait fait tant de bien, surtout dans les moments où elle avait besoin de sentir une présence.

J’ai réalisé combien un bébé, si frêle soit-il, peut éveiller dans son entourage une énorme puissance d’aimer, combien d’hommes « caïds » craquent en tenant dans les bras leur premier enfant, c’est une bible qui se met à leur portée où Dieu se cache, pour ainsi dire, mais se fait connaître avec une intensité prenante. Une fois de plus, je retrouve un contraste saisissant qui fait réfléchir : fragilité et force d’attirance, Dieu dans une mangeoire pour animaux.

Je suis émerveillé par la réaction de jeunes parents se sentant quelque peu dépassés par la naissance d’un enfant, tellement le mystère de la vie les bouleverse (le mystère n’étant pas une réalité que Dieu aurait malin plaisir à cacher, mais une réalité dont la découverte demeure inépuisable). Pour ces parents, la participation à l’acte créateur les pousse à trouver un sens nouveau à la vie, les pousse à préciser aussi qui est Dieu, puisqu’ils L’ont touché en quelque sorte. Il suffit qu’un amour naisse pour que Dieu devienne présent, ils réalisent aussi que la beauté vient de l’amour. Son enfant est toujours le plus beau, quelle est juste cette constatation !

En même temps je devine la souffrance des couples qui ont été privés de cette expérience, nous les oublions trop souvent.

Je suis reconnaissant aux couples qui m’ont demandé de cheminer avec eux des mois durant pour apprendre à découvrir la joie d’être fécond d’une autre manière. Quelle découverte pour ces personnes de réaliser, entre autre, que les parents ne sont pas propriétaires de leurs enfants, mais des éveilleurs, des éducateurs de liberté, à la manière de Jésus de Nazareth ! Ils peuvent devenir, ces couples qui ont souffert, des conseillers précieux pour des parents dans l’éducation, dans la manière de se situer face aux enfants et pour bien d’autre chose encore.

Au début de mon ministère, il y a près de 40 ans, je rencontrais plus de futurs parents inquiets avant de mettre au monde un enfant. L’avenir faisait peur, ils ne voulaient pas imposer ce fardeau à leur futur enfant. Il me semble que cette crainte a diminué un peu. Les parents sont-ils devenus inconscients ? Sont-ils plus égoïstes, ou bien, font-ils plus confiance à la vie ? Sont-ils plus conscients de la richesse de ce partenariat, enfant parents, pour leur équilibre et pour entrer dans un apprentissage décapant d’aimer et d’être aimé ? je ne le sais pas exactement. Il est vrai, l’approche de Dieu fait moins peur, fort heureusement à notre époque, Dieu est Amour rien d’autre; ainsi la valeur de chaque homme, quel qu’il soit, est glorifiée, la face de la terre peut en être changé. Les paroles de l’ange à Marie, entendues tout à l’heure, peuvent remplir de confiance les futurs parents : « Sois sans crainte Marie, l’enfant qui va naître sera saint …; rien n’est impossible à Dieu ». Ces paroles, l’ange les souffle à l’oreille de chaque parent. Ainsi, vous savez que votre enfant sera accompagné et orienté vers un bonheur, malgré les méandres de la vie.

Cette manière de découvrir Dieu tel qu’Il est, peut pacifier les parents en acceptant de mettre au monde des enfants, car la vie n’étant pas toujours facile, et s’il fallait encore, par surcroît, craindre Dieu, elle serait insupportable et même absurde.

Il y a plus de 15 jours, lors d’une réunion entre laïcs et prêtres amis, l’un de nous s’exprimait avec véhémence. « est-ce que nous savons dire aux gens que le message de Jésus est une bonne nouvelle, oui ou non, il apparaît souvent comme un rabat-joie ». Cette parole me va droit au cœur aujourd’hui, puisque Gaston qui parlait ainsi, est en train de mourir, ce soir, il aura certainement rencontrer son Seigneur. Beau testament ! Merci Gaston, toi qui nous a si bien commenté le Messie de Haendel .

Oui, je dois m’ingénier à trouver tous les moyens pour rendre accessible cette bonne nouvelle de Dieu fait Homme et de l’homme fait pour Dieu. Un journaliste criait à la radio dernièrement, en parlant de l’effervescence et l’agitation à l’approche des fêtes : Ils sont fous ces humains, Dieu, reviens.

Il revient, dimanche prochain c’est Noël. Je n’ai peut-être pas besoin d’aller à la messe de minuit, si je la trouve trop sentimentale, trop folklorique, j’en ai le droit, mais j’essayerai de prendre, quelques secondes, au moins, dans ce tourbillon festif, pour réfléchir si j’aime quelqu’un en vérité, sans intérêt, gratuitement, parce que c’est lui ; si j’ai envie de partager, si j’ai envie d’être tolérant, si j’ai envie de me laisser aimer par ce Dieu qui me parait si lointain, si silencieux, Lui qui aura le dernier mot pour mon propre bonheur; alors une sérénité s’installera dans mon coeur et ceci en toutes circonstances ; c’est bien ce que toute personne, quelle qu’elle soit, recherche, n’est ce pas ? J’entends, alors, Sœur Emmanuelle s’écrier , devant une telle perspective : « Champagne ! Vive la vie ! » C’est ainsi qu’elle terminait un livre de spiritualité. Aidons nous à vivre une belle fête de Noël, oui, aidons nous. Ensemble vers la Lumière.

Amen

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *