Messe du 3ème dimanche ordinaire

 

Noël Pedreira, assistant pastoral, à N.-D. de la Prévôté, Moutier, le 26 janvier 2003.

Lectures bibliques : 1 Corinthiens 7, 29-31; Marc 1, 14-20

Le récit de l’appel des premiers disciples a beau être très connu, il ne cesse pour autant de surprendre. En effet, il y a de quoi être déconcerté par l’empressement et la radicalité des réponses de Simon, André, Jacques et Jean. Il n’y a pas l’ombre d’une hésitation dans leur comportement: à l’appel de Jésus, Simon et André laissent aussitôt leurs filets pour le suivre, de même que Jacques et Jean, dont le père se retrouve soudain seul avec ses ouvriers et sa barque. Nous voudrions parfois nous aussi pouvoir répondre avec la même fougue à l’appel du Seigneur, avec le même brin de folie qui amène à dire « oui » au Christ sans aucune concession. Cependant, force est de constater que la seule volonté ne suffit pas toujours et que nous nous sentons parfois incapables d’une telle audace. Nous contemplons alors avec une certaine amertume, voire même avec quelque jalousie, le courage de ces premiers disciples qui n’ont pas hésité à se lancer sans réserve à la suite de Jésus.

 

Pourtant, au lieu de nous décourager de la sorte, l’évangile de ce jour devrait au contraire nous réconforter, et même devenir source d’espérance et de joie. Il est en effet essentiel de prendre conscience que dans ce récit le Christ ne choisit pas ses disciples en fonction de la solidité de leur foi ou de leur rigueur morale. Il suffit d’ailleurs de lire la suite de l’évangile pour se rendre compte combien le parcours des disciples est jalonné de doutes, de compromissions, de jalousies, de lâchetés et de reniements. Même Simon, qui deviendra Pierre, même Simon, le premier disciple avec André que Jésus a appelé, même ce Simon-là ira jusqu’à renier à trois reprises celui qu’il avait pourtant côtoyé durant trois années et qu’il avait reconnu comme étant le « Christ », le Messie.

 

L’appel de Jésus apparaît donc dans notre évangile comme un pur don gratuit qui ne présuppose aucune disposition particulière chez celui qui le reçoit. Et c’est là que ce récit nous réconforte et devient pour nous source d’espérance et de joie: le Christ nous appelle tels que nous sommes.

 

Par conséquent, ne prenons pas trop vite nos manques de foi, de courage ou de charité comme autant d’alibis pour ne pas nous lancer à la suite du Seigneur. Quand le Christ nous appelle, n’ayons pas peur de ne pas être à la hauteur de la tâche qu’il nous confie. Le Christ connaît notre misère, les combats et les tribulations de notre âme, la faiblesse et les infirmités de notre corps; il sait notre lâcheté, nos péchés, nos défaillances; il nous dit malgré tout: Venez derrière moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. Même si nous retombons souvent dans ces fautes que nous voudrions ne jamais commettre, même si nous sommes lâches au moment de servir nos semblables, Jésus ne nous adresse qu’une seule demande: Venez derrière moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. Si nous attendons d’être des saints pour suivre le Christ, nous ne le suivrons jamais. Le Christ nous appelle tels que nous sommes. Suivons-le donc tels que nous sommes, avec nos manques, nos faiblesses et nos compromissions. Bien sûr, en cheminant à sa suite, le Christ compte bien prendre le temps de nous former, de faire grandir notre foi, d’éclairer nos doutes, de nourrir notre charité et notre espérance, mais en attendant, l’essentiel reste de ne pas avoir peur de le suivre.

Le Christ ne nous appelle pas parce que nous sommes des saints, il nous appelle pour que nous devenions des saints, c’est-à-dire pour que nous devenions des hommes et des femmes ouverts à l’amour de Dieu et prêts à laisser cet amour irradier toutes les dimensions de notre vie. Et tout au long de cette aventure vers la sainteté, Jésus ne cessera jamais d’être à nos côtés pour nous guider, pour nous relever lorsque nous tomberons, pour nous porter quand marcher sera au-delà de nos forces, pour panser nos plaies lorsque nos chutes en occasionneront. N’ayons pas peur, chers frères et sœurs, de suivre le Christ: nul doute qu’il saura s’adapter à ce que nous sommes en épousant le rythme de notre liberté.

Nul doute également que cette école de sainteté à la suite du Christ fera de nous des hommes et des femmes radicalement nouveaux. Et c’est justement ce dont Paul nous parle dans l’extrait de la première lettre aux Corinthiens que nous avons entendu tout à l’heure. Quand Paul écrit par exemple que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, il ne demande pas au chrétien que je suis de négliger mon épouse. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir la lettre aux Ephésiens, dans laquelle Paul nous enseigne que le chrétien doit aimer son épouse comme le Christ a aimé son Eglise et s’est livré pour elle. En écrivant que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, Paul cherche plutôt à nous rappeler qu’en suivant le Christ, nous entrons dans une ère nouvelle et que nos points de repère traditionnels s’en trouvent totalement bouleversés. Ainsi, suivre le Christ en tant qu’époux, ce n’est pas déprécier son conjoint, c’est apprendre à ne pas l’idolâtrer et à ne pas idolâtrer son couple, c’est apprendre à le considérer pour ce qu’il est en vérité: un don de Dieu.

 

Suivre le Christ ne peut donc ainsi que nous libérer peu à peu de tous ces schémas de péché qui entravent nos vies et qui nous empêchent de vivre pleinement notre vocation d’hommes et de femmes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

 

Chers frères et sœurs, suivre le Christ est assurément une aventure. Simon, André, Jacques et Jean ont osé faire le pas. N’ayons pas peur de nous lancer nous aussi dans cette aventure palpitante et ô combien libératrice. Nous ne courons qu’un seul risque: la sainteté.

 

 

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