Messe du 3ème dimanche de l’Avent

 

Mgr Benoît Vouilloz, à l’église N.-D. de la Visitation, Martigny, le 14 décembre 2003.

Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18

« Soyez toujours dans la joie du Seigneur; laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie »

 

Chers frères et sœurs, l’exhortation de saint Paul aux fidèles de la ville de Philippe, en Macédoine (aujourd’hui en Turquie), nous rejoint aujourd’hui, nous, fidèles du 21e siècle, nous, fidèles qui participons à cette célébration radiodiffusée.

Plus nous progressons sur ce chemin de l’Avent qui nous conduit à Noël, plus se font nombreuses et pressantes les invitations à la joie, à travers les lectures bibliques et les prières liturgiques, qui résonnent comme un carillon de cloches, annonçant déjà la grande Joie de la nuit de Noël.

 

« Soyez toujours dans la joie »

Frères et sœurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je me sens proche, solidaire de tous ceux et celles parmi vous qui ont de la peine à accueillir une telle invitation, qui en sont peut-être choqués, parce qu’ils traversent une épreuve douloureuse, ou bien parce qu’ils sont bouleversés par tous les drames de notre humanité.

Avec vous, j’aurais envie d’interpeller notre cher grand frère dans la foi, Paul de Tarse :

« Est-ce que vous réalisez la situation de tant de nos frères et sœurs ? Vous allez dire à un grand blessé qui souffre sur son lit d’hôpital ou sur un champ de bataille : ‘Soyez dans la joie et la sérénité’ ?

Vous allez dire la même chose à une mère de famille sans ressources, qui assiste, impuissante, à la mort de son enfant sous-alimenté ? Vous allez exhorter de la même façon toute cette foule de pauvres sans défense, dans votre propre pays, Israël-Palestine, ou en Côte d’Ivoire, en Irak, en Colombie, ou partout ailleurs, tous ces petits vivant dans la peur du lendemain : ‘ Soyez dans la joie et la sérénité’ ? »

Saint Paul nous répondrait : « Bien sûr que non. On ne va pas formuler cette exhortation n’importe comment ! » .

L’élan de la foi ne supprime pas le bon sens et encore moins la délicatesse du cœur.
Notre frère Paul de Tarse est un réaliste, très conscient des drames et des tribulations multiples auxquels nous sommes affrontés. Il ne vit pas sur un nuage, et il n’invite personne à vivre ainsi. Au contraire, il ne cesse, dans toutes ses lettres, de nous exhorter à « pleurer avec ceux qui pleurent », à « porter les fardeaux les uns des autres ». Mais il désire ardemment nous partager l’espérance qui l’habite et qui, pour lui, demeure une source inaltérable de joie. Il a fait l’expérience de l’Amour du Seigneur et nous redit, à travers les siècles : «Soyez dans la joie, car le Seigneur est proche »

Le Seigneur est proche
Cela signifie tout d’abord que le Christ est proche de chacun, chacune d’entre nous, lui qui s’est fait petit enfant, né d’une femme, Marie, pour partager notre condition humaine jusque dans les plus petits détails de notre vie quotidienne. Il se veut particulièrement proche des souffrants, des angoissés, des blessés de la vie.

Mais alors, comment manifeste-t-il sa sollicitude ? Avant tout, en comptant sur ses disciples : nous voici investis d’une mission importante, irremplaçable : rendre le Sauveur présent auprès de nos frères et sœurs en difficulté, en détresse ; leur révéler le Cœur de Dieu, par tout notre être, en devenant le prochain de toute personne rencontrée, à l’exemple du Bon Samaritain de l’Evangile : une aide matérielle ou psychologique, une main tendue, un service rendu, une parole aimable, un regard d’affection, un cœur qui écoute, un sourire…Baptisés et confirmés dans le feu de l’Esprit-Saint (comme vient de nous le rappeler Jean-Baptiste, dans l’Evangile proclamé tout à l’heure), nous sommes responsables de nous rendre mutuellement l’Amour du Seigneur proche et sensible. Une telle mission est par excellence source de joie, aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reçoit.

Comment ne pas évoquer ici le souvenir lumineux de Mère Térésa de Calcutta , elle qui aimait à dire : « Un cœur qui aime est un cœur joyeux » et aussi « Ne laissez jamais les tristesses du temps présent vous faire perdre la joie du Christ ressuscité ».

Cette invitation à la joie en toute circonstance s’enracine également dans la certitude que « le Seigneur est proche » parce que, de toute façon, notre vie avance vers la rencontre définitive du Christ Jésus: chaque jour qui passe nous rapproche de cette rencontre, où la Joie de Dieu, dans un ruissellement de lumière, comblera à jamais les cœurs de ses enfants, que nous sommes. Le souci, et même l’angoisse du quotidien peuvent continuer de nous éprouver, mais l’horizon n’est pas bouché, comme il l’aurait été, si Jésus n’était pas venu s’enfouir en notre humanité, pour y mourir dans la nuit et ressusciter dans la lumière.

Grâce à l’événement « Jésus », il y a 2000 ans, nous pouvons proclamer joyeusement avec saint Paul :

« La création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement…Mai elle attend avec impatience la révélation des enfants de Dieu… et j’estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous… »

Et, de plus, cet horizon ouvert projette dès maintenant sa lumière non seulement sur les épreuves du temps présent mais aussi sur les bonheurs multiples de notre existence terrestre ; en effet, même si elle gémit encore, la création nous offre pourtant des joies merveilleuses : pensons, par exemple, aux joies de la nature, le chant des oiseaux, un lever de soleil, la présence attachante d’un animal, pensons aux joies de la vie familiale et de l’amitié, un repas de fête, la naissance d’un enfant, toutes ces joies humaines et terrestres ne sont pas éclipsées ou affadies par la perspective de la gloire future, elles en sont, au contraire, amplifiées, dynamisées de l’intérieur, elles en reçoivent une densité plus grande, et deviennent des signes annonciateurs du monde à venir.

Finalement, comme tout ce qui est grand, beau et bienfaisant,- comme la Vie, l’Amour, la Paix- , la Joie est un Don de Dieu, un rayonnement de son être : Dieu est Joie.

Voilà pourquoi, saint Paul précisait tout à l’heure : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ».

Gardons également, comme une lampe allumée, éclairant notre route de l’Avent vers Noël, ainsi que notre route de la vie vers l’Eternité, gardons cette parole que nous ont transmise nos pères dans la foi, et que nous trouvons au livre de Néhémie, dans l’Ancien Testament :

« La joie du Seigneur est notre rempart et notre force »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *