Messe du 3ème dimanche de l’Avent

 

Abbé Marc Donzé, à l’église Saint-Maurice, Ursy, FR, le 13 décembre 2009
Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18 – Année C

 

Les foules qui venaient auprès de Jean le Baptiste lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »

Ne sommes-nous pas une partie de ces foules, à 2000 ans de distance, nous qui participons à cette célébration dans l’église d’Ursy ou au travers de la radio ? Oui, mais à une condition cependant : c’est que notre cœur et notre corps veuillent bien se mettre en mouvement dans la recherche de ce qui est le plus noble et le plus généreux, comme les foules qui se déplaçaient par leur corps et bien plus encore par leur cœur vers Jean-Baptiste. Car, si nous n’avons aucune intention de nous bouger, la réponse du prophète sera purement cosmétique, elle ne servira à rien.

Que répond donc Jean au bord du Jourdain ? trois indications très simples et très  praticables dans la vie de tous les jours.
La première concerne le partage. « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Le partage est essentiel à la vie chrétienne, et même à la vie tout court. J’irais même jusqu’à dire qu’il fait partie de la nature humaine, quand elle n’est pas pervertie. 
Nous sommes donc invités à nous poser la question du partage. Chacun de nous, s’il veut être fidèle à l’Evangile et même à son humanité, doit pouvoir dire : voilà, je partage une part de mes biens, une part de mon temps, une part de mon affection avec telle personne, au sein de tel groupe, au service de telle communauté. Je le fais avec tout l’élan de mon cœur, puisque le cœur de l’homme, en sa noblesse la plus essentielle, est fait pour le partage et pour l’amour.

Mais la question du partage peut et doit aussi être collective. En particulier, les instances d’Eglise doivent être orientées vers le partage ; il ne suffit pas qu’elles soient orientées vers la conservation de leurs biens, de leur substance, de leur patrimoine, même si cet aspect est incontestable et nécessaire. Une part significative des biens de l’Eglise doit pouvoir servir au partage, sans exclusion, sans acception de personnes. Combien est mesquine parfois la réflexion de certains responsables qui refusent de financer une activité, parce qu’elle pourrait même comprendre des musulmans ! Nous avons un grand travail spirituel à réaliser pour que la gestion des biens et des activités de l’Eglise soit traversée par le souffle du partage.

Ce que je dis ici pour l’Eglise vaut aussi, d’une certaine manière, pour l’Etat. J’aime bien affirmer qu’on mesure la qualité d’une société civile à la manière, dont elle traite ses membres les plus démunis et les plus menacés. Par exemple, je peux saluer, dans le canton de Fribourg et sûrement aussi dans les autres cantons, l’immense effort réalisé pour la prise en charge et l’intégration des personnes handicapées. Mais la bataille du partage n’est jamais complètement gagnée : les réflexes de peur et de protectionnisme peuvent resurgir à tout moment. La question doit donc toujours être tenue en éveil – et c’est notre tâche au nom de l’Evangile : comment pouvons-nous partager, dans l’Eglise comme dans la société civile, avec celui qui a faim, avec celui qui est nu ? comment pouvons-nous le faire avec réalisme et avec générosité ?
Question essentielle, puisque Jésus-Christ lui-même nous la posera, au terme de notre vie. « J’avais faim et vous m’avez donné à manger. J’étais nu et vous m’avez vêtu. Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » Pourrons-nous entendre cette parole, de façon personnelle et collective, et réaliser que, oui, nous avons vraiment partagé au cours de notre existence.

Deuxième message de Jean Baptiste : la justice. Aux collecteurs d’impôts, il dit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé !» Transposons : que les contrats et les conditions de travail soient équilibrés ; qu’ils puissent ouvrir à une vie autant que possible humanisante et créative. Que le partage du travail permette à chaque personne d’accéder à une condition digne. Que les systèmes d’équilibrage économiques permettent une équitable distribution des biens, empêchent que certaines personnes puissent bénéficier d’un accaparement exagéré, etc. Le travail est immense, si nous voulons aller vers plus de justice, si nous voulons surtout que chaque personne dispose « d’un espace de sécurité pour devenir un espace de générosité », comme le dit de façon si pertinente Maurice Zundel. Si nous écoutons vraiment Jean-Baptiste, il fait partie de la base de la vie évangélique que de parcourir ce chemin vers plus de justice ; reconnaissons-le : ce n’est pas facile dans une société aussi complexe que la nôtre, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se mettre en route, chacun à partir de ce sur quoi il peut avoir prise.

Troisième message de Jean-Baptiste : le respect. Aux soldats, il dit : « Ne faites ni violence ni tort à personne ». Pas facile pour des soldats habitués à violer et à piller. Transposons encore une fois : Jean-Baptiste invite clairement au respect de la personne de l’autre : respect de la conscience et de la liberté de chacun ; aucun viol bien sûr, même pas en pensée. Respect qui comporte cependant une grande exigence : celle de la réciprocité. Si je veux que l’autre me respecte, je dois aussi le respecter ; et c’est le travail de la société que de garantir les conditions minimales de cette réciprocité.

Partage, justice, respect : trois mots pour résumer le message de Jean-Baptiste. Ils nous mènent très loin, si nous les prenons vraiment au sérieux, si nous voulons vraiment être  à notre tour des « Jean-Baptiste ». Mais, au nom de l’Evangile, il y manque encore quelque chose qui est plus essentiel : l’amour ; cet amour si particulier qui veut que l’on donne sa vie, pour que l’homme devienne pleinement homme, ainsi que le fit Jésus-Christ, cet amour qui permet que l’on regarde l’autre dans les yeux et lui dire : tu peux te mettre debout et devenir quelqu’un de noble et de généreux.

Partage, justice, respect : à vivre dans l’amour. Et la grande surprise, c’est qu’alors, ils ne sont plus seulement un effort ou un combat. Ils deviennent une source de joie, qui nous est donnée au fond du cœur par Celui qui est à l’origine de tout dans l’harmonie et dans la paix.
Amen

 

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