Messe du 3e dimanche ordinaire


Abbé Léon Chatagny, à l’église de Fétigny, FR, le 27 janvier 2002

Lectures bibliques : Isaïe 8, 23-9,3; Matthieu 4, 12-23

Les nouvelles circulent vite… Les mauvaises nouvelles encore plus vite que les bonnes, car notre monde est avide de sensationnel. Le bouche à oreille, la presse, les ondes de la radio ou de la TV images à l’appui, sont des relais performants.
Qui ne sait pas aujourd’hui que Lausanne Hockey-Club a gagné son match hier soir, que Martina Hingis a perdu la finale de l’Open d’Australie, que le prochain forum de Davos se tiendra à New York, tandis que l’anti-Davos a déjà commencé hier à Zurich, avant de se poursuivre à Porto Alegre ?

Dans l’évangile de ce jour, une bonne nouvelle circule en Galilée. Cette bonne nouvelle pourra-t-elle nous toucher ce matin nous qui sommes rassemblés dans cette église de Fétigny, vous qui êtes à l’écoute en ce moment ? Une bonne nouvelle qui pourrait soulager spécialement ceux qui peinent pour des motifs divers et donner encore plus de bonheur à ceux qui sont dans la joie.
Une première interrogation : de quelle bonne nouvelle s’agit-il ? Jésus cite le prophète Isaïe. Il parle d’un peuple qui habitait dans les ténèbres, au pays de l’ombre et de la mort. Il y eut dans ce coin de pays de graves épreuves, invasions et pillages. Dans ce lieu aux mille difficultés, va se lever une lumière splendide qui chassera les obscurités, promettant un avenir dans la joie et l’allégresse.

Nous avons vécu les fêtes de Noël qui ont donné un nom à cette lumière : Emmanuel, Dieu avec nous; Jésus, le Seigneur sauve.
Avec Lui, Jésus, trouver des chemins de liberté ! La Galilée est une très belle région offrant des chemins ouverts sur les quatre points cardinaux. Isaïe et Jésus l’appellent le carrefour des païens, le carrefour des nations, car la population y est très mélangée. Juifs et païens vivent ensemble. Les influences extérieures sont multiples. Des puissances étrangères cherchent à imposer leurs contraintes. Mais il y avait plus grave : il était difficile, pour les croyants juifs de garder la foi au Dieu unique et l’espérance dans la venue du messie. Le mal-être était devenu spirituel. Jésus ne se présente pas comme le messie libérateur politique, mais comme celui qui veut guérir le mal à la racine : le Royaume des cieux est tout proche, convertissez-vous. Se convertir, changer de direction, se retourner… parce qu’on fait fausse route.
Le carrefour de nations, c’est notre monde. Nous risquons de faire fausse route quand bonnes et mauvaises nouvelles se mélangent, quand la liberté consiste à faire uniquement ce qui plait, à ne rechercher que son intérêt. Les progrès en humanité deviennent impossibles.

Un jour, un journaliste demande à Mère Térésa : « Chère Mère, dites-moi ce qu’il faut changer dans le monde ? » Avec ses yeux pleins de malice, Mère Térésa lui répond : « C’est vous, c’est moi ». On peut larmoyer sur les horreurs du monde. Mais au-delà de l’émotion, nous devons réfléchir, faire un retour sur nous-mêmes pour dire : le monde que nous voulons meilleur, il dépend de nous. Nous devons vivre la justice là où nous sommes et bâtir une civilisation de l’amour. L’évangile de ce matin nous permet de rencontrer quelqu’un qui libère, qui met la paix dans le cœur, qui permet à ce bonheur de se répandre. Quelle bonne nouvelle !

Avec Jésus, trouver aussi des chemins de vie ! Dans ce peuple de Galilée, les maladies et les infirmités étaient nombreuses, les moyens sanitaires rudimentaires. Que de fois, on retrouve Jésus avec des malades, des handicapés, des boiteux, des aveugles…
C’est vite dit comme dans l’évangile ce matin : il guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. Comment comprendre ?

Dans mon ministère de prêtre, je n’ai pas rencontré beaucoup de guérison physique. Par contre, j’ai rencontré des personnes guéries intérieurement. Durant plusieurs années, j’ai visité une personne atteinte d’une grave maladie, obligée d’être allongée sur un lit ou assise sur une chaise roulante. Pas de perspective de guérison. Après le partage de l’Eucharistie, au moment où nous récitions le Notre Père, nous avions toujours un décalage entre elle et moi au moment où nous disions que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. J’étais toujours en avance et elle en retard. Un jour, elle m’a expliqué : j’essaie de dire « que ta volonté soit fête ! » et j’essaie de l’intérioriser, alors il me faut du temps … Je ne veux pas subir ma vie d’handicapée et de malade, je veux la vivre, la vivre en compagnie heureuse du Seigneur.
J’accompagne actuellement une autre personne hospitalisée, démolie par une partie de son entourage au travail. Une profonde déprime l’a amenée à des gestes irréguliers et qui aujourd’hui sont considérés comme justes motifs de licenciement. Est-ce que nous mesurons les dégâts qu’on peut engendrer par des attitudes injustes, des paroles assassines ? Il est facile de mettre quelqu’un à terre, tellement plus difficile de l’aider à se relever. Jésus peut devenir une bonne nouvelle qui fait vivre, parfois, grâce aux relais que nous pouvons assurer auprès des malades. Alors, la chaleur du matin de Pâques redonne courage et vie.

Avec Jésus, retrouver enfin la grande famille de l’Eglise ! Evidemment, je fais maintenant allusion à la deuxième lecture de ce jour. Dans la communauté de Corinthe, il y a des mésententes, des divisions : les uns se réclament de Paul, d’autres d’Apollos, d’autres de Pierre, d’autres enfin du Christ. Paul s’enflamme avec des questions auxquelles il n’est pas nécessaire de donner des réponses. « Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce moi Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » Les Corinthiens ont dû comprendre l’exhortation à retrouver « la parfaite harmonie de pensées et de sentiments autour du Christ. »
Dans le Christ seul est la source de vie. C’était le thème de la semaine de prière de l’unité qui vient de se terminer. Les divisions entre chrétiens continuent d’être un scandale en ce début du 21ème siècle. Nous sommes encore loin de l’unité selon le désir du Christ et l’exhortation de Paul.

Et pourtant, des signes positifs sont donnés ici et là. A Assise par exemple, jeudi dernier, où des représentants de différentes religions du monde se sont engagés au service de la paix, en compagnie de Jean Paul II. Mais aussi plus proche de nous et plus modestement, dans cette église de Fétigny, où nous avons réuni, dimanche passé, les communautés catholique et protestante de la région. Dans les familles de trois frères, il y avait quatre enfants à baptiser dont des jumeaux. Deux enfants ont reçu le baptême protestant des mains du pasteur et deux autres le baptême catholique des mains du prêtre. L’assemblée était chaleureuse, priante, chantante… C’est une bonne nouvelle quand des croyants, des chrétiens de confessions différentes se rassemblent, recherchent des chemins de paix, d’unité.

Mais reconnaissons-le, le Seigneur a encore beaucoup de travail à faire avec nous, pour que nos communautés soient vivantes et rayonnantes. Sommes-nous disposés à entendre ses appels comme Pierre, André et les autres disciples ? La Bonne Nouvelle les a réjouis et le moment venu, ils n’ont pas hésité à partir jusqu’au bout du monde pour l’annoncer et surtout en vivre. Jésus appelle des pêcheurs de poissons, en pleine activité. Démarche pleine de signification : ils passeront d’un travail à l’autre, d’une pêche à une autre, ils deviendront des « pêcheurs d’hommes ».

Saurons-nous, avec humilité et simplicité, nous mettre à l’école de Jésus, le maître de la bonne Nouvelle ? Essayons donc, de laisser tomber les mauvaises nouvelles, en tous cas, de ne plus en être les acteurs. Soyons, à la suite d’une multitude de témoins, les agents de la mondialisation de la bonne Nouvelle. Amen.

 

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