Messe du 3e dimanche ordinaire

 

 

Chanoine Guy Luisier, à l’Abbaye de Saint-Maurice, VS, le 25 janvier 2004.

Lectures bibliques : Néhémie 8, 1-10; 1 Corinthiens 12, 12-30; Luc 1, 1-4 et 4, 14-21

Mes sœurs, mes frères,

 

Venue d’Amérique et déferlant sur le reste du monde à la fin des années 60 et dans les années 70, la vague hippie a frappé de plein fouet l’univers des valeurs de cette époque-là.

Ceux parmi vous qui ont vécu en ces années se souviennent de ces gens épris de liberté et d’amour jusque dans les impasses de la libération sexuelle, épris de provocation jusque dans les tenues vestimentaires, les désarticulations musicales, les allures baba-cools, jusque dans les impasses des paradis artificiels.

Mais il y avait quelque chose de poignant dans cette recherche naïve d’un paradis sur terre, égalitaire, pacifiste et idéaliste…

Bien sûr la mode a passé. Le balancier comme toujours a joué son rôle. La terre continue à tourner. L’humanité continue à chercher des voies de lumières dans les obscurités des esprits et des âmes. Elle le fera certainement avec plus ou moins de chances jusqu’à la fin des temps.

L’héritage hippie n’intéresse pas beaucoup de monde de nos jours. Et cependant dans tout un fatras de slogans souvent assez niais, j’ai retrouvé une formule hippie assez heureuse et qui rejoint une réalité évangélique de base, ainsi qu’une intuition existentielle plus profonde qu’il n’y paraît.

« Aujourd’hui, c’est le premier jour du reste de ma vie. »

Evidence.

Aujourd’hui est bien le premier jour du reste de ma vie.
Et justement dans cette évidence et par cette évidence, il y a dans l’affirmation quelque chose de profondément humain. Elle parle de notre besoin d’avancer vers quelque chose tout en donnant une chance et une profondeur à ce que nous vivons maintenant dans notre existence.

Chaque homme est en pèlerinage entre ses hiers et nos demains. Comment faire pour que il ne désespère pas du cours de sa vie avec ses échecs et ses déceptions ? Donner une profondeur à l’aujourd’hui peut aider à dépasser les échecs d’hier et envisager sereinement tous ces lendemains, qui n’existent pas encore.

Il y a aussi quelque chose qui parle de Dieu dans cette formule : aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie. Dieu porte un regard d’amour sur l’ensemble de mon existence. Il voit mon histoire, l’histoire de tous les hommes, il voit l’histoire de l’univers, il voit mes possibles, il voit tous les possibles possibles. Mais, car il y a un mais c’est aujourd’hui qu’il vient dans ma vie, c’est aujourd’hui, que je peux vivre sa rencontre avec moi, ma rencontre avec lui.

Le thème est fortement biblique. Alors que les hommes se souviennent avec raison de ce que Dieu a fait pour le salut des générations passée, alors que les hommes proclament avec raison le salut à venir et définitif, les prophètes rappellent que le temps du salut se réalise dans l’aujourd’hui de chacune de nos vies, l’aujourd’hui nouveau, premier jour du reste de notre vie.

Je trouve que cette formule hippie, dans ce qu’elle a de profondément humain est un bon écho à l’évangile de notre dimanche. C’est autour de cet aujourd’hui, très humain et très divin que tourne tout le message que Jésus offre à son peuple, nous offre encore maintenant.

Comme tout Juif pieux, Jésus a lu l’Ecriture et les prophéties du Livre sacré, dépositaire de l’Alliance ancienne. Il en a fait publiquement la lecture dans la synagogue de Nazareth. Alors tous les yeux sont tournés vers lui. Et voici que sortent les mots d’une alliance nouvelle : « Ces paroles de l’Ecriture c’est aujourd’hui qu’elles se réalisent. »

Il le dit dans toute la force de son être, pleinement homme et pleinement Dieu, pleinement investi du salut de la terre.

Il vit cet aujourd’hui comme homme, qui a vécu pendant trente ans auprès de ces gens de Nazareth, partageant leurs joies et leurs souffrances quotidiennes, les déceptions et les écœurements qui sont le lot de tout personne. Comme homme Jésus sait par sa chair ce que cela implique d’annoncer une bonne nouvelle aux pauvres et que de pauvretés sur la terre, la libération aux prisonniers, et que de prisonniers hors des prisons, la lumière aux aveugles et que d’aveugles qui ont pourtant des yeux sains, la libération aux opprimés et que d’oppression sur les cœurs et les esprits.

Jésus est homme et lorsqu’il parle de l’aujourd’hui du Salut, il ne parle pas de quelque chose d’extérieur à lui. Il est lui l’aujourd’hui définitif de l’homme, et c’est cela la grande bonne nouvelle chrétienne.

De plus comme Dieu Jésus vit avec le Père l’aujourd’hui permanent de l’amour, de la solidarité et de la tendresse.

En Jésus c’est l’aujourd’hui éternel de Dieu qui rejoint l’aujourd’hui de l’homme. Mystère unique que cette personne de Jésus !

Mais allons plus loin ou plutôt venons plus près. L’immense Nouvelle de cet évangile c’est que l’aujourd’hui de Jésus nous rejoint nous, avec notre façon personnelle de vivre le temps qui nous est donné. Notre passé personnel avec ses grandeurs et ses misères, notre avenir avec ses espoirs et ses attentes peuvent trouver du sens dans l’aujourd’hui de Jésus.

Jésus est l’aujourd’hui de Dieu et de l’homme, un aujourd’hui éternel auquel nous pouvons confier ces déceptions du passé que notre mémoire a tellement de peine à porter, les angoisses ou les espérances de l’avenir.

 

Lieu de prière et en même temps lieux d’action et de libération, chaque aujourd’hui vécu avec Christ peut nous aider à devenir plus chrétiens et surtout plus humains. Quand Jésus dit « aujourd’hui », cet aujourd’hui devient le seul jour qui compte dans toute l’histoire, et de toute mon histoire.

Mes sœurs, mes frères, en pensant à cet aujourd’hui premier jour du reste de notre vie, nous pouvons faire notre cette réflexion d’un auteur inconnu :

 

Aujourd’hui, tu peux être heureux,
Pas hier, ni demain.
La plupart de nos misères sont
Des restes d’hier
Ou des soupçons empruntés à demain.
Tous tes hiers, Dieu les a repris;
Tous tes demains sont entre Ses mains.
Aujourd’hui est à toi et à Dieu
Prends-en les peines et les joies
et sois toi avec Dieu.
Décide aujourd’hui même
De jouir de ton travail comme de tes loisirs.
Aujourd’hui est à toi,
Vis-le,
Emploie-le,
Chante-le,
De sorte que, toujours, tu puisses dire à Dieu:
J’ai aimé mes aujourd’huis avec Toi.

Amen

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