Messe du 3e dimanche de Pâques

 

Abbé Jean-Marie Pasquier, à la chapelle de l’EMS d’Humilimont, Marsens, le 8 mai 2011
Lectures bibliques : Actes 2, 14.22-28; 1 Pierre 1, 17-21; Luc 24,13-35 – Année A

 

Les disciples d’Emmaüs… Et si c’était nous qu’ils représentent ? Bien sûr on ne peut pas se mettre à leur place.  Mais à qui  n’est-il pas arrivé, après la  disparition inattendue, peut-être brutale,  d’un être cher, de rentrer à la maison, la tête basse, le cœur triste, en se disant : « Ce n’est pas juste ! Pourquoi lui ? Il ne méritait pas ça ! On avait espéré qu’il s’en sortirait … » Et l’on ajoute peut-être,  parce qu’on est quand même croyant : « Il était où le Bon Dieu ? »  Une question  souvent entendue, ces derniers temps,  après les catastrophes, les accidents de montagne, le suicide d’une adolescente … Question qui reste sans réponse … apparemment.
Je dis « apparemment », parce que peut-être, sur le chemin de deuil, quelqu’un s’est approché … Pas nécessairement un proche … Quelqu’un qui n’a rien dit, qui n’avait pas de réponse toute faite.  Il a seulement écouté, il nous a permis de dire ce qui nous faisait tellement mal.  On s’est senti rejoint dans notre souffrance, compris …

N’est-ce pas ce qui est arrivé aux pèlerins d’Emmaüs ? Avec cet inconnu sur leur route, qui les a longuement écoutés,  et après seulement, a tenté, à partir des Ecritures, de donner un sens à ce qu’ils venaient de vivre. Vous deviez le savoir, c’était écrit : «  Ne fallait-il pas que le Messie souffrit avant d’entrer dans la Gloire… » Alors leur cœur glacé par le chagrin se réchauffe peu à peu au feu de la Parole… Une parole qui n’est pas seulement Ecriture, mais une Parole devenue chair : quelqu’un qui marche avec eux, qui va les accompagner jusque chez eux.

  Alors bien sûr ils essayent de le retenir : « Ne nous quitte pas… Reste avec nous ». Non seulement le compagnon de route va rester. Il entre dans la maison, se met à table avec eux, prend le pain, dit la bénédiction (la beraka), rompt le pain et le leur donne, comme au soir du jeudi saint. Dans le même instant, leurs yeux s’ouvrent, ils le reconnaissent, mais il a déjà disparu à leurs yeux ….

Remarquez bien : l’évangile ne dit pas qu’il les a quittés, mais qu’il a « disparu à leurs regards ». Leurs yeux de chair ne le voyaient plus, mais Il est  bel et bien resté avec eux, autrement certes, d’une présence devenue invisible, en tout cas moins sensible, mais bien réelle et qui les remet debout,  en marche, pour aller partager la nouvelle à leurs frères qui sont restés à Jérusalem.

Il nous arrive aussi, à nous les prêtres,  lors des funérailles,  de dire, en parlant du défunt : « il nous a quittés … » Est-ce bien juste ? Bien sûr, « on ne verra le plus comme avant.» C’est une absence bien réelle dont il faudra  faire le deuil. Mais n’est-ce pas pour découvrir, après un long chemin, qu’on peut expérimenter,   comme les disciples d’Emmaüs, une autre forme de présence ?  Jésus lui-même l’a dit : « Vous ne me verrez plus», mais aussi : « Je reste avec vous, tous les jours. » C’est bien plus qu’une apparition furtive, c’est une présence réelle qui demeure et dont nous pouvons vivre.

N’est-ce pas aussi cette proximité qui peut nous être donné de vivre avec nos défunts, comme une communion que nous pouvons expérimenter, au-dedans de nous-mêmes, dans une  intimité profonde avec ce Dieu « plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. » (saint Augustin).  Comme l’a si bien dit l’abbé Maurice Zundel : « Pour rejoindre nos chers défunts, qui ne sont pas dans un ailleurs, mais qui sont au-dedans de nous, comme Dieu Lui-même, Il n’est donc pas d’autre chemin que d’intérioriser notre vie. Il s’agit d’atteindre au niveau le plus profond de l’existence, car c’est là, dans ce cœur à cœur avec le Seigneur que nous retrouvons, éternisé, le visage de tous ceux que nous aimons, que nous ne cesserons jamais d’aimer et avec lesquels nous pouvons toujours échanger la même respiration de tendresse que dans les suprêmes moments vécus ici-bas : qui est le Dieu Vivant en Qui tout est Vie. »

 

 

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