Messe du 3e dimanche de Pâques

 

Chanoine Olivier Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 26 avril 2009
Lectures bibliques :
Actes 3, 13-19; 1 Jean 2, 1-5; Luc 24, 35-48 – Année B


Frères et sœurs, chers amis,

Parmi les nombreux santons de Provence, il y a le Ravi. Cet émerveillé montre simplement le chemin du bonheur. Au Ravi, on peut lui associer « la ravivo », la femme ravie, mais aussi l’étonné. L’étonné est un valet que l’on représente penché à la fenêtre de la maison et qui regarde dans un même état d’enchantement que le ravi. Si c’est la nativité qui crée l’ébahissement de ces personnages des santons, il n’y a pas de doute que leur étonnement serait tout aussi grand, si ce n’est plus, à la contemplation des événements de la résurrection.

Mais réfléchissons encore à cet étonnement. Notre professeur de philo nous apprenait dès ses premiers cours que la philosophie procède de l’étonnement et du doute. Cet étonnement est la prise de conscience que l’on ignore beaucoup de choses, à commencer par leur principe. Ainsi, pour philosopher il faut commencer par s’étonner, par se poser des questions sur ce qui paraît comme évident de prime abord.

L’évangile nous dit que les apôtres et leurs compagnons sont restés saisis d’étonnement à la vue de Jésus ressuscité. A défaut de philosopher, ils se sont confrontés aux nombreuses questions qui les ont assaillis. Dès les premiers témoignages, les pensées tourbillonnent dans le cœur de ces disciples bouleversés d’émotion. Tant de paroles surprenantes sont rapportées. Auprès du tombeau vide, des anges ont parlé aux femmes et aux apôtres ; le Seigneur leur est apparu. Marie-Madeleine ne sait plus où mettre de la tête lorsque Jésus se montre à elle. Et ces disciples qui se hâtent de rentrer d’Emmaüs où ils ont reconnu le Seigneur à la fraction du pain !

Comment mettre de l’ordre dans toutes ces pensées ? Les évangélistes eux-mêmes l’ont fait chacun à sa manière, et nous avons quatre évangiles différents et complémentaires.

Aujourd’hui, frères et sœurs, nous voici confrontés nous aussi à tant de questions qui ne peuvent que nous étonner. Nous étonner, mais aussi nous mettre en route dans une démarche de réflexion sereine.

Les événements du monde, les catastrophes et les malheurs peuvent susciter notre incompréhension. Les actualités religieuses arrivent, elles aussi, à nous troubler. Et, perdus dans la valse des informations qui nous inondent de tout et de son contraire, nous ne savons plus sur quel pied danser, pour autant que nous puissions encore danser ! La maladie, les souffrances et les peines, les incompréhensions et les déceptions nous paralysent souvent.

Et voilà que Jésus ressuscité, comme autrefois à ses disciples, nous proclame : « La paix soit avec vous. … Pourquoi êtes-vous bouleversés, et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ! » Nous avons certainement de la peine à saisir la nouveauté extraordinaire que représente la résurrection, le bouleversement radical des espérances que le Ressuscité apporte à notre monde désespéré. Comme les disciples, un tourbillon de pensées nous promène par des chemins de traverse.

Mais nous sommes chrétiens et nous savons en qui nous avons mis notre espérance. Nous avons la folie de croire que ce que nous vivons est porteur de signification ! « Alors, Jésus leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures ». C’est le Seigneur lui-même qui nous ramène au calme et à l’espérance. Il nous invite à passer des émotions à la raison, ou plutôt, il nous propose de lire la signification de nos émotions.

Avec le prophète Isaïe, puissions-nous pouvoir dire : « Chaque matin la Parole me réveille, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire » (Is 50,4)

Oui, frères et sœurs, nous qui avons peut-être reçu le baptême il y a très longtemps, ne nous sommes-nous pas habitués à la force de la Parole, ayant renoncé à nous laisser interpeller, trouvant tant d’excuses plus valables les unes que les autres pour mettre Dieu au rayon des objets perdus ! Et la raison des hommes nous pousse à nous occuper uniquement de notre bonheur personnel et individuel.

Mais comme au lendemain de la Passion, aujourd’hui encore le Seigneur prend l’initiative d’apparaître là où on ne l’attend pas, là où on ne l’attendait plus. Et si nous savons le reconnaître, peut-être nous sentirons-nous tous petits et nous reconnaîtrons-nous pécheurs ; mais nous verrons surtout celui qui est source de toute grâce et de tout pardon. Et, comme nous le dit saint Pierre, nos péchés seront alors effacés.

Dieu est en attente ! Il se rappelle la joie de notre jeunesse, l’émerveillement de notre cœur qui le découvrait. Laissons-nous étonner, laissons-nous séduire à nouveau par cet amour ineffable.

Dieu est présent, vivant auprès de son peuple, auprès de chacune et de chacun de nous. Il chemine au creux de nos étonnements, de nos crises et de nos émerveillements ; il éclaire nos intelligences.

L’oraison d’ouverture de la messe l’affirmait : le Seigneur refait les forces et la jeunesse de son peuple, ravivant ainsi sa joie. Que la joie de la résurrection nous permette de surpasser nos étonnements et nous affermisse dans l’espérance de la résurrection.
Amen

 

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