Messe du 3e dimanche de l’Avent

 


Abbé Pierre Jaquet, le 16 décembre 2007, à la basilique Notre-Dame, Genève
Lectures bibliques :
Isaïe 35, 1-10; Jacques 5, 7-10; Matthieu 11, 2-11 – Année A

Le temps de l’Avent s’offre à nous comme un temps de préparation à la venue du Seigneur. La liturgie  nous invite de fait à célébrer un triple avènement : la naissance du Seigneur à Bethléem dans le passé, sa venue dans le cœur par la grâce qu’il nous offre aujourd’hui, son retour glorieux à la fin des temps. 

Passé, présent, avenir, devant ces trois dimensions du temps et de l’histoire une question se pose. L’avènement du Seigneur, à quoi se reconnaît-il ? Quelles paroles, quels signes sont-ils donnés aux croyants ? Comment ces derniers peuvent-ils être témoins de la venue du Seigneur aujourd’hui comme hier ou comme demain ?

Les lectures de ce troisième dimanche de l’Avent nous offrent quelques repères. Il y a d’abord la réponse que Jésus donne à Jean-Baptiste par l’intermédiaire des disciples de ce dernier : « Allez, dit Jésus, rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ».

« Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez ». Jésus donne ici un premier repère qui unit trois verbes importants dans la bible : rapporter ou annoncer, entendre et voir. La disposition de ces trois verbes annoncer, entendre et voir est d’ailleurs un ressort important de la médiatisation d’aujourd’hui. Pour illustrer il suffit d’évoquer de quelques mots clés l’un ou l’autre évènements actuels : Eurofoot 2008, nouvel attentat au Liban, revue Golias, crise financière internationale, élection d’une nouvelle conseillère fédérale,  etc., pour qu’apparaissent tout un cortège d’évènements réels dans lesquels une population nombreuse et des personnes bien concrètes se trouvent tour à tour mobilisées, heurtées, passionnées, blessées, réjouies. Ce troisième dimanche de l’Avent interroge le croyant. Certes il y a bien les évènements qui font l’actualité du monde, mais quels sont les évènements qui font l’actualité du Seigneur dans ce monde ? A quoi peut-on reconnaître la venue du Sauveur ?

Et bien il est des personnes aujourd’hui qui annoncent ce qu’elles entendent et ce qu’elles voient de l’œuvre de Dieu. Je pense par exemple à ce grand rassemblement annuel « prier témoigner » qui a lieu en Suisse romande : en novembre dernier, les confirmands de nos paroisses de Notre-Dame et de la Sainte-Trinité y ont participé avec des milliers d’autres croyants.  Très proche de nous, dans 10 jours, 30 à 40 mille adultes jeunes et croyants de toute l’Europe vont se réunir ici à Genève pour la rencontre de Taizé. Le témoignage de ce qui s’entend et se voit de l’œuvre de Dieu est une part importante  de ce grand rassemblement. Chaque paroisse est invitée à trouver en son sein plusieurs témoins. Je pense dans cet immeuble à cette femme qui aide sa voisine âgée à porter ce qui est trop lourd pour cette dernière. Il y a ce petit groupe qui s’est constitué à l’initiative d’un de ses membres pour faire la lecture à cette personne mal voyante. Il  y a encore cette association qui s’est créée pour assurer un travail rémunéré à des jeunes trop livrés à eux-mêmes.  «Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres».

Les œuvres dont parle le Christ, l’évangile de Matthieu les révèle en détails dans les rencontres de Jésus : le lépreux purifié, le serviteur du Centurion, la tempête apaisée, les démoniaques de Gerasa, les deux aveugles. En écho à ces rencontres résonne l’interprétation de Matthieu.

« Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » (Mt 8, 17) ; ou encore : « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice..» (Mt 9,13) ; il y a aussi la compassion de Jésus :   « Voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger.» (Mt 9,36) 

Aujourd’hui comme hier le Seigneur est présent. Et c’est à cet aujourd’hui de l’œuvre de Dieu que ce temps de l’Avent nous convoque. Il est vrai que ce rendez-vous représente aussi une difficulté pour notre monde moderne. L’hyper médiatisation  d’événements à sensation, l’ère du clic et du zap n’aident pas à entendre et à voir l’œuvre que le Seigneur réalise.

La prison dans laquelle se trouve Jean-Baptiste  n’est-elle pas aussi un peu la nôtre ? Les cachots des temps modernes, n’est-ce pas l’univers éclaté, fragmenté et sans plus aucune référence à Dieu dans lequel beaucoup de nos contemporains s’isolent ? N’est-ce pas l’individualisme dans lequel un grand nombre se replie ? Les emprisonnements modernes n’est-ce pas la prévalence du virtuel sur la réalité, la primauté de l’émotion par rapport à la question du sens ? N’est-ce pas l’interactivité tout azimut  dont la précipitation évince la mémoire et la sagesse des générations passées ? A ces geôles modernes liées aux outrances d’une technologie, d’une économie et d’une culture oublieuse de l’humain, s’ajoutent encore celles de la marginalisation, de la précarité, de l’exclusion.

De sa prison Jean-Baptiste interroge : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Cette interrogation n’est-elle pas celle de nombreuses personnes aujourd’hui qui aspirent à un changement dans leur vie et dans la vie du monde ? L’Evangile nous montre qu’une telle interrogation, qu’une telle attente, qu’un tel désir sont déjà autant de passages par lesquels l’œuvre de Dieu s’accomplit. Le prophète Isaïe en a donné une évocation saisissante : « Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse…».

Saint Jacques donne aussi une belle image dans la lecture de ce dimanche : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience. Voyez le cultivateur: il attend les produits précieux de la terre avec patience jusqu’à ce qu’il ait fait la première et la dernière récoltes ».

Ce troisième dimanche de l’Avent atteste que Dieu est à l’œuvre. Nous sommes invités à en devenir les témoins. Plusieurs chemins s’offrent à nous : entendre, voir, annoncer, désirer, vouloir, aspirer à, prendre patience, se réjouir. Puissions-nous aujourd’hui emprunter l’un ou l’autre de ces chemins. A n’en pas douter, si nous les suivons, nous ferons l’étonnante rencontre du Seigneur qui vient, Lui qui est à l’œuvre aujourd’hui.
 
Notre-Dame de Genève, priez pour nous ! Notre-Dame Messagère de Paix, priez pour nous !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *