Messe du 3e dimanche de Carême

 

 

Abbé Pierre Aenishänslin et Soeur Monique-Baptiste Stulz, monastère de la Visitation, Fribourg, le 19 mars 2006
Lectures bibliques : Exode 20, 1-17; 1 Corinthiens 1, 22-25; Jean 2, 13-25 – Année B

Homélie avec prière universelle incluse

(abbé Pierre Aenishänslin)
L’épisode de la Purification du Temple nous est très connu Et pourtant nous pouvons nous interroger sur sa signification. Le Temple de Jérusalem est vraiment le lieu de la Présence de Dieu et les Juifcute;sence de Dieu et les Juifs, proches ou lointains, y viennent beaucoup en pèlerinage. C’est un lieu sacré, la Maison de Dieu destinée à la louange et à l’adoration. C’est le lieu où l’on reçoit le pardon de ses fautes. Au temps de Jésus il est aux mains de riches familles alliées aux Romains. A la manière de Jérémie, Jésus dénonce cet état de fait. Ces hommes puissants oppressent leurs frères, sans soulever du doigt le poids qu’ils font peser sur les autres. Ils ont fait de la Maison du pardon une maison de trafic. Dieu, à travers Jésus, le refuse.

La colère de Jésus nous étonne certainement. Il y a détournement de l’usage du temple et il veut retrouver la vérité de la pratique religieuse.

(sœur Monique-Baptiste Stulz)
Vous parliez la colère de Jésus qui étonne. On dirait un cri de souffrance et d’amour à l’égard des marchands et des pélerins, qui ne savent pas qu’ils sont eux aussi dans la maison de leur Père, qu’ils sont eux aussi, fils du Père! Ce cri me renvoie à cette autre souffrance : celui d’ hommes et de femmes qui vivent une profonde colère parce que dans la maison de leur père et de leur mère ils n’ont ils n’ont pas été honorés dans leur identité de fils, de fille. Et c’est là un profond chagrin, un grand malheur qui marque toute leur existence humaine. Pourtant une issue est promise. Elle nous est dite dans le passage de l’Exode entendu tantôt : « Honore ton père et ta mère… afin d’avoir longue vie sur la terre que Dieu te donne » Honore ! non pas aime ! Honore… veut dire donner du poids, reconnaître à l’autre le droit d’exister, le laisser à ses responsabilités, ne pas se charger de ses actes.

C’est Dieu Père la source de notre existence, de notre vie. Et tout parent n’est que passeur de cette vie déjà donnée. Si nous cherchons à rayer de la carte de notre existence ceux-là même qui nous ont permis de passer à l’existence humaine, si nous nions cette réalité parce qu’elle est trop douloureuse à supporter nous restons bloqués.

Confier nos parents à la miséricorde Dieu les laisser être fils et fille de Dieu, c’est nous délier d’eux ; c’est les laisser aller leur chemin dans la bénédiction de Dieu. Ainsi déliés nous pourrons, enfin, passer, aller plus loin. C’est cela « recevoir longue vie sur la terre que Dieu nous donne » même si cette vie n’est pas centenaire et est jalonnée de difficultés.

Chaque être humain vient de plus loin que ses parents et est attendu au-delà d’eux : « dans la maison de Dieu son Père. » La même maison que celle de Jésus !

Prière universelle :
A ta douce pitié, Père, nous confions
Les enfants non accueillis et mal aimés,
Les adolescents en crise d’identité,
Les adultes marqués par une histoire douloureuse,
Les croyants paralysés par une fausse image de Dieu.

Père, bénis chacun.

(abbé Pierre Aenishänslin)
Nous nous imaginons toujours que Dieu est un être suprême qui se caractérise par le pouvoir. Nous commençons souvent notre prière en disant : « Dieu éternel et tout-puissant » en imaginant que cette toute-puissance est dominatrice comme celle des hommes. Nous avons toujours la tentation viscérale de faire Dieu à notre image dans le refus de considérer les faibles, dans le pouvoir abusif et dans l’indifférence.

Or nous connaissons bien l’opposition qu’il y a entre :
– la colère de Jésus au temple avec son fouet et le Messie faible de St Paul
– Jésus qui chasse les marchands et Jésus qui se laisse crucifier.
Saint Paul l’a bien compris. Jésus renverse cette image de Dieu, cette image de potentat, cette idole. Jésus est le Dieu de la vie. Il se trouve toujours là où la vie est menacée. Dans sa venue sur terre, le Fils s’est trouvé chez les petits, dans une totale immersion voulue.

L’Eglise doit être témoin de ce Dieu-là et nous, les membres de son corps, nous avons à incarner ce compagnonnage avec les petits dans nos faits et gestes. Quelles que soient nos situations sociales, ou professionnelles, Dieu nous appelle à la fraternité réelle et active. Que sa Parole brûle nos cœurs !

(sœur Monique-Baptiste Stulz)
Oui. Dieu nous appelle à la fraternité réelle et active ! A tous ceux qui entrent dans le Temple Jésus dit « ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic » (Jn 2,13…) Je me suis demandé : Pourquoi trafiquent-ils ? Quand on n’est pas assuré de sa valeur profonde, on trafique ce qui devrait être un lieu de rencontre et d’échange : les valeurs marchandes, la parole, la justice, l’amour et même l’image de Dieu. Les relations humaines sont faussées. Ce traficotage signe la jalousie et la rivalité qui a besoin de prendre, d’amasser, de dominer comme si empêcher l’autre de vivre heureux et libre donnait à celui qui a peur de n’être rien le pouvoir d’être quelqu’un !

Le texte de l’Exode entendu tout à l’heure signale déjà cette dérive. Mais au lieu de condamner il pose un in-terdit, c’est-à-dire une parole dite entre deux choses. Elle dit : ‘tu ne prendras pas pour toi ce qui n’est à toi’. L’interdit est une parole qui protège la vie et la relation! Comme celle de Jésus quand il dit : « ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Jésus est assuré de sa valeur de fils du Père, il peut donc être libre dans ses relations, sans ‘traficotage’. Quand nous entrons dans un lieu sacré, une église par exemple, ne venons-nous pas chercher cette même assurance intérieure d’être quelqu’un ?

Prière universelle :
A ton immense tendresse nous confions, Père,
Les personnes marginalisées et les peuples opprimés,
Le monde de la politique et de la finance,
Les religions en conflit ou en rivalité,
Tous ceux qui n’existent qu’à travers le paraître.

Père, bénis-les.

(abbé Pierre Aenisänslin)
« Détruisez ce Temple et en trois jours, je le relèverai » (Jn 2,19)

Un Temple nouveau est annoncé : non fait de pierres mais le vrai Temple du Corps du Christ et celui de l’Eglise de l’Alliance nouvelle et éternelle. Ce n’est qu’après la résurrection que les disciples comprendront vraiment. La folie de Dieu, dit St Paul aux Corinthiens, est plus sage que la sagesse de l’homme. Le chemin de Jésus, élevé de terre, est un chemin d’extrême descente dans l’humanité et c’est en traversant la mort qu’il entrera dans la Vie. L’amour de Dieu sera plus fort que tout. Jésus nous l’a redit jusque dans son extrême faiblesse de crucifié.

La résurrection de Jésus m’est déjà mystérieusement octroyée si avec foi et humilité je mets mes pas dans les siens pour le suivre. De l’Exode d’Egypte à l’Exode pascal, allant de libérations en libérations le Seigneur m’offre ma vraie taille d’homme, ma vraie taille de fils et de fille de Dieu, dans la vérité de mon humanité…sans échappatoire.

Prière universelle :
A ton amour, Père, nous confions
l’Eglise de Jésus, témoin de la force de Dieu dans la faiblesse du crucifié,
Les communautés religieuses et leur vocation de Prière,
Les croyants de toutes religions tournés vers leurs frères fragilisés,
Les mouvements et institutions humanitaires, et particulièrement l’Action de Carême et Pain pour le prochain.

Père, bénis-les.

 

 

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