Messe du 33e dimanche ordinaire

 


Abbé Pierre Jaquet, au Locle, le 19 novembre 2000

Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Hébreux 10, 11-14; Marc 13, 24-32

Les lectures qu’on vient d’entendre disent des paroles austères, sévères, des paroles où apparemment la bonté, la miséricorde, la joie de Dieu semblent absentes. N’est-il pas décourageant – pour reprendre les mots de Jésus – de voir le présage « d’une terrible détresse », d’apprendre que les étoiles vont tomber du ciel ? Ces rudes propos écorchent nos aspirations au bien-être et voilent la gentillesse de Dieu. Nous aimons tellement mieux entendre le Christ parler d’amour, de bonheur, de paix, de réconciliation, de partage.
Ces textes rugueux, râpeux, en apparence du moins, proclament cependant très haut une espérance et prédisent une grande consolation.
En répondant à chacune des questions que vous allez poser l’une après l’autre Melinda, Julie et Pauline, j’aimerais que nous regardions ensemble le souffle d’espérance et de réconfort que nous offrent les lectures d’aujourd’hui.
Voici la première question que Melinda pose maintenant :
– Pourquoi Jésus dit-il qu’il y aura une terrible détresse, que le soleil s’obscurcira, que la lune perdra son éclat et que les étoiles tomberont du ciel ?
Melinda, au moment où Jésus parle, les disciples ne peuvent imaginer qu’il sera bientôt arrêté, qu’il va mourir sur la croix, être mis au tombeau, puis le troisième jour qu’il va ressusciter d’entre les morts. Pour les disciples, l’arrestation et la mort de Jésus vont être une « terrible détresse ». Quand Il est mis sur la croix, le même Evangile dit qu’à « midi il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures ». En disant que le soleil s’obscurcit, Marc qui raconte ces évènements veut dire que la mort de Jésus est vraiment un grand malheur et que ce drame plonge toute l’humanité dans la nuit, puisque celui qui meurt sur la croix est innocent: c’est le fils unique en qui Dieu a mis tout son amour. Quand Jésus dit qu’il y aura une terrible détresse, que le soleil s’obscurcira, que la lune perdra son éclat et que les étoiles tomberont du ciel il veut simplement avertir ses amis d’hier et d’aujourd’hui qu’ils auront à faire face dans leur vie à de grandes détresses. Ces grands malheurs, Dieu ne les veut pas, mais ils peuvent survenir de différentes manières. Par exemple, aujourd’hui, il y a de nombreuses détresses qui plongent notre humanité dans la nuit. Il y a les drames qui viennent de la méchanceté des hommes : c’est la guerre, par exemple les conflits comme en Afrique dans la région des Grands Lacs, en Israël et en Palestine. Il y a les tragédies comme la faim, la maladie, l’analphabétisme qui existent dans de nombreux pays pauvres. Chez nous, il y a les tragédies des « bleus de l’âme » qui font que de nombreux adolescents ont de la peine à « devenir grands », le plus souvent parce qu’ils ne savent pas comment approfondir l’être humain qu’il sont, parce qu’ils ne trouvent pas autour d’eux suffisamment de personnes qui sont à la fois intégrées, créatives, tournées vers l’avenir et bien dans leur peau. Il y a encore les détresses que provoquent les forces de la nature, comme les intempéries qui ont frappé chez nous en Valais et au Tessin. Et puis il y a les maladies graves qui blessent tellement ceux qu’on aime.
Melinda, Jésus a raison de dire, encore pour les hommes d’aujourd’hui, qu’il y aura une terrible détresse, que le soleil s’obscurcira, que la lune perdra son éclat. C’est bien vrai ses amis d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, ont à faire face dans leur vie à des épreuves, à des revers de situation, à des injustices.
Mais Jésus ajoute aussitôt : Alors on verra le Fils de l’homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et dans la gloire. Alors il enverra les anges et, des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel, il rassemblera ses élus. On n’est pas très familier avec ce langage. Mais ce que dit Jésus ce sont des paroles d’espérance, de consolation. On pourrait dire les choses comme ceci : « S’il est vrai que les plus grands malheurs peuvent toucher les hommes, il est encore plus vrai que c’est la force de l’amour de Dieu qui finalement l’emporte ». C’est un peu fou de penser que l’amour est plus fort que le mal, que la vie est plus forte que la mort. Au début, plusieurs des apôtres n’y ont d’ailleurs pas cru. Mais tous ont fini par dire que c’était vrai. Ils nous ont raconté ce qui leur est arrivé quand, après qu’il a été mis à mort, ils ont vu Jésus, vivant, ressuscité, présent au milieu d’eux. Alors ils ont annoncé cette formidable espérance : le malheur ne peut pas toujours être, la détresse ne peut pas toujours subsister, pas plus que l’hiver ne peut durer toujours. Après l’hiver vient le printemps avec ses fleurs et leur parfum, puis, l’été vient avec sa lumière, sa chaleur et ses rires. Après le malheur, la détresse, viennent le temps du réconfort, de la consolation, de la réconciliation. Dieu n’abandonne pas le monde à ses malheurs, il vient au contraire l’en sauver. Aussi, Jésus donne-t-il cette image stimulante : Comprenez cette comparaison empruntée au figuier: dès que ses rameaux deviennent tendres et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez que l’été est proche. Jésus invite ses disciples à ne pas rester figés devant les malheurs, mais à en voir la transformation possible.
Ce tendre rameau d’espérance aujourd’hui n’est-ce pas cette immense chaîne du bonheur et de solidarité qui a permis de rassembler chez nous plus de 40 millions de francs suisses en faveur des victimes des intempéries ? Ce tendre rameau n’est-il pas les efforts pour la paix et la réconciliation qui portent déjà du fruit en Afrique du Sud, dans les Balkans; Il y aussi les progrès de la médecine, des sciences; il y aussi tous les gestes de proximité que chacun sait poser pour soutenir son prochain dans la peine, l’accompagner dans l’épreuve. Ce tendre rameau n’est-il pas aussi cette action à laquelle vous avez participé Melinda, Julie, Pauline, Tiffany, avec d’autres enfants et adolescents du catéchisme : Ces lettres que vous avez écrites aux jeunes de la paroisse de Kashofu, en Afrique au Congo, en réponse à celles qu’ils vous avaient faites parvenir et que vous avez eu beaucoup de plaisir à lire. Là-bas, ces jours, leur joie est immense de lire vos lettres, de voir les photos qui montrent vos visages, vos maisons, la neige. Oui, c’est un peu fou de penser que l’amour est plus fort que le mal, que la vie est plus forte que la mort. Cette folie c’est la mienne, c’est la vôtre; elle est celle aussi de chacun de ceux qui croient en Jésus mort et ressuscité.
Maintenant je me tourne vers toi Julie pour une deuxième question. Et comme le temps passe, j’y répondrai brièvement.
– Jésus parle de sa venue. Mais il est déjà venu. Pourquoi dit-il qu’il doit encore venir ?
Quand tu rentres de l’école, surtout si tu as faim et que tu apportes une bonne note, je suis sûr Julie que tu aimes bien rentrer chez toi à la maison. C’est tellement gai d’être avec ceux qu’on aime. Jésus, c’est vrai, il est déjà venu parmi nous. Il nous a montré comment son Père veut qu’on s’aime les uns les autres. Il a dit aussi que son Père nous attend un jour chez lui, pour qu’on soit tous ensemble dans sa maison. Si Jésus doit revenir, c’est pour nous faire entrer dans la maison de son Père.
On peut considérer notre vie sur terre un peu comme une école où il est possible d’apprendre vraiment ce qu’aimer veut dire. Et c’est passionnant d’apprendre à aimer sur terre. Mais voilà que vient aussi le moment où sonne la fin de l’école. Pour chacun de nous, c’est l’heure de la fin de notre vie, on ne sait pas quand. Si on a bien appris à aimer sur terre, on sera tout content de rentrer à la maison du Père. Jésus disait tout à l’heure dans l’évangile : Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. J’aime beaucoup ces mots de Jésus. Tu vois Julie, c’est sa manière de dire qu’on peut toujours être en contact avec lui. Dans notre vie tout peut changer, y compris cette transformation de l’existence qui passe par la mort. Mais la communication avec Jésus reste, elle subsiste pour toujours. Je me tourne maintenant vers toi Pauline pour la dernière question.
– Le prophète Daniel parle de tous ceux qui sont sauvés. Il dit que leur nom se trouve dans le Livre de Dieu. Comment puis-je savoir si mon nom et celui de ceux que j’aime figurent dans ce grand livre de Dieu ?
La réponse est claire. Ce grand livre de Dieu quel est-il ? où se trouve-t-il ? C’est tout simplement son cœur. C’est dans son cœur que Dieu tient inscrit le nom de chacun de ceux qu’il aime. Et comme Dieu aime tous les hommes, sans aucune exception, le prénom de chacun est inscrit dans son cœur de Dieu. Comment peux-tu savoir si ton nom s’y trouve ainsi que celui de ceux que tu aimes ? C’est très facile : fais silence et prends le temps de regarder dans ton cœur, là derrière tes yeux, au fond de toi, et sois attentive à ce que tu ressens. Perçois-tu dans ton cœur un peu d’amour ? Si tu flaires plus qu’un peu d’amour, ton nom se trouve assurément inscrit dans le grand livre de Dieu. Es-tu inquiète parce que tu ne flaires qu’un tout, tout, petit peu d’amour ? Ne te troubles pas : ce tout petit peu suffit déjà pour que ton nom soit inscrit dans le grand livre de Dieu; laisse cet amour grandir en toi; il se développera de lui-même. Es-tu très tourmentée parce que tu ne vois même pas une toute petite parcelle d’amour dans ton cœur ? Si cela t’arrive, cesse de te troubler, ne regarde plus ton cœur, mais tourne ton regard vers le cœur de Dieu et observe bien; tu ne peux pas manquer de voir au moins une toute petite parcelle d’amour. Cette parcelle regarde-la bien, tu verras que c’est ton nom qui se trouve déjà inscrit, et, tout près à côté, les noms de chacun de ceux que tu aimes.

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