Messe du 33e dimanche ordinaire et Journée des peuples

 

 

Abbé Michel Genoud, à la basilique Notre-Dame à Lausanne, le 13 novembre 2005
Lectures bibliques : Romains 15, 4-9 ; Matthieu 25, 14-30 – Année A

Qui parmi nous n’a pas entendu parler de rachats d’entreprises ! De restructurations, de spéculations boursières ou immobilières, d’évasions fiscales, de fuites de capitaux, de placements astucieux ou d’investissements fructueux. On nous dit que ces opérations financières sont parfois douteuses, parfois juteuses… souvent les deux à la fois.

Et que dire des salaires scandaleux – toujours à la hausse – que certains empochent, alors que sont toujours plus nombreux les petits qui peinent à nouer les deux bouts. Bref ! Pas besoin d’avoir fait de longues études pour réaliser qu’à ce type de fonctionnement, c’est l’argent et le chacun pour soi qui mène le bal.
Nous voilà donc bien placés aujourd’hui pour comprendre le message de la parabole des talents. Mais là, force est de constater qu’il y a un certain clivage entre le monde et l’évangile.
L’évangile nous parle en effet d’un homme peu ordinaire qui, avant de partir pour un long voyage, convoque ses serviteurs et leur confie tous ses biens. Il leur demande simplement, sans autres conseils, d’en faire un bon usage.

* C’est ainsi que Jésus nous parle de son Père, qu’il nous parle de Dieu… un Dieu qui fait aux hommes une confiance infinie.

Oui, Dieu nous confie tous ses biens. Il met sa création à la disposition de l’homme. Il donne à chacun un capital de vie, qu’il lui permet de prendre des initiatives et de risquer le meilleur. Il nous demande d’être partie prenante de son projet d’amour pour le monde. C’est évident ! Dieu croit à nos capacités, à ce capital qu’il a donné à chacun de nous et qu’il nous demande de gérer.

Jésus, envoyé par le Père, devient parmi nous le dispensateur des biens du Royaume des cieux. Tout ce qu’il a, lui aussi, il nous le donne. Il nous laisse sur la table, jusqu’à son corps et son sang dans chacune de nos eucharisties : « Prenez… nous dit-il, et faites quelque chose de cela, … en mémoire de moi. »

Il s’agit donc de mettre les dons reçus au service des autres. Aujourd’hui, dans l’évangile, Jésus lance un vibrant appel à notre liberté et à notre créativité. Notre vie humaine se déroule en effet sous le signe d’un Dieu qui paraît absent (parti en voyage) et qui s’est comme «retiré » pour donner toute l’initiative à ses créatures.

Alors, un talent ou cinq talents ! Peu importe ! Ce qui compte finalement ce n’est pas la quantité de dons que nous avons reçus, mais la volonté de les faire fructifier. Celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres, celui qui en avait reçu cinq en gagna cinq autres. Tous deux reçoivent le même compliment et la même récompense : «Très bien, serviteur bon et fidèle,… entre dans la joie de ton maître. »

Quant au troisième serviteur, sa réflexion nous en dit long et c’est sans doute une des plus claires mises en garde de l’Evangile : « J’ai eu peur et j’ai enfoui dans la terre le talent que j’ai reçu.» « J’ai eu peur » voilà le maître mot…

Peur de risquer, de s’engager, peur de perdre.

Peur en définitive de Dieu, d’un Dieu sévère, exigeant, pointilleux ! C’est-à-dire un Dieu taillé à la hache, à mon image et à ma ressemblance « Seigneur, je savais que tu es un homme dur. » Dieu, ramené à la caricature de l’homme, dans ce qu’il a de moins bon.

Alors ce troisième serviteur réduit le don de Dieu à un simple « dépôt » à préserver : « il creusa la terre et enfouit l’argent de son Maître ».

Transmette largement ce que nous avons reçu, c’est bien le message de l’évangile d’aujourd’hui, le message aussi de cette journée des migrants, qu’on appelle encore «Journée des peuples ». Appel à l’ouverture, à l’accueil et au partage.

«Tu es peut-être Suisse, Italien, Français, Espagnol ou Portugais, Africain ou Asiatique, nous dit Jésus mais bien plus fondamentalement tu es baptisé et tu reconnais en moi ton Sauveur. Alors, tu es membre de mon Peuple, tu fais partie de l’Eglise ! De cette humanité que j’aime… et cette Eglise, Peuple de Dieu, tu ne peux pas la réduire aux frontières de ton pays » puisqu’elle est : universelle.»

Et oui l’universalité, ça va jusqu’aux confins du monde, mais ça commence aussi à mes côtés, avec ce frère cette soeur d’une autre nationalité, d’une autre langue, d’une autre couleur, rencontré dans mon immeuble, dans le bus ou dans la salle d’attente du cabinet médical. C’est tout le thème de ce dimanche, voulu par nos évêques et rappelé par saint Paul, dans la première lecture de cette messe : « Accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis. »

S’accueillir mutuellement et mettre au service de tous, les dons qu’on a reçus : il y a là de quoi orienter et illuminer toute une existence ! Eloigne de nous, Seigneur, la peur de vivre. Dévoile-nous ton visage de tendresse et donne-nous le courage de tout risquer pour Toi et pour nos frères. Amen !

 

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