Messe du 33e dimanche ordinaire

Abbé Jean-Jacques Agbo, à l’église Saint-Jean, Echallens, VD, le 18 novembre 2007
Lectures bibliques : Malachie 3, 19-20; 2 Thessaloniciens 3, 7-12; Luc 21, 5-19 – Année C

 

Permettez que j’évoque une scène de film « Les larmes du soleil », avec Bruce Willis. Dans ce film qui se passe en Afrique sur fond de combat entre un commando militaire et des rebelles, on voit comment un prêtre et deux religieuses restent solidaires de réfugiés dans la jungle. Mais ils seront affreusement victimes de la violence, au point que quelqu’un fait cette réflexion qui m’a beaucoup interpellé : « Dieu a déjà quitté l’Afrique ».
Fiction ou événement réel ? Le fait est que l’histoire de l’Eglise, c’est-à-dire notre histoire, est souvent scandée par la persécution. Et pas seulement les persécutions violentes et sanglantes – celles qu’ont subies les martyrs d’hier et d’aujourd’hui – mais aussi les persécutions sournoises et larvées.
Il est vrai que nous avons de qui tenir ! Nous marchons à la suite de Jésus : il ne faut pas nous étonner d’être en butte à la moquerie et à la méchanceté des hommes : le Christ le premier a dû les supporter, et cela, d’une façon plutôt cruelle.
Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’il venait apporter la vérité, et que les hommes, malgré tout ce qu’ils disent et chantent, n’aiment pas beaucoup la vérité. Ou en tous cas, ils n’ont pas le courage de la suivre, de la pratiquer.
En même temps, qui donc aima le monde comme le Christ l’a aimé ? et qui donc dut supporter autant de haine ? Le pauvre, ça n’a pas traîné : il n’a pas fallu trois ans pour qu’il soit éliminé…
Saint Jean nous rapporte cette constatation douloureuse du Christ : « Ils m’ont haï sans raison ». Quant à nous, ses enfants, ses amis, le Christ nous a avertis : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi ». Quelquefois une espèce de folie s’empare des hommes, je ne sais quelle méchanceté qui vient de l’autre… c’est-à-dire Satan pour ne pas le nommer.
Nous avons bonne mine, nous les modernes avec notre soi-disant « progrès ». Allons donc ! Notre siècle n’a jamais connu un développement aussi considérable (rendez-vous compte par exemple qu’avec internet il serait possible de nous voir aujourd’hui partout dans le monde, et même au Togo !) mais en même temps, jamais nous n’aurons vu un tel accroissement des coups de feu qui claquent, des bombes qui tombent des avions ou qui explosent à la ceinture du kamikaze, jamais autant d’enfants soldats et de mines antipersonnelles oubliées. Et ce n’est pas là du cinéma !
Pourquoi donc tant de crimes ? Pourquoi ce massacre : des innocents en général, et des amis du Christ en particulier ?

Me revient à l’esprit cette remarque d’un enfant du caté à Vevey : « Si les amis de Jésus se font tuer, il n’en restera plus beaucoup à la fin… » Je répondis que si. Les persécutions découragent parfois les mous et les lâches ; par contre elles ont souvent pour effet de renforcer le courage de beaucoup.

Tertullien, grand écrivain latin du 2ème siècle, vivait à Carthage – la Tunisie actuelle – . Il a dû subir la persécution de l’Empire Romain. C’est de lui que vient cette célèbre formule : « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens ».
Mais le sang des martyrs devient semence de chrétien quand l’amour prend la place de la vengeance. Je pense à l’archevêque d’Alger, Mgr Teissier : il a demandé que ne soient pas exécutés les assassins des sept moines trappistes de Thibirine en Algérie. Je pense aussi à cette photo poignante où l’on voit Jean-Paul II en train de pardonner fraternellement à Ali Agça, le Bulgare qui avait commis l’attentat sur la Place St-Pierre à Rome.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus annonce la persécution comme venant d’un peu partout, de la part des chefs du peuple et jusqu’à sa propre famille. Il présente même les affronts et les brimades comme un signe d’authenticité pour la foi chrétienne. Dans saint Luc, après les Béatitudes, il y a cette malédiction incroyable : « Malheur à vous si l’on dit du bien de vous… » Etre bien vu du monde n’est en tout cas pas le critère de l’authenticité évangélique. Et ce n’est pas pour être bien vus que des milliers de jeunes vont converger vers Genève à la fin de cette année pour un nouveau rassemblement sous l’égide de Taizé.
Pour certains d’entre eux, il faudra peut-être du courage pour se démarquer de l’indifférence et de l’ironie et venir partager des raisons d’espérer, dans un vrai pèlerinage de confiance.

Nicolas Arpone a connu la persécution en Amérique latine. Dans l’adversité il a écrit ces mots qui résonnent comme le cri des psaumes :

« Je t‘invoque, Seigneur, en temps de persécution.
Tel un subversif, j’ai été arrêté par la force militaire.
Du milieu du peuple on m’a arraché, semant la terreur au village.
J’ai été jeté parmi les captifs, dans l’isolement et au secret,
loin du peuple et des amis.
C’était la caricature de l’homme
quand ils m’ont bandé les yeux et arraché les vêtements.
J’étais sans défense aucune et vulnérable,
tel une cible, exposé aux coups en traître.
Dans la clairière, dès le premier instant,
ils ont tiré à la mitraillette, pour simuler l’exécution.
Pour que j’avoue des crimes inventés par mes ennemis.
Dépouillé de toute dignité, avec la mort pour compagne proche,
en ces heures d’épreuve, Seigneur, je n’étais pas seul.
Je savais ta présence, car Tu es ma force.
Tu es mon espérance. Tu es ma libération. AMEN. »

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