Messe du 32e dimanche ordinaire

 

Abbé Olivier Humbert, à l’église Saint-Paul, Fribourg, le 10 novembre 2002.

Lectures bibliques : Sagesse 6, 12-16; 1 Thessaloniciens 4, 13-18; Matthieu 25, 1-13

Chers amis, chers auditeurs de la Radio Suisse Romande,
Chers migrants résidant dans notre pays,

Il vous est peut-être arrivé une fois ou l’autre, étant enfant, jeune homme ou jeune fille, d’être invité à un mariage en tant que garçon d’honneur ou demoiselle d’honneur. Cela m’est arrivé une fois. Je devais avoir 5 ou 6 ans et j’étais très fier. Je m’en souviens encore très bien. J’avais revêtu de beaux habits et je prenais ma tâche très au sérieux.

Eh bien, la parabole que nous venons d’entendre met en scène précisément dix jeunes filles, dix demoiselles d’honneur. Celles-ci, à l’époque, recevaient la charge capitale d’éclairer le cortège par leurs lampes. Il n’y avait pas d’électricité, et le cortège arrivant dans l’obscurité, les lampes à huile étaient indispensables.

Mais ce mariage dont Jésus nous parle n’est pas un mariage comme les autres. D’abord, il n’y est jamais question de l’épouse. Ce qui fait qu’on a vite le sentiment que ces 10 jeunes filles pourraient bien être appelées à un destin plus grand que celui de simples demoiselles d’honneur.

Il y a comme une atmosphère de concurrence, d’émulation, comme si la place d’épouse était à prendre. La chance est donnée à toutes de se préparer au mieux à une rencontre extraordinaire. Or, le partage entre elles se fait dès le début : 5 jeunes filles insensées d’un côté, 5 jeunes filles avisées de l’autre. Avant même de partir, 5 ont pris la précaution de remplir des fioles d’huile pour pouvoir recharger leurs lampes, et les 5 autres pas.

Ce mariage, disais-je, n’est pas comme les autres. L’époux est très en retard, tellement en retard que toutes les jeunes filles, même les plus motivées, se sont assoupies. Il arrive à minuit, l’heure où la nuit est la plus sombre et le sommeil le plus profond. Le cri va toutes les réveiller, et aussitôt elles vont s’affairer. Et c’est là que va se manifester, se révéler la différence entre les unes et les autres. Les premières, très vite, vont manquer d’huile. Qu’est-ce que cela veut dire ? L’huile, dans la Bible est symbole de lumière bien sûr, de pureté, de prospérité. Elle fournit l’éclairage et la nourriture indispensables pour marcher alors qu’il fait nuit. Elle est aussi symbole de douceur, de joie, de fraternité, de bénédiction divine. Qu’est-ce que Jésus veut nous dire ? Il veut nous dire que dans la vie humaine, il y a des moments où la nuit est longue, obscure.

Et que c’est pure folie de partir dans la vie sans être muni de cette huile bienfaisante, qui est source de joie et de lumière. Le Royaume de Dieu supporte patience et persévérance, fatigues nocturnes, retards inévitables dans la venue de l’époux. Ces jeunes filles auraient dû le savoir, s’y attendre. Quelle inconséquence ! Quel manque de maturité, de vigilance, de prévenance ! Leur attitude prouve qu’elles n’étaient que des filles avares de leur temps, de leurs forces, de leur amour. Elles montrent clairement le peu de considération qu’elles avaient pour l’époux. Prendre une lampe à huile sans emporter d’huile pour la remplir, y a-t-il comportement plus aberrant, plus illogique ? A quoi leur sert après le réveil d’apprêter leur lampe ? C’est comme partir en plein désert avec une gourde vide et prétendre en tirer de l’eau ! Ou comme vouloir partir à Moscou sans faire le plein d’essence ! Comment, jeunes filles, osez-vous aller à ce mariage le cœur vide et sec ? C’est en vous-même, dans votre cœur, que vous auriez dû trouver cette huile en réserve si vous aviez été disponibles à l’Esprit-Saint ! Car avoir de l’huile en réserve, c’est être revêtu d’Esprit. D’ailleurs, le Christ, c’est celui que l’huile a consacré celui à qui l’Esprit a été pleinement accordé.

Espèces d’insensées, vous ne saviez donc pas que votre cœur devait être à l’unisson avec celui de l’époux pour pouvoir vibrer au premier son de sa voix ? Vous attendiez un époux aussi pompeux que vous ! Et lorsqu’il est venu, humble, petit, étranger, vous n’étiez pas prêtes à le recevoir ! Les autres ont bien eu raison de vous renvoyer vers les marchands, qui sont plutôt des marchands d’illusion. Vous avez couru, en vain ! Vous êtes revenues trop tard ! L’heure n’était plus à courir, mais à entrer dans la joie des noces de l’Agneau. Votre cœur n’était pas préparé à entrer dans la fête. Il est inutile de demander à l’époux de vous ouvrir la porte. Vous n’êtes pas du même monde que lui. Il ne vous connaît pas.

Et vous, jeunes filles avisées, bienheureuses êtes-vous ! Car vous n’avez pas lésiné sur la quantité. Vous n’aviez qu’une seule crainte : passer à côté de l’événement, décevoir l’époux. Alors, vous vous êtes oubliées vous-mêmes, faisant preuve de générosité et de gratuité. Ò certes, vous avez vous aussi ressenti la fatigue. Qui ne se serait endormi après une si longue veille ? Mais au premier cri, vous vous êtes levées, déterminées, empressées, vivifiées par l’air frais du petit matin. Et lorsqu’il est arrivé, celui que votre cœur attendait avec ardeur, vous avez tout de suite reconnu le bien-aimé du matin de Pâques. Alors, vous êtes entrées avec Lui pour le festin nuptial. Disponibles à l’appel, vous étiez là au bon moment. Votre vigilance a été récompensée, votre humilité reconnue. Vous êtes devenues les épouses du Christ.

Que nous demande donc Jésus dans cette parabole ? Que nous soyons, comme ces jeunes filles, imprégnés de cette huile, de sorte qu’elle suinte de nos cœurs devenus liquides. Sommes-nous imprégnés de cette huile de bonne odeur qu’est l’Esprit ? Il est temps pour nous de laisser remplir nos fioles afin de ne jamais manquer de l’unique nécessaire, car nous sommes tous ces jeunes filles invitées à des noces, celle du Christ avec l’humanité.

J’aimerais terminer avec un petit mot à l’adresse des migrants que l’Eglise met à l’honneur aujourd’hui. Vous vous souvenez peut-être que l’an dernier, notre Eglise St-Paul et ses locaux ont été un lieu de passage pour beaucoup de sans-papiers. Parmi les migrants, ils sont sans doute les plus pauvres, ceux qui ont le statut le plus précaire. Ils ont été, pour beaucoup, signe de la présence du Christ dans le plus petit. Quelles que soient nos opinions politiques, quelle que soit notre religion, ils ont droit à notre respect, à notre amitié. Ils ont le droit d’espérer une vie plus juste, plus humaine, plus fraternelle. Que le Christ touche nos cœurs et les leurs, pour qu’une solution équitable soit trouvée, demain ou après-demain. Une solution qui respecte les lois démocratiques mais aussi les droits fondamentaux de tout être humain : droit d’être accueilli et respecté, droit à l’éducation, droit de vivre dignement. Pour que soit vraie cette parole de saint Paul que les évêques suisses proposent à notre méditation en ce dimanche des migrants ? « Tous, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus ». Amen

 

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