Messe du 32e dimanche ordinaire – Journée des migrants

 

Chanoine Guy Luisier, abbaye de Saint-Maurice, le 12 novembre 2006
Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-18; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44 – Année B

Mes sœurs, mes frères,

C’est aujourd’hui la journée des migrants. L’institution de cette journée veut nous sensibiliser sur le sort d’une partie non négligeable de la population de la terre qui se trouve déracinée et qui doit chercher dans des ailleurs incertains des raisons et des possibilités de vivre.

Plus d’un penseront avec peut-être une petite moue : « Un dimanche de plus accordé à une cause humanitaire ». Et moi-même, je l’avoue un peu confus, j’ai eu le premier réflexe d’essayer de m’en tirer avec une petite intention à la prière universelle et éventuellement une invitation à la quête.

Et puis voilà que je me suis dit que plus profonds que l’humanitaire, il s’agit ici, en fait, d’humanisme et d’humanité.

Le dimanche des migrants, cela ne parle pas que des autres plus ou moins étrangers, plus ou moins basanés, plus ou moins perdus dans nos modes de vies, plus ou moins bien accueillis et appréciés.

A travers ces autres-là, migrants et cherchant un feu pour se réchauffer le cœur et la vie, c’est de nous qu’il s’agit, de nous chrétiens et humains. Car le migrant est là au milieu de nous comme une icône du chrétien, de même que le chrétien devrait être là au milieu du monde comme une icône de Dieu.

Le Dimanche des migrants n’est pas seulement un index dirigé sur nos comportements sociaux et sur notre solidarité pécuniaire, mais c’est un espace ouvert pour regarder à travers l’autre ce que je suis, moi !

Car « Migrant » est une excellente définition du Chrétien.

Toute sa vie et vers l’au-delà, le Chrétien migre… du pays où le chassent le péché, le provisoire, les mensonges et les ombres vers un pays de paix et de sérénité, qui accueille en plénitude ses aspirations au bonheur.

Le Dimanche des migrants tombe un mois de novembre, dont les couleurs finissantes et les froideurs commençantes font penser à la mort, aux arrachements et aux finitudes fondamentales. La mort pour le chrétien est passage, migration vers le pays pour lequel nous sommes faits, vers une patrie pour notre cœur, notre corps et notre âme…

Etre migrant, c’est la condition humaine qui pour le chrétien est assumée jusqu’au bout. Il faut tout quitter, tout laisser, de ce monde provisoire et imparfait pour se présenter nu sans ses « avoirs » et avec tout son « être » vers un lieu et un feu qui nous accueillent.

Et ici il me plaît de faire un lien un peu téméraire avec l’évangile d’aujourd’hui, qui nous parle de cette pauvre veuve que Jésus présente comme une icône de la chrétienne et du chrétien.

Dans la religion gréco-romaine dominante à l’époque de l’empire romain qu’a connu Jésus, il était une coutume touchante et dérisoire. On enterrait les morts en leur mettant une ou deux piécettes sous la langue ou dans la main. On pensait que pour la migration vers le pays des ombres, il fallait avoir ce petit pécule pour payer les douanes de Charon le passeur du fleuve de l’oubli… Dans les tombes grecques ou romaines fouillées par les archéologues, on a retrouvé, dans des crânes, de ces insignifiantes piécettes, si significatives des angoisses humaines.

Démarche tout à fait autre de notre veuve dans l’évangile. Elle n’a rien et de son nécessaire même elle tire les deux piécettes qu’elle met dans le tronc du temple, qui symbolise ici la communauté de la foi. Et Jésus met en évidence cette attitude comme une attitude chrétienne fondamentale : « Elle a pris sur sa pauvreté, elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre ».

La tradition des piécettes dans la bouche des morts a disparu avec les chrétiens. Notre seule richesse à tous est notre pauvreté fondamentale, dont la veuve de l’évangile est l’icône. Nous migrons vers notre destin divin, en fait complètement pauvres, seulement soutenus par une communauté de foi et d’espérance.

Mes sœurs mes frères, je vous ai parlé de ce dimanche des migrants et de cet évangile peut-être dans une perspective inhabituelle, mais c’est en fait l’occasion de regarder notre vie, celle de nos proches, celles des étrangers qui sont parmi nous, dans une autre perspective.

L’humanitaire vrai s’appuie alors sur un humanisme qui nous rend fraternels en profondeur, fraternels envers chacun quel qu’il soit et tel qu’il est. Tous migrants vers des bras paternels ! Amen.

 

 

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