Messe du 32e dimanche ordinaire et dimanche des Peuples

 

Abbé Xavier Lingg, à l’église de Compesières, GE, le 8 novembre 2009
Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-16; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44 – Année B

Je crois en la catholicité de l’Eglise.

Mes chères soeurs et mes frères,
Oui, c’est comme ça qu’il faudrait le dire, dans le Credo, si l’on veut désigner cette Eglise sans frontières que nous avons fêtée dimanche dernier en la solennité de tous les saints : une Eglise rassemblant des hommes de toute origine, de toute race, de toute culture, en une grande famille où tous sont frères et soeurs, « consanguins », parce que renés dans le sang même du Christ : sang qu’il a versé une fois pour toutes, afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.

C’est exactement ça que l’auteur de l’Epitre aux Hébreux vient de nous rappeler, en un raisonnement digne des rabbins de son temps : Le Christ, cet homme venu d’ailleurs… est entré dans notre monde pour rétablir le pont entre le ciel et la terre, entre l’humanité et Dieu. Définitivement, une fois pour toutes, en versant non pas le sang d’un autre, mais son propre sang. Par le sang du Christ, l’humanité entière est réconciliée avec Dieu. Ça, c’est acquis une fois pour toutes ! De ce côté-là, c’est ok.

Mais qu’est-ce qui reste à faire ? C’est l’autre face de la médaille. Les hommes sont appelés à vivre réconciliés les uns avec les autres. Ceux qui se réclament de Jésus Christ devraient être les premiers à s’engager dans ce processus de réconciliation. Etre témoins de réconciliation, porteurs de paix, semence d’unité, de fraternité par-dessus les frontières. Dans nos communautés ecclésiales, personne ne devrait se sentir « étranger »… puisque c’est le même sang qui coule dans nos veines. Il ne doit pas y avoir d’ « étrangers » dans l’Eglise.

A ce propos, mes chères soeurs et mes frères, la liturgie de ce dimanche nous donne un merveilleux exemple d’hospitalité et de générosité. Vous avez entendu l’histoire du prophète Elie qui se rend à l’étranger ? A Sarepta. En Phénicie, près de Sidon, aujourd’hui Saida, au Liban. C’était pendant la grande sécheresse. Elie s’expatrie espérant trouver de quoi manger dans le pays voisin. Il est en quelque sorte un réfugié économique… peut-être aussi politique, car il se trouvait en conflit avec Acab, le roi d’Israël. Quoi qu’il en soit, c’est lui, l’étranger ! Et voilà qu’il rencontre une femme, une pauvre veuve, aussi pauvre que lui, démunie, affamée, à bout de force. Cet étranger ose s’adresser à elle. Elle ne le connaissait pas. Elle aurait pu se détourner, se désintéresser de lui. Mais non, elle reconnaît en lui un homme de Dieu. Dans ces pays là, un étranger qui passe, c’est toujours une visite de Dieu. Un pauvre qui frappe à ta porte, est toujours un « homme de Dieu » qui te demande l’hospitalité. Et cet étranger assoiffé et affamé ose demande à cette femme aussi mal lotie que lui : « Donne-moi à boire et apporte-moi un morceau de pain ». – Huit siècles plus tard, Jésus dira : « Celui qui donne ne serait-ce qu’un verre d’eau à l’un de ces petits qui sont mes disciples, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense ». La veuve de  Sarepta n’a pas donné que de l’eau. Ce qui lui a été demandé, c’est un acte de foi. Faisant totalement confiance à la parole du prophète, avec la petite poignée de farine qui lui restait elle a d’abord fait un pain pour l’étranger de passage, quitte à mourir de faim, elle-même et son fils. Or, elle en sera merveilleusement récompensée.

Aujourd’hui, mes chères soeurs et mes frères, nous fêtons le « dimanche des peuples ». Nous vivons dans un monde en perpétuel mouvement. Nous-mêmes, nous nous déplaçons bien souvent à l’étranger. Peut-être vous est-il arrivé d’être accueilli avec beaucoup d’égards, au point de presque vous sentir gênés par les marques d’hospitalité de vos hôtes. Moi-même, en tout cas, que ce soit en Palestine ou en Grèce, j’ai ressenti cela.
Et puis, il y a des « étrangers » chez nous. Des personnes qui vivent juste de l’autre côté de la frontière, à quelques pas de chez nous. Et il y en a d’autres qui viennent de plus loin, à la recherche de travail, de conditions de vie meilleures, ou qui fuient un régime politique où ils ne se sentent pas en sécurité. Quel regard jetons-nous sur eux ? Comment les accueillons-nous ? Comme des « hommes de Dieu » ? Comme des frères et des soeurs ? … Ou comme une menace ? Comme s’ils polluaient jusqu’à notre air qu’ils respirent.

Les attitudes inhospitalières sont souvent dues à un réflexe de peur. Alors, on invente à leur égard des mots injurieux, on les traite de « racaille » parce qu’on a peur d’eux. On a peur, alors on veut leur interdire d’édifier de façon visible des signes de leur religion ou de pratiquer publiquement leurs coutumes. – Ou inversement, on a peur de manifester devant eux notre propre identité et nos propres convictions, en allant jusqu’à décrocher nos crucifix et biffer toute référence à Dieu dans nos textes fondamentaux. Tout cela sont des réflexes de peur, incompatibles avec notre foi. Accueillir l’autre comme un frère, c’est accepter le dialogue, un dialogue dans la vérité, sans masque, sans hypocrisie, à visage découvert ; un dialogue dans lequel chacun a le droit d’exprimer ses convictions en toute confiance. C’est ainsi qu’on s’enrichit l’un avec l’autre, l’un par l’autre.
C’est à un tel dialogue que, en cette journée des peuples, notre pape nous invite en proclamant que : « la solidarité fraternelle se traduit en gestes quotidiens de partage, de participation et d’attention joyeuse aux autres ». Et nos évêques suisses nous invitent à regarder nos frères et sœurs migrants, même à prendre exemple sur eux, car ils nous offrent véritablement une chance pour une évangélisation nouvelle.
Amen

 

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