Messe du 31ème dimanche ordinaire

 


Chanoine Jean Scarcella, Abbaye de Saint-Maurice, le 4 novembre 2007
Lectures bibliques : Sagesse 11, 23-12, 2 ; 2 Thessaloniciens 1, 11-2, 2; Luc 19, 1-10 – Année C

Mes soeurs, mes frères,

Ils cherchaient à voir, non pas Jésus, mais QUI était Jésus ! Il y a là, dans cette expression, la notion de connaissance ; plus que de découvrir l’aspect physique de Jésus, Zachée avait tout à coup besoin de découvrir son être. Sa vie dans le péché l’a comme poussé à chercher la vérité de son propre être à lui… Comme si le contact avec Jésus allait être un révélateur de son péché, un miroir de sa vie de collecteur d’impôts s’enrichissant en appauvrissant les pauvres.

Mais voilà, il ne parvenait pas à voir Jésus, car, ses victimes en quelque sorte, celles à qui il extorquait de l’argent, l’en empêchaient ; ils étaient comme une barrière, la barrière de son propre péché qui lui masquait le visage de Jésus, un mur de la honte le maintenant prisonnier dans son péché, hors de toute liberté.

Zachée en était arrivé au stade où sa croissance spirituelle allait pouvoir commencer. Il était petit, et son regard ne parvenait pas à dépasser l’image de son péché ; il fallait maintenant qu’il grandisse sur le chemin de la sainteté, de la liberté et du bonheur.

– Pourquoi fallut-il qu’il montât sur un arbre pour découvrir le regard de celui qui allait le sauver, lequel, du haut de l’arbre de la croix, donnera sa vie pour lui ?

– Pour se laisser regarder, comme par anticipation, par ces yeux qui disent toute la tendresse de Dieu.

Le premier, Jésus, leva  les yeux pour apprendre à Zachée comme à tout homme, à « lever les yeux vers Celui qu’ils auront transpercé ». C’est ainsi qu’on accueille chez soi, en soi, le salut que Dieu nous offre en Jésus, le salut qui veut demeurer en chacun d’entre nous et faire de nous des vivants pour l’éternité.

Aujourd’hui Jésus passe par Jéricho ; il vit ce moment de pur bonheur, la conversion de Zachée, comme un signe sur son chemin vers Jérusalem, chemin qui le conduit au sommet du Calvaire. Par le don de sa vie, Jésus sait qu’il vient « chercher et sauver ce qui était perdu ». Non pas pour rendre l’amour victorieux, car rien « ni même les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour », mais pour rappeler, à qui veut l’entendre et lever les yeux vers lui, que l’amour a un nom, et que ce nom est : Dieu.
L’amour primordial, l’amour d’avant le temps, a créé le monde et « tout ce qu’il contient ». Dieu, qui est amour, ne peut qu’aimer sa création. Le Livre de la Sagesse entendu à l’instant nous le rappelle : le Seigneur « peut tout ». Il peut même en quelque sorte fermer les yeux sur les péchés des hommes dont il a pitié, pour qu’ils se convertissent. Oui, Dieu ferme les yeux sur notre péché, pour que celui-ci ne provoque pas de la gêne en nous, jusqu’à risquer de ne pas oser le regarder, ni même déjà chercher à le voir, lui le Seigneur de nos vies.

Comme il a créé Zachée, Dieu nous a créés, chacun tant que nous sommes, par amour ; il ne peut donc avoir aucune haine envers sa création, nous a dit le Sage de la Bible. « Ceux qui tombent – poursuit-il – tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour  qu’ils se détournent du mal, et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur ». Cet acte de confiance est tout à fait le portrait de Zachée. Parce que, frères et sœurs, ce qui porte à la conversion, c’est la foi !

Oui, il est parfois difficile d’admirer Dieu dans sa création, prompts que nous sommes à vouloir d’abord débusquer ce qui ne va pas dans le monde ; il est difficile de contempler Dieu créateur aimant la vie sans réserve – les bons comme les méchants… les saints comme les Zachée – et difficile aussi est-il de contempler Dieu Sauveur « venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Pour y parvenir, chers amis, il faut un acte de foi. Un acte de foi en Jésus, salut du monde.

Comme les communautés chrétiennes des premiers siècles attendaient le Seigneur, dignes de son appel – ainsi nous le disait saint Paul à l’instant – nous aussi, en cette fin d’année liturgique, nous revivons l’attente du salut pour tous les hommes ; c’est pour nous la joie de nous laisser regarder par l’enfant de la crèche, levant ses yeux vers nous. Oui, Jésus est celui qui vient, il est notre salut, notre libérateur, notre frère et notre roi.

Le salut est en marche, frères et sœurs, laissons grandir en nous la foi, travaillant ainsi à notre propre libération, et cherchons à atteindre cette transparence du regard où nous rencontrons notre Dieu.

Ainsi soit-il.

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