Messe du 31e dimanche ordinaire

 

Chanoine François Roten, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 3 novembre 2002.

Lectures bibliques : Malachie 1, 14 – 2,10; Thessaloniciens 2, 7-13; Matthieu 23, 1-12

Mes frères, mes sœurs, puisque nous le sommes,
Ce n’est pas sans appréhension que j’entreprends de commenter le passage évangélique de ce jour. En effet, si tout au long de l’année, chers frères et sœurs, vous vous trouvez, lors de l’homélie dominicale, devant un prédicateur qui vous assène des paroles que vous ne pouvez qu’accueillir sagement, et auxquelles vous n’avez de fait aucun droit de réponse (en tout cas en direct !), aujourd’hui, vous pouvez prendre votre revanche : une fois n’est pas coutume, l’Eglise nous propose ce jour des textes qui s’appliquent… aux curés.

Le Seigneur lui-même tient des propos que vous aimeriez peut-être bien adresser à vos prêtres ou faire entendre aux dirigeants de l’Eglise. Tant l’évangile que la première lecture fustigent les agissements des pharisiens, des scribes, des prêtres, bref des pasteurs et de tous ceux qui sont chargés de porter la Parole au peuple de Dieu.
C’est là, frères et sœurs, un véritable sermon pour les curés ! Et la liste des reproches est longue : dans l’évangile nous lisons :
« Vous vous faites appeler Maîtres, vous vous faites appeler Pères… »
« Vous agissez de façon à être remarqués des hommes, vous aimez les places d’honneur et les premiers rangs ; vous aimez à être salués sur les places publiques… »

Le livre de Malachie va plus loin encore, en reprochant :
« Vous avez perverti mon Alliance, vous avez agi avec partialité en accommodant la Loi… » .

De fait, il n’est pas facile, comme prêtre, comme diacre, comme évêque, de proclamer la Parole de Dieu dans le monde actuel et d’oser mettre le doigt sur les implications directes que l’enseignement du Seigneur doit avoir dans nos actes de chaque jour.
Voulez-vous des exemples ? Il n’est pas facile de parler de justice sociale, de partage des richesses ; de respect des plus pauvres, des immigrés, des réfugiés ; il est fort délicat aujourd’hui de parler de fidélité conjugale, de chasteté, d’avortement, de célibat, d’inviter un jeune homme ou une jeune fille à suivre plus particulièrement le Christ dans une vie consacrée ou sacerdotale….
Oui, il est difficile de prêcher à temps et à contretemps; il est tellement plus gratifiant d’édulcorer le message de l’Eglise, afin qu’il convienne mieux à tel ou tel auditoire… En agissant ainsi, je vous garantis que vous serez plus facilement aimé et adulé – et en plus vous passerez pour moderne, vous serez à la page.
« Vous avez perverti mon alliance, vous avez agi avec partialité en accommodant le message… » Je pense que vous serez d’accord avec moi pour considérer ce dernier grief comme le plus grave de tous : car si la Parole de Dieu n’est pas répercutée en toute justice par ceux à qui il appartient de le faire, c’est le corps entier de l’Eglise qui en pâtit.
Heureusement, le Seigneur sait à qui il a confié son Eglise : les évêques, les prêtres et les diacres, bien que ministres ordonnés et donc dispensateurs de dons surnaturels, demeurent envers et contre tout des hommes bien physiques, bien fragiles, dont la sainteté (dans la majorité des cas) laisse beaucoup à désirer.

Le fait n’est pas récent, puisque c’est déjà vers 580 avant Jésus Christ que le prophète Malachie relevait les carences du clergé de son temps. Cela dit non pas comme excuse pour les incompétences et les tiédeurs de vos prêtres d’aujourd’hui, mais pour nous aider, nous, vos pasteurs, à ne pas désespérer de la grâce de Dieu dont nous avons bien besoin pour faire mieux.

Cependant, chers frères et sœurs, faites attention. Si vous approuvez le rappel à l’ordre de Dieu à vos pasteurs, il n’en reste pas moins que vous ne pouvez, en tant que fidèles, vous contenter de critiquer ou de regretter leur non-sainteté. Ne soyez pas pharisiens à votre tour, en liant de pesants fardeaux et en en chargeant les épaules de vos pasteurs… « Faites ce qu’ils disent, dit Jésus, mais n’imitez pas ce qu’ils font ». Ne prenez pas comme alibi de votre médiocrité le fait que « le curé ne le fait pas lui-même ». Ce serait un peu facile de se justifier de son inaction en disant que les pasteurs et les laïcs responsables, qui devraient donner l’exemple, ne le font pas…

Vous vous en doutez, frères et sœurs, nous vos prêtres, nous souffrons de notre imperfection et nous aimerions tant vous donner un exemple tel que celui de saint Paul, entièrement consacré à l’annonce de l’Evangile, ne recherchant pas son intérêt, offrant toute sa personne dans un magnifique témoignage, travaillant nuit et jour pour n’être à la charge de personne. Nous y tendons, avec les moyens que Dieu nous a donné, avec nos qualités, avec nos limites aussi, avec nos pauvretés…

Alors, l’évangile d’aujourd’hui, un évangile pour curé ? Oui, mais tout autant un évangile pour laïcs, car nous sommes tous sur le même chemin de sainteté, contribuant à la vie de l’Eglise de manières diverses mais complémentaires.

N’attendez pas, frères et sœurs, que vos prêtres soient parfaits, priez pour eux, afin qu’ils aient le courage de se remettre en question, de se laisser toujours plus modeler par l’Esprit Saint ; précédez-les sur le chemin de la sainteté. Ne craignez pas de les encourager en montrant l’exemple s’il le faut. Chacun selon notre vocation, nous nous soutiendrons ainsi les uns les autres, nous vos prêtres, en vous rappelant les engagements de votre baptême, et vous nos frères et sœurs, en nous rappelant que nous sommes serviteurs d’une Parole qui exige de nous une recherche constante de la sainteté.

Une dernière chose encore : vous désirez des prêtres de qualité ? Et bien vous avez raison. Mais n’oubliez pas que les prêtres de demain, ils sont parmi vos enfants d’aujourd’hui, et c’est vous qui faites leur éducation.
Amen

 

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