Messe du 30ème dimanche ordinaire

 


Abbé Christophe Boillat, à l’église St-Jean, Coeuve, JU, le 28 octobre 2001
Lectures bibliques : Siracide 35, 12-18; 2 Timothée 4, 6-18; Luc 18, 9-14

J’aime beaucoup cette parabole de ces deux hommes qui prient dans la synagogue. Et comme toutes les paraboles elles sont un peu caricaturales. C’est en forçant sur certains signes que nous pouvons sentir toute la saveur et les couleurs de la situation.

J’aimerais, ce matin, vous en proposer une autre qui rejoigne notre monde : Deux hommes entrèrent dans une église pour participer à la messe dominicale. L’un était catéchiste et membre du Conseil de paroisse, il était encore membre et animateur du centre de préparation au mariage. L’autre, un homosexuel notoire qui n’avait jamais manqué une seule gay-pride. Il faisait partie d’un club qui militait en faveur des droits des homosexuels.

Tout rempli de lui-même, le “monsieur bien” étalait fièrement devant Dieu ses mérites et confessait les nombreux péchés des autres : “Alléluia, mon Dieu, je te rends grâce de ne pas être comme tant d’autres hommes qui accumulent des biens mal acquis, abusent de leur personnel, ou encore comme ce pauvre type, près de la porte, homosexuel et mécréant.”

La messe se déroula et, au moment de la communion, le célébrant, présentant l’hostie, invita les fidèles à la communion : “Heureux les invités au repas du Seigneur ! Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.” Toute l’assemblée déclara d’une seule voix : “Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri.” Le premier homme est sorti des rangs, avec beaucoup d’autres personnes, pour recevoir le Seigneur en communion, rendant grâce à Dieu de pouvoir ainsi, aussi souvent qu’il le désirait, recevoir le Corps du Christ.

Affalé sur le dernier banc, le visage dans ses mains, le pitoyable individu n’osait même pas lever les yeux, mais ne cessait de murmurer comme une litanie : “Mon Dieu prend pitié de moi !”

C’est ainsi que la prière nous est présentée avec les deux textes que nous venons d’entendre, que ce soit celui de Ben Sirac ou l’évangile de Luc. Prier Dieu, ne peut se réduire à lui demander des grâces et des faveurs. Prier, c’est se présenter devant Dieu et lui parler. Converser avec quelqu’un, c’est l’écouter autant que lui parler.

“La prière du pauvre traverse les nuées.” Ce court passage nous présente Dieu comme un juge sage qui ne regarde pas à la situation des gens pour trancher et donner à chacun ses droits. Dans notre société, c’est surtout la notoriété, le prestige, le pouvoir, l’argent, les relations qui établissent une personne dans l’estime des gens. Face à Dieu, ceci n’a plus cours et c’est déjà une bonne nouvelle.

Nous pouvons encore aller plus loin avec ce texte. Il affirme simplement que si nous ne sommes pas des pauvres, nous n’avons pas grande chance de nous faire entendre de Dieu. Et dans le texte, il ne s’agit pas de la pauvreté en argent. Le mot pauvre, dans ce texte, désigne l’attitude intérieure de quelqu’un qui, devant Dieu, se sent démuni de tout, redevable en tout, tellement convaincu que même ce qu’il a, il le doit à la bonté de Dieu. Voilà pourquoi, la première forme de prière pour un pauvre, c’est l’action de grâce. Il rend grâce non pas de sa pauvreté, mais du fait que Dieu, malgré sa pauvreté, malgré son péché, l’a regardé avec amour.

Dans l’Evangile de Luc, nous sommes à l’opposé, nous trouvons de faux mercis : “Merci, Seigneur, de ne m’avoir pas fait comme les autres hommes qui sont…” Non seulement le pharisien ne se présente pas devant Dieu comme un pauvre, mais il s’enorgueillit de sa vertu. Tout ce qu’il dit, il le doit de l’accomplir avec justesse et préciosité. Son erreur est que le bien qu’il fait autour de lui, lui sert pour s’avancer devant Dieu la tête haute, fier comme un paon.

A l’inverse, le publicain se tient au fond du Temple, il n’ose ni avancer ni lever les yeux. Il est convaincu que, de lui-même, il ne peut que pécher. C’est ce péché seulement qu’il revendique devant Dieu. Pourtant il sait que Dieu le regarde avec amour et il implore sa miséricorde.

Nous nous trouvons ici devant la seule attitude de l’homme devant Dieu; tous les hommes sont pécheurs. Et de ce fait ils sont dépendants, je devrais dire à la merci de ce Dieu miséricorde. C’est ce qui fait toute la différence entre le Pharisien et le publicain, le pharisien n’a besoin de personne. Il n’a donc pas besoin de Dieu. Le publicain, le pauvre, lui, sent bien qu’il a besoin des autres et de Dieu. Au fond, cette pauvreté n’est rien d’autre que notre capacité d’accueil. Le pharisien est tellement riche de lui-même qu’il n’a plus, en lui, le moindre espace d’accueil.

Il est parfois navrant dans notre Eglise de constater des attitudes révoltantes. Des jugements, des condamnations, des ragots, des regards méprisants qui sont autant de fossés qui nous empêchent d’accueillir l’autre dans sa différence. Il serait temps que nous retrouvions, dans nos communautés, le sens de l’accueil, de la tolérance et du partage.

 

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