Messe du 30e dimanche ordinaire

 

Abbé Bernard de Chastonay, à l’église de Monthey, VS, le 27 octobre 2002.

Lectures bibliques : Exode 22, 20-26; 1 Thessaloniciens 1, 5-10; Matthieu 22, 34-40

Chers paroissiens, chers malades, chers auditeurs,
La veuve, l’immigré et l’orphelin, le pauvre endetté, voilà quatre figures qui synthétisent de manière symbolique et pourtant bien réelle toute l’attention que le disciple de Jésus-Christ doit porter aux personnes que Dieu place sur sa route, et plus particulièrement l’attention aux plus démunis de nos frères.

La veuve, l’immigré et l’orphelin, le pauvre endetté, quatre figures que rencontrent souvent ceux qui parcourent la Bible, et que l’on retrouve dans ce passage du livre de l’Exode, du Code de l’Alliance que la liturgie nous offre en ce dimanche. Ce code comprend un ensemble de règles de morale sociale qui développent plusieurs traits théologiques caractéristiques, des traits qui nous permettront de mieux accueillir tout à l’heure les dires du Christ à propos du grand commandement.

Premier trait : Dieu lie son sort à celui des pauvres. Traduit littéralement, le verset 24 de ce chapitre pourrait se lire : « Si tu prêtes de l’argent à MON peuple – le pauvre qui est avec toi… », alors tu n’imiteras point l’usurier dans sa conduite. Le peuple des pauvres est donc le peuple par excellence de Yahvé. Ce que confirme la suite du texte : Yahvé, parce qu’il est compatissant, se fait le protecteur des pauvres, il entend leurs cris.

Deuxième trait théologique : le texte invite les Israélites à projeter leur regard vers le passé, vers cette époque où, immigrés eux-mêmes, ils étaient sous l’oppression, accablés de charges par Pharaon. Le destin d’Israël est lié historiquement et religieusement à celui de tous les immigrés, destin qu’il a lui-même connu et partagé. Se remémorer ce passé-là, c’est, d’une certaine manière, renverser les évidentes structures de la société et mettre à la première place non pas les riches et les puissants, mais ceux qui sont en situation de précarité.

Si le peuple des pauvres est par excellence le peuple de Yahvé, alors l’immigré en fait partie et la Loi invite les Israélites à redécouvrir cette proximité et les conséquences qu’elle entraîne.

Enfin, le troisième trait théologique est peut-être le plus important. Le Code de l’Alliance, dont nous avons lu un extrait avec ce passage du livre de l’Exode, lie les règles qui concernent le culte et celles qui régissent la vie morale et sociale du peuple d’Israël. Les unes ne vont pas sans les autres, ce que n’ont jamais cessé de proclamer les prophètes.
Chanter avec le psalmiste : « Je t’aime, Seigneur, ô ma force… » n’a de sens que si ce chant prend en compte la dimension éthique de l’existence et se soucie en conséquence de la veuve, de l’immigré et de l’orphelin, du pauvre endetté.

Cela ne nous rappellerait-il pas la réponse de Jésus à la question posée par le docteur de la Loi ? « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Contrairement à son habitude quand on lui tend un piège, Jésus ne répond pas ici à la question par une autre question. Au contraire, il accueille l’interrogation du pharisien comme une question essentielle et il y répond aussitôt, par une évidence ! Car chacun savait en Israël, et les pharisiens plus que d’autres, que le grand commandement consiste à aimer Dieu de tout son être, selon ce qu’il est écrit au livre du Deutéronome (Dt 6,4).

L’originalité de Jésus, c’est de lier à ce commandement cet autre qui lui tient lieu de semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est aussi de préciser que tout, dans les Ecritures – la Loi et les Prophètes – dépend d’eux.

L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont comme les deux côtés d’une pièce de monnaie : impossible de les séparer, faute de quoi la pièce perdrait toute sa valeur. Lorsqu’on prend une piécette dans sa main, quel que soit le côté apparent, c’est toute la pièce que l’on saisit…
L’amour pour Dieu sans l’amour du prochain risque fort de se désincarner, de se transformer en un bel ensemble de pratiques et de sentiments creux. Mais l’amour du prochain qui trouve sa source inépuisable d’inspiration et d’action dans l’amour de Dieu donne, ou redonne, à toute vie humaine une dignité, une vérité, une authenticité qui lui permettra de s’épanouir en vérité.

Si l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont comme les deux faces d’une pièce de monnaie, ne pourrait-on pas dire que la pièce de monnaie toute entière, c’est le Christ en qui se réalise en plénitude l’amour de Dieu pour l’homme et l’amour de l’homme pour Dieu ?

Voilà pourquoi saint Paul peut écrire : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. Ainsi vous serez capables de comprendre, avec tous les fidèles, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… » (Eph 3, 17-18)

Être enracinés dans le Christ, pour avoir le cœur ouvert comme le sien, et découvrir sa présence dans la veuve, l’immigré et l’orphelin, le pauvre endetté. Tout ce que vous aurez fait à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. ( cf. Mt 25, 31-46)

Oui, Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ; pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous garder le double commandement de l’amour. Nous te le demandons par celui qui en a fait la règle absolue de sa vie, Jésus, le Christ, notre Seigneur.
Amen

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *