Messe du 30e dimanche du Temps ordinaire

 

Chanoine François Roten, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 25 octobre 2009
Lectures bibliques : Jérémie 31, 7-9; Hébreux 5, 1-6; Marc 10, 46-52 – Année B

Frères et sœurs,
L’aveugle n’est pas celui qu’on croit !
                        
Bien que la plupart des Bibles nous donnent comme titre du passage évangélique de ce jour « Jésus guérit l’aveugle Bartimée », vous me permettrez de m’opposer à cet énoncé en affirmant qu’il ne s’agit pas d’un aveugle et que Jésus ne guérit pas. Et voici pourquoi :

Tout d’abord, s’agit-il d’un aveugle ?

Reprenons notre texte évangélique. Le passage d’aujourd’hui se situe entre l’épisode ou l’on voit deux apôtres s’approcher du maître demandant de siéger à sa droite et à sa gauche dans le Royaume (c’était l’évangile de dimanche dernier) et celui ou Jésus fait son entrée triomphale à Jérusalem, parmi les acclamations des juifs, au chant des « hosanna au fils de David » (c’est à dire l’évangile du dimanche des Rameaux).
Pour les apôtres quémandant la gloire et des charges, comme pour la foule en délire, Jésus est le sauveur, le Messie, le chef qui va libérer le pays du joug de Rome et rétablir la royauté d’Israël.

Les apôtres, comme la foule, sont des aveugles qui ne comprennent pas ce que veut Jésus, ce que fait Jésus, ce que va vivre Jésus.
Ils ont des yeux, mais ne voient pas.

En face se trouve Bartimée, l’aveugle physiquement, qui apprenant le passage du Christ s’écrie « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». C’est le véritable « Kyrie eleison » (Seigneur, prends pitié !) de nos liturgies pénitentielles.
Le cri de détresse, le cri de confiance, cri de foi. L’aveugle Bartimée voit bien qu’en face de lui se trouve le Seigneur de la Vie. Ses yeux éteints voient la lumière de la divinité du Seigneur.

L’aveugle Bartimée en définitive est clairvoyant, il est beaucoup plus perspicace – il voit mieux – que tous ceux qui entourent Jésus. Il voit par les yeux du cœur et les yeux de la foi, que Jésus n’est pas ce chef militaire qu’attendent les habitants d’Israël, il voit que le royaume de Jésus n’est pas de ce monde.
Il ne demande pas une aumône, il ne demande pas les premières places, il ne demande pas la gloire, il implore la vue, quelque chose qu’un roi terrestre ne pourrait jamais donner…
Voilà pourquoi l’aveugle n’est pas celui qu’on croit. Les aveugles, ce sont tous ceux qui ferment les yeux à la véritable volonté de Dieu, qui est bien souvent différente de la nôtre…
Voilà pourquoi, je crois qu’on peut dire qu’il ne s’agit pas dans notre texte de la guérison d’un aveugle, mais de l’invitation faite à tous ceux qui se croient bien voyant, d’ouvrir les yeux pour reconnaître leur cécité, pour voir qui est vraiment Jésus Christ, qui est vraiment Dieu.

Bartimée n’est pas si aveugle que ça : son exemple nous invite à nous interroger sur le vrai plan de Dieu. La volonté de Dieu sur moi, ce qui pourrait me remettre – peut-être rudement – en cause.

Jésus guérit un aveugle.

Non, Jésus ne guérit pas. Il n’a pas pour Bartimée un parole comme il en avait eu pour exorciser l’enfant possédé à qui il disait : « Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus ! »(Mc 9,25). Il n’a pas un geste comme celui qu’il fit pour guérir l’aveugle de Bethsaïda, en utilisant de la salive et en imposant les mains (Mc 8,23).
Ici, Jésus se contente de dire : « Va, ta foi t’a sauvé ». C’est une simple constatation. La parole qui a permis le miracle est celle de l’aveugle lui-même : « Rabbouni, Seigneur, que je voie »
Une parole en acte de foi, qui reconnaît Jésus comme Maître et Seigneur. Comme Dieu.

Frères et sœurs,
Elle devait être grande, elle devait être juste, la foi de Bartimée, une foi à renverser les montagnes, à faire entendre les sourds et voir les aveugles.
Une foi qui nous interroge et nous interpelle chacun chacune aujourd’hui : comme Jésus appela Bartimée à se lever et à venir à lui, Jésus nous invite à venir à lui.

Quelle est vraiment notre foi en ce Dieu qui nous appelle à la vie ? Quelle place lui donnons-nous au cœur de nos existences ?
Frères et sœurs, ne restons pas sourds à cet appel qui veut nous ouvrir les yeux !

 

 

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