Messe du 30e dimanche du temps ordinaire – dimanche de la Mission universelle

 

Abbé Marc-Louis Passera, église de Chêne-Bourg, le 23 octobre 2011
Lectures bibliques : Exode 22, 20-26; 1 Thessaloniciens 1, 5-10; Matthieu 22, 34-40 – Année A

« Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » (Mt 22,36). Qu’est-ce qui est premier, qu’est-ce qui rend heureux ? La réponse de Jésus, nous l’avons entendue, elle nous est familière : tout se joue dans la relation à Dieu et aux autres. Aimer Dieu, aimer son prochain. Un amour entier dans lequel on s’implique de tout son être. « Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture » mais aussi tout ce à quoi aspire notre cœur « dépend de ces deux commandements » (Mt 22,40). Et l’invitation de Jésus s’adresse à nous aujourd’hui : toi aussi, fais ainsi, donne à ta vie ce style-là, cette couleur-là !

2. C’est aujourd’hui le dimanche de la mission universelle. Spontanément, je me suis dit qu’il eût été préférable de faire appel à quelqu’un qui a vécu la réalité de la mission au loin. Et ils sont nombreux : prêtres, religieux, religieuses, mais aussi tous ces volontaires qui ont consacré une partie de leur vie à la mission. Je suis émerveillé d’apprendre que chaque année des étudiants venant de terminer leurs études ou des couples plus ou moins jeunes consacrent une ou plusieurs années au service des jeunes églises.  Leurs témoignages sont souvent enthousiasmants, parfois même héroïques. Dans nos communautés, combien de fidèles très actifs ont été marqués à vie par leur séjour missionnaire en Afrique, en Amérique latine ou en Asie ou ailleurs. 
Alors, j’ai laissé retentir en moi le slogan: « l’Eglise est par nature missionnaire » (Ecclesia peregrinans natura sua missionaria est – ad gentes 2). Et je me suis souvenu du titre provocateur d’un petit livre publié en 1943 « France, pays de mission ? » ;  une analyse tellement lucide qu’on a souvent oublié que le titre se terminait pas un point d’interrogation. Une lecture tellement efficace qu’elle a éveillé en beaucoup un nouveau type de conscience missionnaire.
Dans la rencontre avec mes contemporains je dois souvent prendre acte que « en occident, le christianisme a un goût de déjà vu et nombre de personnes pensent qu’il n’a rien à offrir de nouveau » (Mgr Kurt Koch , A dire vrai, Saint Maurice, 2001, p. 154). Autour de moi j’entends souvent retentir la tristesse de ceux qui ont l’impression de n’être plus que quelques-uns à vouloir suivre encore le Christ. Ils ont raison les évêques de France quand ils disent: « Ce qu’il suffisait naguère d’entretenir doit être aujourd’hui voulu et soutenu (…) proposés comme l’objet d’un choix » (Les évêques de France Proposer la foi dans la société actuelle, Paris, 1996, p. 38). Alors je saisis mieux que le  dimanche de la mission universelle me concerne, moi, qui ai été envoyé dans une paroisse genevoise, qu’il nous concerne, nous qui écoutons la Parole et qui voulons en vivre.

3. En effet qu’est-ce que la mission à laquelle nous sommes tous appelés ? Les paroles de Jésus que nous venons d’entendre retentissent comme une réponse, parce qu’elles nous mènent au cœur de la foi.
Etre envoyés aujourd’hui, ce n’est pas avant tout chercher à faire passer des idées, même si cela est précieux. Ce n’est pas non plus défendre à tout prix une culture ou une civilisation, même si sa richesse mérite d’être partagée.
Répondre à l’appel du Christ qui nous appelle et qui nous envoie aujourd’hui dans notre monde, tel qu’il est et qui nous fait confiance, c’est d’abord accueillir son invitation à vivre de tout notre être de ce qui est premier, à vivre dès maintenant de la vie éternelle. Et cela devient un style de vie : aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit et aimer notre prochain comme nous-mêmes.
Il me semble que l’élan missionnaire est exprimé tout entier dans le témoignage que nous livre Jean dans sa première lettre : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimé » (I Jn 4,10) et dans la conclusion qu’il en tire : « Si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons nous aimer les uns les autres » (I Jn 4,11). Et nous comprenons bien que ce « nous devons » n’est pas une obligation qui nous serait extérieure, c’est une manière d’être tout entier habités d’un amour reçu gratuitement et qui ne peut que se traduire en un amour qui se donne.
Paraphrasant saint Paul, on pourrait dire de la mission de l’église : « J’aurais beau avoir les arguments les plus convainquant, disposer des moyens de communication les plus efficaces, être reconnu par le monde de la culture et apprécié dans l’air du temps ; si je n’ai par l’amour, ça risque de n’obtenir qu’un succès illusoire, ça risque de sonner creux».

4. Mais attention, le verbe aimer est facile à prononcer, mais il aura la consistance qu’on lui donnera. C’est encore saint Jean qui écrit : « aimons-nous, mais dans le faits et en vérité » (I Jn 3,18).
Qui sont les femmes et les hommes qui nous ont marqués, qui nous ont aidés à devenir ce que nous sommes ? Je vous suggère de prendre un peu de temps pour regarder leurs visages, pour les nommer. Nous y retrouverons très probablement une réalité d’amour qui a pris corps tout près de nous et qui s’est manifestée dans les grandes décisions de nos vies comme dans les petites choses de tous les instants (Mais y a-t-il vraiment de petites choses dans le mystère de l’amour ?…). Nous y retrouverons une manière d’être dans laquelle s’est montré à nous ce qui est premier, ce qui vaut d’être vécu ce qui rend heureux. Nous y retrouverons des femmes et des hommes qui, chacun à sa manière nous ont montré quelque chose du visage de Dieu.
Le dimanche de la mission universelle nous offre d’élargir encore le cercle. Cette année, parmi tant de sœurs et de frères en Christ, Missio nous invite à faire connaissance avec des croyants courageux au Nicaragua.

  1. Ivana et son enthousiasme : dans une région qui connaît bien des difficultés elle porte le souci des plus petits, elle les accompagne, elle les aide à se former. Elle œuvre avec d’autres qui lui font confiance et elle s’émerveille : « J’ai pu développer des capacités que je ne savais même pas que j’avais ». Alors, quand elle parle de l’église, elle aime dire que c’est un « réseau d’espérance ».
  2. Son évêque qui nous écrit : « J’espère que le lien fraternel de nos deux églises (…)va nous enrichir mutuellement. Laissez-vous enrichir par nous dans votre église Suisse où l’Evangile est parvenu vers le IIIème siècle, et nous par vous, dans notre église encore jeune et pauvre, mais rayonnante d’espérance ». 

Elle a raison, Ivana de parler de l’église comme d’un réseau d’espérance. Et dans ce réseau chacun de nous a sa place, chacun est attendu. Chacun de nous est envoyé, aussi.
Je voudrais le dire tout particulièrement à vous, qui nous suivez à la radio parce que vous ne pouvez pas faire autrement à cause de vos conditions de santé ou de votre âge ou d’autres raisons.
Peut-être souffrez-vous avec l’impression de ne pas pouvoir prendre part à la mission de l’église. Détrompez-vous et laissez-moi vous le dire en toute simplicité : il y a une extraordinaire fécondité dans la souffrance. C’est le témoignage de Paul quand il dit: « c’est quand je suis faible que je suis fort » (II Cor 12,10). C’est aussi le témoignage de nos sœurs et de nos frères du Nicaragua. Il nous est infiniment précieux de nous porter les uns les autres. Et j’aime dire que quand nous nous portons les uns les autres on finit par ne plus savoir qui porte qui parce qu’on est heureux d’avancer ensemble…

5. Le dimanche de la mission redit à chacun de nous que nous sommes appelés, envoyés, attendus. Mais il nous fait surtout entrer dans un grand mystère. Il nous permet de saisir que dans notre amour des autres c’est notre être profond qui se révèle. Nous sommes appelés à vivre de la vie même de Dieu, du Dieu unique Père, Fils et Esprit, du Dieu relation en qui tout n’est qu’amour.
Puissions-nous nous en émerveiller toujours et que notre émerveillement soit contagieux !

 

 


 

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