Messe du 2ème dimanche du Carême

 

 

Abbé Jean-Charles Roulin, à l’église St-Marc, Serrières, NE, le 7 mars 2004.

Lectures bibliques : Genèse 15, 5-18; Philippiens 3, 17 – 4, 1; Luc 9- 28-36

Jésus semblait entretenir avec Pierre, Jacques et Jean une relation spéciale, un peu comme s’ils étaient des complices, des intimes, les amis dont on a besoin, ceux qui nous connaisse bien et ne se trompent pas sur nous. C’est eux seuls qu’il laisse entrer avec lui par exemple dans la chambre de la fille de Jaïre qu’il ramène à la vie. C’est à eux seuls qu’il demandera de venir à l’écart avec lui au jardin des oliviers pour prier. Cette amitié, il veut la nourrir, la fortifier. Avec la transfiguration on a l’impression que Jésus veut être sûr qu’il y en a au moins trois qui savent qui il est. Un peu comme s’il avait besoin de livrer son secret.

 

Quelques verset plus haut dans l’évangile de Luc, Pierre a bien confessé que Jésus est le Fils de Dieu, le Messie, mais sait-il vraiment ce que cela signifie? Ils sont en route pour Jérusalem, là où Jésus va vivre sa passion. Il a déjà plusieurs fois tenté de le leur annoncer, mais ils ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre. Ils envisagent un avenir plus lumineux fait de succès et de puissance.

 

L’événement de la Transfiguration flirte déjà avec les récits de résurrection, un peu comme une annonce, une avant-première! Jésus se laisse voir tel que seuls les yeux de la foi peuvent l’appréhender. Il dialogue avec Elie et Moïse, les deux grandes vedettes de l’histoire d’Israël. Ils personnifient à eux-seuls tout l’Ancien Testament. Il est question de son départ à Jérusalem, c’est-à-dire de l’achèvement de sa mission, de l’accomplissement de toute la gestation qu’a été l’Ancienne Alliance. Et puis soudain cette voix du Père qui résonne comme une confirmation: c’est bien lui, écoutez-le! Cela dût être une rencontre, une expérience de foi exceptionnelle.

 

En redescendant de la montagne, ils n’osent parler de ce qu’ils ont vu et entendu. Le ciel s’est ouvert un instant. Ils sont secoués, ils ont certainement dû avoir le sentiment de vivre un moment irréel, un morceau d’éternité dont ils ne savent ce qu’il faut en penser. Peut-être ont-ils rêvé?

 

La route sera encore longue jusqu’au tombeau vide du matin de Pâques. Un chemin semé de violences, de trahisons et de peurs s’ouvrent devant leur pas. L’incompréhension, la révolte et le désespoir seront au rendez-vous! Sur la montagne, tout leur avait semblé possible, l’espace d’un éclair, mais l’obscurité va envahir les moindres recoins de leur espérance. Il faudra toute l’énergie du Ressuscité pour que lentement leurs ténèbres se dissipent, pour qu’ils comprennent que leur expérience de la Transfiguration était aussi vrai que l’horreur de la passion dont ils furent les témoins.

 

Nous sommes appelés à vivre bien souvent la même démarche sur notre chemin de foi. Il nous est à tous arrivé de connaître des moments d’éblouissement, des instants de certitudes où nous sentons Dieu si présent qu’il nous semble pouvoir le toucher, de ces instants où notre acte de foi nous semble allez de soi, où il ne peut en être autrement. Souvenons-nous de ces moments où nous avons soudain le sentiment que Dieu est à l’oeuvre dans le monde, dans notre vie. Peut-être même nous est-il arrivé d’oser parler de miracles!

 

Et puis le quotidien reprend son rythme, avec le martèlement de tout ce qui semble contredire mon espérance, ma foi: les doutes et les révoltes qu’engendrent la souffrance, l’injustice et souvent la violence d’un monde qui me fait peur.

 

Alors, avoir une espérance, c’est être capable de prendre au sérieux ces instants de lumière qu’il m’arrive de vivre, pour les laisser éclairer toute mon existence. C’est être capable de s’accrocher à ce qui semble insignifiant et qui pourtant change tout.

 

Ainsi cette semaine, nous avons tous été choqués par les attentats en Irak, nous avons été surpris par cette violence qui éclate soudain entre frères musulmans, mais avons-nous vu, perdu dans la masse des reportages, ces images nous montrant des sunnites venant spontanément donner leur sang dans les hôpitaux pour les victimes chiites des ces attentats?

 

De tels moments de transfiguration sont capables de me faire voir le monde autrement, de croire que rien n’est vain, que tout peut devenir possible. Découvrir au coeur de la misère humaine des sursauts de dignité, de solidarité, c’est cela vivre la transfiguration: j’ai vu la beauté de l’homme, et aucun de ses masques de laideur ne m’enlèveront la certitude qu’ils cachent des visages lumineux!

 

Amen.

 

 

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