Messe du 2ème dimanche de Pâques

 

Chanoine Jean-Claude Crivelli, à La Pelouse, Bex, le 18 avril 2004.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 5, 12-16; Apocalypse 1, 9-19; Jean 20, 19-31

« Laisse-moi en paix pendant un quart d’heure » – s’écrie une maman, à juste titre excédée par son enfant qui n’a pas cessé de la harceler durant toute la journée. Avec raison. Son amie de palier, grande adepte des techniques de relaxation, l’enjoint d’ailleurs d’apprendre à se relaxer, à éliminer les tensions nerveuses, l’irritabilité, l’agressivité : « Il te faut réduire ton stress, Nicole, alors tu retrouveras la paix et la joie de vivre. »

Je suis allé sur Internet : la mention « sans stress » concerne 239’000 sites de langue française. J’ai même tenté le diable : j’ai tapé « Evangile sans stress » pour vérifier si c’était possible ! Le Web m’a répondu. Il m’a expliqué comment Jésus Christ n’avait jamais cédé au stress, qu’il avait toujours conservé la paix. Normal. Puisqu’il est « le Premier et le Dernier » (2ème lecture), il a toujours eu du temps devant lui. Il n’a jamais eu qu’une heure, celle que le Père lui donnait de vivre.

Cette réflexion un peu rigolote n’est pas totalement hors de sens. Elle est toutefois un peu courte. En effet, quand le Seigneur ressuscité dit aux disciples : « La paix soit avec vous ! ». de quelle paix s’agit-il ? De cette absence de trouble, de cette égalité d’âme (ataraxie), de cette indifférence (apatheïa) chères à certains philosophes de l’Antiquité ? Ceux-ci attribuaient de telles vertus à Dieu qui en jouirait pleinement, le veinard impassible !

Mais voici que la révélation nous parle d’un Dieu qui au contraire se soucie des hommes, d’un Dieu qui, en son Fils, se fit l’un des nôtres, se fit « passible » jusqu’à souffrir sa passion et à mourir sur une croix. Le mystère pascal, quand bien même il oriente au-delà de la souffrance et de la mort pour attester la résurrection, implique un tel passage par l’abîme et les ténèbres. Si donc le Dieu de Jésus Christ fait de l’homme son souci, son tourment, la paix que le Ressuscité offre aux disciples n’a rien à voir avec un « Soyez cool, les gars ! Le boulot est fait ! » Du reste Jésus leur montre ses mains et son côté. Pour preuve. Preuve de quoi ? Preuve que la douleur, le mal et la mort, font encore partie de ce monde-ci, et que, tant que nous y sommes, nous devons les combattre, comme lui les a combattus. Et ils nous a obtenu la victoire.

Cette victoire finale sur les forces de l’ombre est-elle si évidente dans notre monde, en ces temps où la planète semble prête à exploser… par la faute d’hommes peu soucieux d’exporter, partout où ils trouvent leur avantage, la guerre, le profit et la haine ? « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », dit Jésus. Puisse cette béatitude réconforter les artisans de justice et de paix, puisse-t-elle maintenir vigoureux en eux le souci de l’homme, le sens de ce qui humanise les êtres et les rend frères et sœurs, quelles que soient leur race, leur nation, leur croyance, leur situation sociale ou encore leurs opinion politiques !

Combattre pour une telle cause – pour que nos contemporains deviennent un peu plus humains, pour qu’ils prennent ensemble les voies de l« hominescence » (Michel Serres) – ne peut être qu’une inquiétude, aujourd’hui surtout. Un souci fondamental qui, nous éveillant à nous-mêmes, aux autres et à Dieu, ne saurait s’effacer avant que nous ayons rejoint le Royaume. « Tu nous as fait pour toi et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en toi ». (S. Augustin)

Car il faut agir. Agir tout en se recevant sans cesse de cette paix donnée par plus grand que nous. Il faut agir. Le Seigneur ressuscité n’expulse-t-il pas les disciples du lieu où ils se tenaient paralysés par une fausse inquiétude ? Il faut sortir. Les malades sont sur les places avec leurs lits et leurs brancards (1ère lecture). Ils ne fréquentent pas nos temples et nos églises. Puisse l’Esprit qui, chaque dimanche, nous rassemble autour du Vivant nous indiquer où se trouvent les issues de secours, celles qui nous donneront d’ouvrir les yeux sur le monde avec ses bassesses mais aussi ses grandeurs.

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