Messe du 2ème dimanche de l’Avent

 

Mgr Benoît Vouilloz, à l’église N.-D. de la Visitation, Martigny, le7 décembre 2003.

Lectures bibliques : Philippiens 4-11; Luc 3, 1-6

Marche en espérance

Dimanche dernier, je nous invitais à retrouver, au fond de notre cœur, pour l’attiser comme une flamme, ardente et joyeuse, notre désir de la Vie éternelle.

J’entends bien le reproche si souvent formulé à l’encontre des croyants qui mettent leur espérance dans le monde à venir : « en mettant ainsi votre espérance dans la vie future, vous dépréciez la valeur de notre existence terrestre ; en attendant un monde meilleur, vous vous engagez peu dans la construction de notre monde d’ici-bas ».

Les lectures de ce 2e dimanche de notre route vers Noël sont en elles-mêmes une réponse à ce reproche : elles mettent en lumière la responsabilité, la mission du croyant sur cette terre :

Il s’agit de « marcher vers le jour du Christ »,et, pour cela, de « progresser dans l’amour », de se mettre « au service de l’Evangile », de « préparer le chemin du Seigneur, afin que tout homme puisse voir le salut de Dieu ».

Alors, non, notre espérance de la vie de plénitude et de bonheur dans l’éternité ne nous isole pas de notre monde, ne nous pousse pas à fuir au désert, si ce n’est pour mieux entendre l’appel lancé par Jean-Baptiste, en écho à l’appel que Dieu lui-même nous adresse en ces termes :

« Préparez mon chemin, mettez-vous au service les uns des autres, afin que mon projet d’Amour et de salut puisse être accueilli par tous. »

Allumée en notre cœur comme une flamme ardente et joyeuse, notre espérance nous stimule à marcher courageusement les pieds sur terre, à la suite de tant de nos frères et sœurs qui nous ont laissé un exemple inoubliable d’engagement terrestre, soutenus par la certitude du monde à venir ; pensons à François d’Assise, à Nicolas et Dorothée de Flüe, à Edith Stein, Madeleine Delbrêl, Martin Luther King, Gandhi, Teresa de Calcutta…
« Préparez le chemin du Seigneur…et tout homme verra le salut de Dieu. »
Quelle exigeante et belle mission !

En effet, qu’est-ce que cela signifie sinon s’engager à rayonner, en paroles et en actes, partout où nous conduisent les circonstances de la vie, l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint.

Comment tout homme pourra-t-il voir le salut de Dieu si ce n’est en voyant les œuvres de salut accomplies par ses fidèles ?

Rappelons-nous l’exhortation du Christ dans le Sermon sur la montagne :
« Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux ».

« Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route, les passages tortueux deviendront droits », cela signifie s’engager avec tous les hommes de bonne volonté pour le respect des droits humains, s’engager à lutter contre toute forme d’injustice, qui entrave la marche de tant de nos frères et sœurs sur le chemin de l’existence : exploitation, oppression, torture, violence…

« Préparez le chemin du Seigneur, et tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées »

Le Christ appelle ses disciples à collaborer à son œuvre de salut en travaillant à combler les ravins, les fossés creusés, à l’intérieur de notre humanité,par l’égoïsme, l’appât du gain, la course aux richesses et aux honneurs, toutes ces montagnes d’orgueil, ces collines de vanité et de suffisance, qui provoquent des avalanches de conflits sociaux, avalanches sournoises et meurtrières.

Dans cet engagement pour la justice et la solidarité, nous nous trouvons fortifiés par l’attente joyeuse de la vie éternelle. Notre espérance éclaire notre traversée d’ici-bas en mettant en lumière la vraie valeur des biens terrestres ; des biens dont nous ne sommes, en réalité, que des gestionnaires, et que nous devons gérer pour le bien commun de tous, sans y accrocher notre cœur. Notre cœur, au contraire, sera arrimé aux biens spirituels du monde à venir.

Encore une fois, il est évident que l’espérance chrétienne, loin de nous désengager de la vie sur terre, favorise la paix et la concorde, tant il est vrai que l’instinct d’accaparement et de convoitise est source de multiples affrontements, aussi bien en famille qu’en société, entre voisins qu’entre nations.

Ainsi, tant que nous sommes en pèlerinage sur la terre, nous marchons en espérance, et le Chemin que nous sommes invités à suivre n’est autre que le Christ lui-même, selon ses propres paroles : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».

Le Christ notre Chemin, qu’est-ce à dire, sinon que nous allons mettre nos pas dans les siens et vivre dans l’amour, à son exemple : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mieux encore qu’un commandement, c’est un mandat que le Seigneur confie à notre liberté et à notre responsabilité : être les uns pour les autres le Cœur de Dieu, à son image et à sa ressemblance ; portant les fardeaux les uns des autres, attentifs surtout aux plus déshérités ; nous accueillir dès maintenant comme nous aurons la joie de nous rencontrer dans l’éternité ; nous entraider à marcher en espérance, comme l’on s’encourage en montagne, surtout par temps de brouillard ou de tempête. Le chemin qui conduit à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard est balisé en hiver par des piquets plantés dans la neige. Lorsque le brouillard est dense, l’on n’aperçoit le piquet suivant qu’en s’éloignant quelque peu du piquet précédent, en poursuivant la marche dans la direction donnée. Il en est souvent ainsi dans notre vie : ne pas rester figé sur place, au cœur d’une difficulté, mais faire quelques pas, dans la confiance ; un nouveau point de repère apparaîtra. Le Christ est là, à la fois notre chemin balisé et notre compagnon de route. Lorsque son silence nous fait craindre son absence, poursuivons notre marche dans la foi.

Ecoutons à nouveau saint Paul qui nous y encourageait tout à l’heure ; il priait pour les chrétiens de la ville de Philippes ; il prie aussi pour nous aujourd’hui même :
« Dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous feront discerner ce qui est le plus important. Ainsi, dans la droiture, vous marcherez sans trébucher vers le jour du Christ. »

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