Messe du 2ème dimanche de Carême

 

Père Jean-Pierre Barbey, le 17 février 2008, à la chapelle N.-D. de la Compassion, Bulle
Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4; 2 Timothée 1, 8-10; Matthieu 17, 1-9 – Année A

Je me souviens avec beaucoup d’émotion, chers frères et sœurs, d’une célébration de la messe, un jour dans un établissement pénitencier du canton de Vaud. Certains amis détenus tenaient beaucoup à ces célébrations. Ce jour-là, nous avions précisément lu ce récit de la transfiguration. A mon habitude j’avais présenté un bref commentaire de l’épisode et puis nous avions pris le temps de laisser chacun s’exprimer. L’un d’entre eux en était venu à nous confier la situation de sa famille, la maladie de son épouse. Et il s’était mis aussi à parler avec beaucoup de simplicité de sa propre fille : comment elle avait interrompu ses études pour aller travailler. Lui même se disait admiratif de son courage, de sa gentillesse. « Grâce à elle, on va tenir le coup! » affirma-t-il. Au fond de lui, nous ressentions tous vibrer une immense fierté.
Et c’est comme ça que, tout en discutant, nous en étions arrivés à nous poser la question entre nous :

Dieu, quand il nous parle de son Fils, ne s’exprime-t-il pas avec le même cœur qu’un papa, qu’une maman peuvent à l’occasion, parler de leur rejeton. Nous avons osé penser que oui.
Et c’est bien comme ça, frères et sœurs, que j’entends en ce moment en votre compagnie, résonner cette parole du Père :

« Oui ce Jésus si pauvre, si démuni, dormant à la belle étoile, sans domicile fixe, un vagabond, diront certains, croyez-moi, c’est mon Fils, celui qui recueille tout mon amour! »

Oui, ce Jésus qui vous étonne à chacune de ses paroles : « Aimez vos ennemis, pardonnez à ceux qui vous ont fait du tort » quand il s’exprime comme ça, je le reconnais comme mon Fils, mon Fils bien aimé. Ses paroles sont mes paroles. Ses exigences sont mes exigences. »
Et quand il fait signe à Zachée, et que sans tenir compte des moqueries,
il va manger sa soupe chez ce pécheur, en compagnie des désespérés de l’âme et du corps, plus que jamais je le dis : « Il est mon Fils Bien Aimé. »

Oui Jésus est vraiment ce Fils bien aimé du Père, parce  que en lui, Jésus, c’est tout son cœur de Père que Dieu nous révèle et nous fait découvrir. Comprenons bien. Ce que Jésus ressent dans son cœur, à la rencontre d’une détresse humaine, c’est exactement çà que son Père ressent.

«Cela me fait  mal, cherche à nous faire comprendre Dieu, quand j’entends cette mère pleurer et se désespérer : autour d’elle c’est la misère. La guerre a passé, tout a été détruit. Que va-t-elle offrir à ses enfants  pour leur repas?
«Cela me fait mal, nous confie le Seigneur quand je vois les cœurs se fermer, et les portes se barricader devant des gens qui ont tout perdu et qui demandent qu’on les comprenne, qu’on les accueille. qu’on les aide.»
« Je souffre et j’ai mal, dit le Seigneur, quand la joie de vivre d’un enfant est brisée, parce qu’il a été meurtri dans sa chair et dans son cœur
Mais me demanderez-vous, comment cela ? Dieu est-il susceptible d’avoir mal ? Peut-on raisonnablement affirmer que Dieu puisse souffrir ?

Eh bien figurez vous que dernièrement une dame, manifestement bien inspirée, m’a offert un magnifique livre, intitulé « Vivre Dieu » .  « Vivre Dieu. »  C’est déjà tout un programme. C’est le Père Maurice Zundel qui l’a écrit. Quelqu’un de sûr, question de parler de Dieu. Et voilà qu’en feuilletant le livre je tombe précisément sur cette question :
« Dieu peut-il avoir mal ?» s’interroge l’auteur, et il répond : « cela est tout à fait possible, tout à fait vrai, du fait même de cet Amour qui ne cesse jamais de nous accompagner. »
Et il nous donne cette admirable comparaison : « Une mère en pleine santé peut vivre l’agonie de son fils plus douloureusement que lui-même en raison même de son identification d’amour. C’est pourquoi, aucun être n’est frappé sans que Dieu le soit, en lui, avant lui, plus que lui et pour lui. »(page 152.)   Le comprendrons nous jamais ?
A la souffrance de l’homme, à notre angoisse Dieu répond par la manifestation d’une infinie tendresse, celle qu’il nous révèle en Jésus, son Fils bien aimé , celui qu’il nous invite à écouter. Nous mettre à l’écoute de Jésus. Eh bien oui ! c’est tout simplement laisser résonner dans nos cœurs cette  parole débordante d’amour : « venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et  moi je vous réconforterai, car je suis doux et humble de cœur. »(Mat 11.).

Voilà, frères et sœurs , il va gentiment être temps pour nous de redescendre de la montagne. L’évangéliste note, en parlant des apôtres : ils ne virent plus que Jésus seul. Une façon bien à lui de nous signifier le retour à la vie quotidienne. Cette vie quotidienne, c’est bien sûr la nôtre, c’est également celle de notre diocèse, en ce moment douloureux de son histoire, c’est celle de ces plus de 800.000.000 de personnes qui dans notre monde ne mangent pas à leur faim. Aujourd’hui en 2008.
Toute l’action de carême de cette année nous instruit de ce mal vivre de notre monde. Les calendriers à votre usage évoquent des situations, proposent des actions concrètes. A lire absolument ! Mais attention, les auteurs de la brochure nous préviennent. Il ne suffit plus aujourd’hui de donner de notre surplus pour mener le combat. Nous devons nous attaquer aux causes de tant d’inégalités. Nous devons apprendre à assumer nos responsabilités. D’aucuns diront : « L’Eglise se mêle encore de politique! » Voire! Dom Helder Camara a répondu depuis bien longtemps à cette attaque, et avec quel humour. Il disait : « quand je donne de la nourriture aux pauvres, on m’appelle un saint. Quand je demande pourquoi ils sont pauvres, on m’appelle un communiste . » Cela ne l’a pas découragé dans son combat, celui de l’évangile. Nous non plus, frères et sœurs, nous ne nous décourageons pas.

A l’exemple de Dom Helder, et à l’écoute de Jésus, laissons vibrer nos cœurs, comme Dieu sait si bien le faire. Ce sera notre façon à nous de révéler au monde l’infinie tendresse de notre Dieu. Celle qu’il nous a manifestée dans la mort et la résurrection de son Fils, son Fils bien aimé.

 

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