Messe du 2e dimanche de Pâques

 

Abbé Paul Frochaux, église Notre-Dame, Vevey, le 15 avril 2012
Lectures bibliques : Actes 4, 32-35; 1 Jean 5, 1-6; Jean 20, 19-31 – Année B

 

Nous venons d’entendre la seule béatitude de l’Evangile de Jean : Heureux ceux qui croient sans avoir vu, béatitude qui s’ajoute à celles, nombreuses, de l’Ancien Testament Heureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur (Ps 32) heureux l’homme qui craint le Seigneur (Ps 111, 1) comme du Nouveau. Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux,… (Mt 5)  La liturgie de l’Eglise nous propose elle aussi une béatitude lors de la veillée pascale, lors de la proclamation du magnifique chant de l’Exultet, mais c’est une bien mystérieuse béatitude puisqu’elle dit : Heureuse faute de l’homme qui nous valut un tel Rédempteur. Comment une faute peut-elle être heureuse ? Et pourtant, nous le sentons bien : il a fallu la faute d’Adam et d’Eve pour que nous puissions éprouver jusqu’où irait l’amour de Dieu dans sa volonté de nous sauver par son Fils. Il a fallu la trahison de Judas pour que Jésus soit conduit jusqu’à la mort de la croix. Il a fallu le triple reniement de Pierre pour que ce dernier par trois fois affirme son amour envers Jésus et soit confirmé dans sa mission de chef de l’Eglise. Il a fallu… Au soir de la Résurrection, Jésus lui-même expliquant l’Ecriture aux disciples d’Emmaüs disait : Ne fallait-il pas que le Messie souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire ?

Aujourd’hui c’est l’apôtre Thomas qui commet une faute, une faute qui s’appelle l’incrédulité. Impossible à ce disciple qui n’a pas encore rencontré le Ressuscité de croire à ce qu’on lui dit de lui, il lui faut des preuves. C’est une faute assurément, une faute que nous comprenons bien, mais une faute qui est aussi d’une certaine manière une heureuse faute. Grâce à elle il nous est donné de progresser dans le mystère de Jésus et de sa Résurrection. Oui, Jésus est vraiment ressuscité, sa présence, ses plaies l’attestent. Oui Jésus est Seigneur, oui Jésus est Dieu. La question de sa divinité a fait tant de problème dans l’Eglise primitive (et même jusqu’à présent), Thomas nous fait avancer clairement dans l’affirmation de la divinité du Christ. Avec l’apôtre incrédule nous pouvons dire aussi : Mon Seigneur et mon Dieu !

Les fautes doivent être évitées, c’est un des buts de notre vie chrétienne. Mais, notre faiblesse est telle qu’il nous est impossible de ne pas en commettre. Lorsque nous en commettons, rappelons-nous que nous pouvons en faire quelque chose, et même quelque chose de bien. En reconnaissant en effet tout le négatif de ma faute, je peux m’engager à tout faire pour y renoncer, c’est déjà un bien, je peux réparer (pensons à Zachée) c’est un bien, je peux prévenir les autres : attention ne prenez pas ce chemin, évitez de faire ce que moi j’ai malheureusement fait, c’est un bien, je peux témoigner, c’est encore un bien. En ressuscitant son Fils, Dieu a tiré le plus grand bien possible du plus grand mal qu’a été le supplice de la croix. Dans la modeste mesure de mes moyens et avec l’aide de Dieu, je peux moi aussi tirer un bien de ma propre désobéissance, de mes trahisons, de mes reniements, de mon incrédulité. Avec l’aide de Dieu !

Nous pourrions donc presque remercier Thomas de nous aider à progresser dans notre connaissance de Jésus. Nous pouvons aussi l’envier « grâce » à sa faute, Thomas va bénéficier d’un privilège inouï, le privilège de contempler (peut-être de toucher) les blessures par lesquelles nous sommes guéris. Les plus belles blessures qui soient car elles sont les blessures de l’Amour. Comme nous l’avons dit, Dieu peut tirer le plus grand bien du plus grand mal, ainsi les plaies du Christ qui sont le signe de méchanceté des hommes, le signe de la haine, sont maintenant le signe de l’amour, le signe de la guérison. Ces blessures ornent le corps du Christ ressuscité comme des joyaux, elles sont à jamais attachées à ce corps glorieux.

Nous aussi, sommes des êtres blessés. Blessés parfois physiquement, blessés souvent par notre passé, par des humiliations dont nous avons été victimes, par nos fautes. En acceptant nos blessures, quelles qu’elles soient, en les offrant à Dieu, elles sont appelées elles aussi à être transfigurées. Elles sont appelées elles aussi à devenir source de lumière, elles sont appelées elles aussi à connaître un renversement en passant de la laideur à la beauté, de l’humiliation à la gloire, des ténèbres à la lumière.

Voilà ce que fait Dieu pour nous lorsque nous mettons nos pas dans celui de son Fils. Voilà la divine miséricorde qui nous est offerte. Comment ne pas nous émerveiller devant ce Dieu qui nous aide à faire de nos fautes d’heureuses fautes qui nous font progresser, comment ne pas nous émerveiller devant ce Dieu qui transforme les blessures en guérison.
Comment ne pas nous exclamer avec saint Thomas devant la victoire de la vie sur la mort, devant Jésus vivant montrant ses plaies glorieuses : Mon Seigneur et mon Dieu ! ?  AMEN

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *