Messe du 2e dimanche de Pâques

 

Abbé Mathieu Boulet, à la basilique Notre-Dame à Lausanne, le 19 avril 2009
Lectures bibliques :
Actes 4, 32-35; 1 Jean 5, 1-6; Jean 20, 19-31 – Année B


Voilà d’un côté une « pierre roulée », celle du tombeau vide au matin de Pâques et voilà par ailleurs des « portes verrouillées », celles de la maison où se cachent les disciples. Voilà donc deux tombeaux: l’un contient un mort, mais qui est vivant, l’autre des vivants, mais qui sont déjà morts en eux-mêmes. D’une part le Christ a pulvérisé les portes de la mort, d’autre part nous pouvons choisir de continuer à garder nos portes, les portes de notre cœur, verrouillées à la vie !

Chers frères et sœurs proches et lointains, ce n’est pas sur « le doute » de Thomas que je voudrais aujourd’hui porter notre attention, mais plutôt sur « la peur » des autres disciples. Cette peur qui nous bloque, qui nous traque, qui nous fige
Oui ! « Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur »
De quoi ont-ils peur ? L’Évangéliste Jean dit que c’est des Juifs qu’ils ont peur. Bien sûr il y a de cela ! Mais je pense que la peur qui les habite a des racines bien plus profondes et je dirai que ce n’est pas tant des Juifs qu’ils ont peur que d’eux-mêmes : ils ont peur de reconnaître leur faiblesse, leur trahison. Pendant trois années ils ont vécu aux côtés de Jésus, ils ont assisté aux miracles, écouté ses paroles, ils ont promis de le suivre partout, Pierre dira même jusqu’à la mort, et au moment où Jésus est confronté à sa Passion, où sont-ils ? Volatilisés ? Au pied de la croix ne se trouve que Jean et quelques femmes. Et les autres ? Ils ont fui; ils ont trahi sa confiance, son amitié. Voilà que désormais ils se sont condamnés à vivre fondamentalement seuls, chacun avec cette vérité amère sur soi-même. Pour sortir de ce mépris de soi, et recommencer à vivre, ils auraient besoin de se pardonner, mais ils ne peuvent pas se pardonner à eux-mêmes : le pardon, on ne le mérite pas, on le reçoit comme un don ! D’ailleurs, la première chose que le Christ ressuscité leur dit est : « La paix soit avec vous » ! Et c’est par ce pardon que le Christ les libère de leur culpabilité, il élimine leur plus grande peur, qui est aussi la nôtre : La peur d’avoir toujours à « mériter » l’amour de l’autre.
Ainsi, par l’expérience de ce pardon, les disciples réalisent l’étape fondamentale de toute vie : ils apprennent à se laisser aimer, et plus encore, ils apprennent à se laisser aimer avec leurs faiblesses, leurs pauvretés, leurs péchés ! Car c’est leur faiblesse régénérée, qui leur permet de commencer à vivre l’amour, non plus comme un « prix » mais comme un « don ».

Comment envisageons-nous l’amour, frères et sœurs ? Comme un prix à mériter des autres, tout en obligeant les autres à le mériter de nous, ou comme un don, à recevoir ? Est-ce que nous nous laissons rejoindre par l’autre jusque dans nos faiblesses ? Est-ce que nous nous laissons rejoindre par les personnes que nous aimons jusqu’au cœur même de nos fragilités, jusque dans nos péchés, accueillant leur pardon ? ça remonte à quand la dernière fois que j’ai donné à mon ami, à mon conjoint, à ceux qui sont autour de moi, l’occasion de me pardonner ? D’un côté nous faisons tout pour donner à l’autre l’occasion de nous aimer, arborant mérites et qualités, de l’autre, nous sommes tous mal à l’aise quand ressort subitement notre orgueil, notre colère, notre jalousie, ou notre égoïsme. Mal à l’aise,car à ce moment-là, nous ne pouvons plus revendiquer « le droit » d’être aimé, à ce moment-là nous dépendons totalement de l’autre, et nous avons peur, peur que l’autre, confronté à notre faiblesse, nous refuse son amour, son amitié.

En ce dimanche de la divine miséricorde, laissons donc le Christ neutraliser nos peurs : peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas être capable, peur d’échouer ou d’être bon à rien… Laissons donc le Christ venir nous rendre la liberté du cœur… C’est dans la mesure où je me laisserai rejoindre par le Christ dans ma faiblesse, dans mon échec, dans ma pauvreté qu’à mon tour, je pourrai commencer à rejoindre l’autre dans sa faiblesse, dans son échec, dans sa pauvreté. Le rejoindre oui ! mais désormais sans le juger, avec un cœur plein de tendresse, avec un cœur… transpercé d’amour.
Pardonner véritablement ? c’est laisser à  l’autre la possibilité de mettre son doigt dans nos plaies. Tant que nous aurons du mal à nous laisser pardonner humblement, nous ne pourrons pas être de véritables ministres de la miséricorde pour tant d’hommes et de femmes qui se méprisent, qui ne s’acceptent pas, et qui, sans le savoir, attendent de se rencontrer à travers nous, à travers nos plaies déjà transfigurées par l’amour de Dieu.

Alors oui, frères et sœurs, en ce dimanche de la divine miséricorde, demandons à Dieu de nous libérer de toutes nos peurs, surtout celle de ne pas toujours savoir accueillir l’amour des autres jusque dans la faiblesse : leurs faiblesses, nos faiblesses !
 
Laissons-le faire, qu’il fasse de nous des Apôtres héroïques de sa miséricorde ; n’ayez pas peur, il n’y a rien de plus épanouissant !

« Jésus miséricordieux j’ai confiance en toi prend pitié de moi et du monde entier. »

Amen

 

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