Messe du 2e dimanche de l’Avent

 

Père Jean-René Fracheboud, le 5 décembre 2004, au Foyer Dents du Midi, Bex
Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10: Romains 15, 4-9; Matthieu 3, 1-12

Chers Frères et Sœurs,
Chers Amis,

 

J’avoue que j’aime bien la figure de Jean-Baptiste, cette silhouette hors du commun, taillée à la hache et profilée à l’extrême. Elle me séduit parce qu’elle me dérange, parce qu’elle me secoue dans la foi, parce qu’elle me provoque. Son message est d’une clarté évidente :
« Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche ».

Il s’agit de me préparer à l’événement de la venue de Dieu parmi les hommes.

Je ne suis pas d’emblée à hauteur de cet événement. Je suis appelé à déployer en moi une manière d’être, des dispositions intérieures, une qualité de regard et d’attention qui me permettront d’accueillir en vérité celui qui désire, d’un grand désir, habiter en moi, le Christ vivant. Je dois m’habiller le cœur pour être à hauteur du cœur de Dieu.

Les textes de la liturgie d’aujourd’hui, de différentes manières, nous invitent à prendre au sérieux cette préparation, ce travail personnel et communautaire de transformation qui va permettre à Dieu d’être Dieu en nous. L’accueil de la nouveauté de Dieu exige une conversion, un écart, un déplacement, un mouvement.

Le prophète Isaïe exprime ce mouvement de conversion en termes d’arboriculture. « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David ; un rejeton jaillira de ses racines. » Au moment où le peuple de Dieu vit un temps particulièrement difficile et désespérant – humainement, il n’y a plus d’avenir – le prophète lui annonce la perspective d’un Messie aux couleurs tellement belles : « Il ne jugera pas d’après les apparences, Il ne tranchera pas d’après ce qu’il entend dire, Il jugera les petits avec justice…».

Le peuple est appelé à un sursaut de confiance en se tournant vers l’avenir pour accueillir le Messie de la paix.

Nous trouvons la même résonance, en termes plus théologiques dans la bouche de Paul qui invite la communauté de Rome, menacée par des divisions internes, à se convertir, à changer de cap. Il exhorte les uns et les autres à travailler à l’unité et à former une communauté soudée, heureuse de rendre grâce ensemble pour les merveilles de Dieu.

Pour revenir à Jean-Baptiste, son message musclé et vibrant d’appel à la conversion oriente vers l’avenir. « Moi, je vous baptise dans l’eau, mais Celui qui vient derrière moi et qui est plus grand que moi vous baptisera dans l’Esprit et le Feu ».

Frère Roger de Taizé, cet autre prophète des temps modernes, a forgé une belle expression pour exprimer l’enjeu de la conversion : LA DYNAMIQUE DU PROVISOIRE. Nous sommes chrétiens moins par rapport à un passé que par rapport à un avenir. Le Dieu que nous essayons d’accueillir et de rencontrer est un Dieu qui vient constamment ouvrir une dynamique d’avenir. Le plus beau, le plus grand de toi est devant toi !

 

Au cœur de cet Avent :
– Comment inscrire cet appel à la conversion que nous lance si impétueusement Jean-Baptiste ?
– Comment aujourd’hui, dans notre monde et dans notre Eglise, vivre la dynamique du provisoire ?
– Comment, au cœur des séductions de l’immédiat, rester libre pour grandir et accueillir le Christ ?

Je vous propose trois pistes d’approfondissement, en écho à l’architecture de notre chapelle. J’imagine Jean-Baptiste attirer l’attention sur trois espaces : la grande Bible ouverte devant l’ambon, la croix de Résurrection dressée dans le choeur comme signature d’alliance et la grande baie vitrée qui ouvre une belle perspective sur le parc et la forêt.

 

Première proposition : « DELIVRER LA PAROLE »

Au sens littéral du terme, c’est-à-dire la faire sortir du livre pour qu’elle devienne vie, respiration, animation en nous. La Parole de Dieu est fondamentale dans notre vie chrétienne, c’est Dieu qui nous parle, qui nous nourrit aujourd’hui, qui ouvre les chemins de la conversion. En se référant à Isaïe et à sa belle prophétie de paix, on remarque cette phrase : « il ne se fera plus rien de mauvais, ni de corrompu sur ma montagne sainte » Pourquoi ? « car la connaissance du Seigneur emplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer ».

L’assimilation lente et progressive de la Parole de Dieu permettra l’avènement d’un monde, d’une humanité et d’un cosmos réconciliés. Il nous faut à tout prix retrouver le goût de la Parole de Dieu. Il faut qu’elle nous habite comme un ferment qui transforme nos esprits et nos cœurs, en nous dilatant à l’infini de Dieu.

 

Deuxième proposition : « DECRUCIFIER LE CHRIST »
selon l’expression de Zundel.

Quand l’Amour est intervenu dans le monde, on l’a empêché de rayonner. On l’a cloué sur la croix et c’est désormais la mission des disciples, de tous les chrétiens, de décrucifier le Christ. C’est à travers la vie et les engagements de chacun que le Christ continue à offrir au monde l’amour, la paix et la justice. Quelle belle aventure et quelle responsabilité de collaborer ainsi à l’œuvre du Christ par des gestes tout simples d’accueil, de générosité, de partage, de pardon. Comme le dit Jean-Baptiste, il s’agit de « produire un fruit de conversion ». Il ne suffit plus d’appartenir sociologiquement à une Eglise, à une tradition, de se cacher derrière des leaders, fussent-ils religieux !

« Nous avons Abraham pour père ». L’Evangile nous appelle à l’authenticité, à des choix, à des engagements au service de Dieu et au service de l’homme. C’est cela DECRUCIFIER LE CHRIST, lui permettre de naître en chacun de nous pour qu’il déploie la fécondité de son amour vainqueur.

 

Troisième proposition : DEBROUSSAILLER LES GERMES DE VIOLENCE ET DE MAL ENFOUIS DANS NOS PROFONDEURS.

Le mal, sous toutes ses formes, nous sommes prêts à le dénoncer chez les autres alors qu’il est souvent là dans notre vie quotidienne, nous inspirant des réflexes égoïstes, des silences complices et des condamnations hâtives. Il est là insidieusement déguisé dans nos paroles qui font l’opinion, dans nos votes qui font les décisions, dans l’organisation de notre agenda et dans le choix de nos distractions.

 

La proximité de Noël, la venue du Prince de la Paix qui permet « au loup d’habiter avec l’agneau, au léopard de coucher auprès du chevreau, au nourrisson de jouer sur le trou de la vipère », nous conduit à mener une guerre farouche et impitoyable contre le mal et contre tout ce qui abîme le visage de l’humanité.

A Noël, ce serait dommage que les douceurs ne soient que sur la table et dans les décorations.

Vous l’aurez remarqué, ces trois propositions de conversion commencent par un « D» :
– Délivrer la Parole
– Décrucifier le Christ
– Débroussailler les germes de violence

Ce n’est pas le dé du hasard et des jeux… coup de dé facile.
C’est le « D » de notre décision croyante.
C’est l’onde de choc provoquée par Jean-Baptiste :
nous convertir et préparer les chemins du Seigneur,

 

 

 

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