Messe du 2e dimanche de Carême

 

Frère Didier Boillat, dominicain, le 20 février 2005, à l’église St-Paul, Genève

Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4; 2 Timothée 1, 8-10; Matthieu 17, 1-9 – Année A

« Joseph, vas-tu me tuer ? » Une religieuse rwandaise est adossée au mur. Un homme, accompagné par d’autres, veut la fusiller. Elle a été son enseignante, elle le reconnaît et l’interpelle d’une voix sûre : « Toi, me tuer ! » Il n’a pas osé aller plus loin dans son désir de la faire disparaître.

 

Cette parole a sauvé cette religieuse. Elle est venue mettre une distance entre une vie et celui qui voulait ôter la vie. Une parole qui a reconnu, nommé : « Joseph ». Une parole qui a interrogé et désigné ce qui allait se passer : « vas-tu me tuer ? » Et celui qui voulait faire le mal s’en est allé sans doute plus humanisé, il n’a pas tué. La voix d’une femme l’a sauvé de son crime et elle-même est restée vivante !

 

Une voix aussi surgit dans l’évangile d’aujourd’hui : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Dieu parle et il parle comme un père qui aime son fils. Une voix aimante, reconnaissante, attentive ! Une voix que Pierre, Jacques et Jean sont invités à écouter, à laisser descendre en eux-mêmes. Elle crée un lien, une présence… Mais c’est aussi une invitation à laisser cette voix transformer les paroles humaines, à les transfigurer et à les changer. Des paroles pleines de bienveillance pour l’autre.

 

Toi qui es à l’hôpital, en prison, toi simplement qui écoutes… Entends-tu encore la voix de l’amour du Père pour son Fils ! Tout peut paraître bloqué, interrompu dans ta vie… Il ne fait plus bon vivre, je me sens seul dans ma souffrance. Mais le Fils prononce alors une parole d’espérance : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! ». La voix du Fils contient le même amour, la même prévenance pour notre humanité que la voix du Père. Elle remet debout, elle consolide, elle ôte la peur. Cette voix construit la personne, celle-ci retrouve un sens, une orientation pour sa vie. Cette voix traverse la communauté humaine et établit des liens de respect et de dignité. Certes elle est toujours menacée, menacée parce que ce sont aujourd’hui nos propres mots, nos paroles qui peuvent traduire la voix de l’amour. Dieu s’exprime et se dit par nos voix d’homme de femme et d’enfants. C’est sa façon à lui de nous interpeller, de nous annoncer une bonne nouvelle. Et nos voix tremblent, sont prises parfois dans la contradiction de notre cœur. Elles n’arrivent plus à désigner, à nommer, à aimer véritablement.

 

Que pouvons-nous faire alors ? Sommes-nous démunis et impuissants ? Peut-être simplement commencer par écouter ce que Dieu dit, l’écouter de tout son cœur. Une bonne nouvelle est proclamée. Dieu a une parole pour chacun et chacune, une parole que nous pouvons accueillir. Écouter aussi ces personnes qui autour de nous ont dans la voix une bienveillance et un accueil amical ! Les personnes qui nous font du bien… La musique et le chant se mêlent ainsi magnifiquement à cette voix qui vient de la nuée lumineuse. Pourquoi ne pas écouter les bruits de la nature, le chant d’un oiseau au matin, la fleur qui se penche dans le vent ? Dieu parle ainsi nos langages et sa voix continue à faire son œuvre de paix !

« Joseph, Jacques, Christine, Agnès », Dieu vous appelle par vos noms ! À nous de savoir nommer nos frères et nos sœurs, les interpeller, leur ouvrir par notre voix un amour généreux et vrai, un chemin d’avenir et d’espérance ! La voix de l’amour éloigne la mort et donne la vie ! Écoutez-la !

 

Amen !

 

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