Messe du 27ème dimanche ordinaire

 

 

Abbé Pierre PASCAL, à la paroisse de Sainte-Marie-Madeleine, Troinex (GE), le 3 octobre 1999

Homélie pour la messe du 27° dimanche ordinaire (année A)
Lectures bibliques : Is 5, 1-7; Ph 4, 6-9; Mt 21, 33-43

Il y a des vignes qui pétillent de couleur et les feux de l’automne les transforment en coucher de soleil.

Depuis des siècles la vigne a fasciné les poètes et les prophètes. Ceux-ci comparaient souvent la nation juive à une vigne. Cette image leur était inspirée par ces flancs de coteaux de Palestine dont les ceps ruisselaient de lumière.

Après 27 siècles, la voix du prophète Isaïe nous parle toujours : Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne…

Et c’est bien la vigne qui racontera, à la façon orientale, l’histoire vertigineuse de Dieu et de son peuple. Tout le quotidien de la vigne et des hommes deviendra parabole vivante et toujours accessible.

Jésus va reprendre ce thème de la vigne et il va le personnaliser au point qu’il réussit à interloquer ses adversaires, les chefs des prêtres et les pharisiens qui se trouvent réduits à l’évidence pour affirmer : Ces mauvais vignerons doivent périr.

De fait, ils veulent travailler cette vigne à leur propre compte, supprimer l’héritier en bravant toutes les lois d’une élémentaire morale. C’est l’escalade de la violence. Elle est de tous les temps. Les vignerons lapident et tuent le fils héritier. Ces misérables dépourvus de conscience, on les fera périr et la vigne sera donnée en fermage à d’autres vignerons, mais honnêtes ceux-là.

Eux, ils deviendront les artisans, les fidèles de l’œuvre de Dieu et la pierre rejetée sera une merveille sous nos yeux. Un nouveau Royaume va naître, révélé par le Christ et il sera donné à un peuple au cœur fidèle et vaillant.

Il y a un défi dans cette parabole. Un défi à bout portant. Ils sont là devant Jésus ceux qui l’espionnaient attentivement. Et il leur signifie : Vous allez me tuer, car vous vous prenez pour les propriétaires de Dieu. Vous l’avez annexé, vous qui croyez tout savoir. Eh bien ! Vous n’avez rien compris. Vous ne voulez pas reconnaître celui qui vous parle : le Fils, mais c’est vous qui serez rejetés et je serai le ciment du nouvel édifice. Et celui-là il ne lézardera pas parce qu’il ne sera pas bâti de main d’homme et il résistera à toutes les tempêtes, d’où qu’elles viennent.

Cette parabole est brûlante d’actualité. Elle s’adresse à tous ceux – et ils sont légions – qui seront tentés, à travers les temps, d’accaparer voire d’usurper Dieu. En ce 20e siècle agonisant parce qu’il a soif de Dieu, que se passe-t-il dans sa vigne humaine ?

Ici on casse les sarments, là on vendange les raisins verts, les raisins de la colère, ailleurs on trafique le bon vin. Les vignerons s’occupent de leur propre coteau ou bien ils se disputent et rivalisent avec seulement l’exploitation en tous genres et le profit comme idéal suprême.

Mais il y a aussi et heureusement des femmes, des hommes qui travaillent la vigne avec foi et persévérance, avec compétence et amour. Certes ils ne font pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien; mais leur charité, sans tapage va jusqu’à l’abnégation au péril de leurs vies.

Et tous les élans qui se réclament de la bonté d’un même Père doivent aussi entraîner les autres hommes par-delà les océans et les hémisphères.

Les horizons incertains d’une humanité, une et déchirée, réveillent en nous la réaction la plus évangélique quels que soient notre nationalité, notre culture, notre niveau de vie ou la couleur de notre peau.

Il est tragiquement vrai que, dans le passé comme de nos jours, on a vu et on voit des tueries et des guerres entre gens qui se réclament tous du même Dieu d’amour. Là-dessous couvent parfois des intérêts sordides et il paraît s’attarder en vain, le visage tuméfié du plus beau des enfants des hommes. La figure douloureuse et lacérée du Vendredi Saint, la plaie purulente du monde actuel ne permettent plus de pareilles inconsciences à qui sait qu’il a coûté le sang d’un Dieu. Il est vrai que la lumière du Christ n’éclaire jamais ceux qui tournent le dos à son visage.

L’homme généreux et confiant qui avait planté et soigné ses vignobles, avait semblé s’éloigner. En fait, il a pris place discrètement parmi les vignerons, tous les vignerons et quand il a fallu souffrir, protester, secourir, courber sous les coups, ranimer les autres, il était là ce Christ de la vigne sanglante; Lui le vin des assoiffés de justice, la ressource bénévole des pauvres, la force des torturés, la lumière des purs, l’esprit des artisans de paix, la sérénité imperturbable des persécutés.

Beaucoup peinent, usent leur vie sans savoir parfois que le Christ là, au tréfonds de leur vie, entretient une sève inconnue.

Chers amis, la vigne n’est pas seulement vigne d’hommes avec l’éclat bariolé de ses pampres, mais vigne de Dieu dont Jésus est le cep et son Père le vigneron.

2000 ans plus tard, l’immense vigne d’humanité prolonge la parabole. Il y en a eu, il y en a tant qui souffrent persécution pour la justice. La violence contre tout homme de bien, parfaitement innocent, le martyre, ne sont plus l’apanage des premiers chrétiens. Et les événements les plus horribles se présentent souvent dans l’indifférence de tous.

Toutes ces victimes, femmes, hommes et enfants sont la lumière de l’humanité, le phare dans la tempête où l’Eglise s’avance, confiante.

Ils sont la plus belle vendange, car le vin de la vigne de Dieu c’est le sang de son Christ dans son eucharistie, notre viatique d’éternité. Le vin capiteux qui nous enivre de sa force féconde, de son ferment d’amour.

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