Messe du 27e dimanche ordinaire

 

Abbé Jacques Cornet, à l’église Saint-Jean, Echallens, VD, le 7 octobre 2007
Lectures bibliques :
Habacuc 1, 2-3; 2, 2-4; 2 Timothée 1, 6-14; Luc 17, 5-10 – Année C

 


Dans notre monde tellement perturbé par la violence, par l’incertitude de l’avenir, par une conjoncture économique hésitante, par l’inquiétude face au réchauffement climatique, y a-t-il encore place pour l’espoir ? Mais je pense aussi à tous ceux dont les lendemains sont incertains, en raison d’une maladie grave ou de la précarité, du chômage, de difficultés conjugales et de tant d’autres situations qui ne laissent que points d’interrogation et inquiétudes. Ce sont des situations qui conduisent bien souvent à l’angoisse, et qui ne peuvent engendrer la paix du cœur, surtout si l’on se sent seul, sans soutien, sans personne à qui les confier.

Cette angoisse se reflète dans l’intervention du prophète Habacuc. Alors que le royaume de Juda se voit envahi par les Chaldéens, Dieu resterait-t-il sourd aux appels qui lui sont adressés ? Serait-il insensible aux malheurs de son peuple lorsque le juste est persécuté ? Aurait-il abandonné les siens ? La réponse de Dieu, qui n’exclut pas les malheurs de son peuple, est celle de la fidélité: « le juste vivra par sa fidélité ».

Récemment les médias se sont fait l’écho de lettres écrites par Mère Teresa de Calcutta: affrontée à tant de misère, à tant de souffrances de pauvres gens, Mère Teresa émet des doutes sur l’existence de Dieu: « Tout au fond de moi, il n’y a rien d’autre que le vide et l’obscurité » écrit-elle. Elle rejoint la question que beaucoup résolvent par l’athéisme. Cependant, Mère Teresa est restée fidèle à ce Dieu qui lui semblait absent. Elle a fait la même expérience que sainte Thérèse de Lisieux qui, dans les dernières années de sa vie a connu elle aussi le doute: « Que Jésus me pardonne si je lui ai fait de la peine, mais il sait bien que tout en n’ayant pas la jouissance de la foi, je tâche au moins d’en faire les œuvres » écrit-elle dans ses mémoires autobiographiques.

Aussi la demande des apôtres doit-elle être souvent la nôtre: « Seigneur, augmente en nous la foi ! » Car même si notre foi alimente notre vie, il faut bien avouer que dès que nous essayons de saisir la vie à pleines mains, très vite notre prise se relâche, car l’amour que nous voudrions y trouver ou y faire naître, même s’il est beau et généreux, ne vient pas à bout de la misère du monde.

Et la réponse de Jésus vient comme un constat ou comme un reproche: « La foi, si vous en aviez gros comme un grain de moutarde… » Oui, cette graine de moutarde qui, plantée en terre « devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel font leur nid dans ses branches » (Lc 13,19). Si notre foi en actes en avait la dimension, elle permettrait de faire des choses extraordinaires.

Car la foi est d’abord la rencontre de l’extraordinaire de Dieu, de ces manifestations de Dieu qu’Albert Chavaz a illustrées dans les vitraux de notre église.
Ce Dieu Créateur, à l’origine de toutes choses, dont l’œuvre est l’univers infini que l’homme ne cesse de découvrir au travers des siècles. Le psaume d’acclamation dont nous avons entendu quelques versets entre les lectures reconnaît en Dieu celui qui « tient en main les profondeurs de la terre, et les sommets des montagnes; à lui la mer, c’est lui qui l’a faite, et les terres, car ses mains les ont pétries »

Et ce Dieu tout-puissant prend chair en Jésus-Christ, « devenu semblable aux hommes, et reconnu comme un homme à son comportement » nous dit saint Paul (Ph 2,7). Par ses actes et par son enseignement, il nous fait découvrir la proximité d’un Dieu qui est tout amour et qui veut notre bien. Son incarnation exprime sa volonté d’être présent au milieu des hommes, leur apportant sa miséricorde, communiant à ses souffrances, l’appelant à la paix et à l’unité.

Son amour pour les hommes va jusqu’au don de sa vie: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » dit Jésus à ses disciples (Jn 15,13). Ce don de soi qui connaît son paroxysme dans la souffrance de la Passion et la mort sur la croix. « Tout est achevé » exprimera Jésus dans un dernier souffle (Jn 19,30). Dès lors, le Mal est vaincu, le salut est pour tous les hommes, la libération de toute servitude est réalisée, et la mort elle-même n’est plus qu’un passage à une vie autre. Car cette mort du Christ sur la croix n’est pas un anéantissement, elle est, paradoxalement, le triomphe de la vie qui se manifeste dans la résurrection du Christ. 

Merveille de ce Dieu qui se veut toujours présent au monde et se donne en nourriture. L’Eucharistie que nous célébrons et à laquelle nous communions, « c’est la vie divine tout entière qui nous rejoint et qui participe à nous sous la forme du Sacrement » (Benoît XVI, « Sacramentum caritatis » § 8). C’est de cette présence et de ce don du Christ que découle toute vie chrétienne: l’Eucharistie est d’une nécessité vitale pour notre foi.

C’est parce que Dieu fait de l’extraordinaire pour nous que notre adhésion de foi peut devenir une force qui peut faire l’impossible. L’apôtre Paul, dans sa lettre à Timothée, relève bien que « ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison ». Car la foi est d’abord la confiance en la puissance de Dieu et en son amour pour nous. Elle est accueil du don que Dieu fait de lui-même.

Toutefois, pour reprendre la réflexion de saint Jacques dans son épître, « Celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte » (Jc 2,17),la foi débouche sur l’action. Une action qui est d’abord transformation de sa propre vie qui doit se laisser envahir concrètement par l’amour de Dieu et du prochain. Une action qui devient aussi service et qui suppose, à la suite du Christ, un engagement de soi-même pour les autres.

C’est en ce sens que la brève parabole de l’évangile nous fait comprendre que nous demeurons de simples serviteurs qui n’ont pas à attendre une reconnaissance particulière du Maître: « Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous: nous sommes de simples serviteurs: nous n’avons fait que notre devoir ».

Mais c’est peut-être là que va résider toute notre joie: trouver dans le projet de Dieu sur chacun de nous le plus beau sens à toute notre vie.

 

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