Messe du 26ème dimanche ordinaire

 

Chers frères et sœurs, 

Chanoine Olivier Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 30 septembre 2001
Lectures bibliques : Amos 6, 1-7; 1 Timothée 6, 11-16; Luc 16, 19-31

J’ai eu la chance d’accompagner cet été un groupe d’une douzaine de jeunes pour un magnifique voyage à Madagascar. Avant de faire la route vers le Nord pour aller y vivre un camp interculturel avec des jeunes malgaches, nous avons visité Antananarivo, la capitale. L’agréable soleil faisait chatoyer les belles couleurs à dominante rouge de la ville, et cet après-midi-là, sœur Marie-Claire, notre guide, nous conduisit visiter le Centre Énergie dirigé par deux spiritains français au service des jeunes de la rue.

Puis ce fut le choc ! Sur le chemin du retour, entre l’Alliance française et l’hôtel Hilton, nous avons longé une voie de chemin de fer qui court le long d’un canal nauséabond. Là habitent plusieurs milliers de personnes dans de misérables cahutes de carton et de plastic. Et devant chacune de ces « maisons », il y avait un vieillard ou une maman entourés des quelques enfants qui vivent là misérablement au milieu de déchets, dans une saleté incroyable.

Les religieuses malgaches qui nous accompagnaient nous ont permis d’échanger quelques mots avec ces gens ; de jouer, danser et chanter avec les enfants. Mais le soir, dans nos logements très convenables, au moment où nous nous demandions s’il nous était encore possible de dormir dans un lit propre après avoir vu tant de pauvreté et de misère, nos accompagnatrices malgaches nous surprirent en nous rapportant les commentaires de ces pauvres gens : Plusieurs s’étaient dits très honorés que des étrangers soient passés pour les saluer et leur parler.

Des gens couverts de haillons qui vivent dans des maisons de carton tout près du Hilton ! Vous comprendrez donc, chers amis, que lorsque j’ai commencé à méditer sur la parabole de l’Évangile d’aujourd’hui, cette image se soit imposée à mon esprit.

Mais reste la question. Comment supporter cette injustice omniprésente ? Partout dans le monde, des riches de plus en plus riches exploitent, en les ignorant, des pauvres de plus en plus pauvres. Et nous voyons des pays très puissants spolier des pays très misérables, allant jusqu’à subventionner certains régimes politiques injustes pour maintenir artificiellement un équilibre politique permettant d’asservir encore plus des pays déjà très pauvres.

Faut-il donc oublier, fermer les yeux ou tout simplement se résigner à ce monde si mal partagé ?

Nous pourrions, comme l’a fait la tradition, qualifier le riche de mauvais : « la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche. »

Mais ce serait trop simple ! Tous les riches seraient mauvais, et tous les pauvres seraient bons. En fait, l’évangile ne se permet pas de qualifier ce riche de mauvais. C’est un homme qui a eu la chance de naître dans la richesse. Un homme religieux, qui connaît Abraham et qui a le souci de ses cinq frères.

Mais la parabole va nous montrer que le vrai pauvre n’est pas celui que l’on pense.

— Oui, pauvre riche que cet homme qui n’a même pas de nom ! Il est pris au piège des plaisirs et ne voit plus que son nombril. Aveuglé par ses biens terrestres au point de ne plus voir qu’un pauvre est couché devant son portail, alors que les chiens eux-mêmes en ont pitié. Passant de festin en festin, il n’a pas le temps de poser son regard sur le monde qui l’entoure. Rien ne semble l’intéresser que son bien-être. Et tout le sépare du pauvre Lazare dont le nom signifie « Dieu aide ».

Même la mort qui devrait être commune aux deux introduit une nouvelle opposition. Lazare est emporté par les anges auprès d’Abraham, alors que le riche est enterré dans le séjour des morts.

C’est à ce moment-là que le riche reconnaît celui qu’il n’avait jamais remarqué de son vivant. Il a fallu la mort pour que ses yeux s’ouvrent ! Pour qu’il se convertisse, qu’il se rende compte de l’injustice de sa situation et qu’il pense à avertir ses cinq frères de ne pas venir dans ce lieu de torture.

Et nous voilà enfin, chers frères et sœurs, à la pointe de cette parabole. Il ne s’agit pas tant pour Jésus de condamner les riches que d’inviter à une conversion urgente et, pour cela, à écouter Moïse et les prophètes.

Oui, frères et sœurs, sachons écouter ; et laisser la Parole de Dieu nous transpercer le cœur. Il y a urgence à nous convertir avant qu’il ne soit trop tard pour notre salut, avant que le monde ne meure d’injustice.

Sachons écouter la clameur des pauvres qui crient vers Dieu. Ils ont un nom, un visage et une existence, ils sont aimés de Dieu ! Sachons au moins les regarder, leur parler, les faire exister dans notre cœur, ils ont le visage du Christ.

Pour que le monde change, il suffit que chacun entrouvre un peu la forteresse de ses fausses richesses pour s’ouvrir à la douceur.

Les jeunes de mon groupe à Madagascar ont fait beaucoup de bien à ces pauvres gens en leur apportant très peu : un minimum d’attention, quelques mots et quelques sourires. Ce n’est pas beaucoup, mais cela a suffi pour apporter un peu de bonheur et de douceur.

Pour vivre en disciples du Christ, écoutons saint Paul : « Toi l’homme de Dieu, cherche à être juste et religieux, vis dans la foi et l’amour, la persévérance et la douceur. »

Quelle belle consigne, que je nous laisse, chers frères et sœurs ! Vivre dans la douceur… et dans l’amour… pour être des hommes et des femmes de Dieu, aujourd’hui et pour l’éternité.

Amen.

 

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