Messe du 23ème dimanche ordinaire

 

Père Yves Carron, au monastère de la Visitation Ste-Marie, Fribourg, le 9 septembre 2001
Lectures bibliques : Sagesse 9, 13-18; Philémon 9-17; Luc 14, 25-33

« De grandes foules faisaient route avec Jésus… »

Chers amis, sachant ce que nous savons de Jésus, de sa vie, de son message, n’est-il pas tout à fait normal que ces grandes foules fassent route avec lui ? C’est plutôt le contraire qui serait étonnant. Comment en effet la personnalité de Jésus laisserait-elle indifférents ses contem-porains ? N’est-il pas « celui qui parle avec autorité », qui guérit les malades, qui chasse les esprits mauvais ? Ne dit-on pas de lui qu’il est l’envoyé de Dieu, qu’il pourrait libérer son pays de l’occupation romaine et rétablir la royauté promise par Dieu à David ?

Vingt siècles plus tard, il arrive encore que de grandes foules, séduites par la personnalité de certains hommes ou de certaines femmes, que de grandes foules donc fassent route avec elles ou eux. Confiantes dans la promesse d’un monde meilleur, d’une vie plus heureuse, d’une humanité enfin pacifiée, ces foules sont prêtes à vivre une vie exigeante pour être à l’écoute de ces hommes ou de ces femmes d’exception. Oui, mais … malheu-reusement, ces histoires-là ne sont pas des contes de fées, elles se terminent souvent mal. Elles se terminent mal, parce que les gens s’aperçoivent qu’ils ont été trompés, que leur liberté – et même leur argent – leur ont été volés, que la vie privée de leur « maître à penser » s’accorde bien peu avec son message.

Alors, chers amis, relisons cette page d’Evangile que la liturgie propose aujourd’hui à notre méditation. Relisons-la pour nous apercevoir que, si elle nous paraît rugueuse au premier abord, elle est porteuse d’un message de liberté et de joie. Ce que Jésus nous propose, c’est de faire des choix pour que notre vie s’accorde davantage à la sienne. Jésus nous propose trois choses : d’abord, d’être capables de regarder plus loin que nos liens familiaux, ces liens du sang qui nous sont si chers. Deuxièmement, d’être capables d’assumer des situations de souffrance et de contradiction. Troisièmement, d’être capables de nous détacher de nos biens matériels. Par trois fois, il s’agit donc de renoncer à quelque chose, et quelque chose de légitime, pour devenir disciples de Jésus, pour trouver la liberté et la joie que nous procurent le compagnonnage avec le Fils de Dieu.

La question que nous pouvons nous poser ici est la suivante : les exigences qui sont celles de Jésus aujourd’hui conduiraient-elles à faire de ses disciples une élite, un petit groupe de favorisés ? Non, nous dit l’Evangile. Non, nous dit l’Eglise. Les exigences de Jésus, nous les portons inscrites au plus profond de notre être, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu; nous les portons spécialement en nous qui sommes baptisés, Qu’est-ce que le baptême, en effet, sinon ce qui inscrit dans notre être de chair cet appel à suivre Jésus, dans l’Esprit Saint, pour aller vers le Père. Rappelons-nous la parole prononcée solennel-lement sur nous par le prêtre ou le diacre qui nous a conféré le sacrement du baptême : après avoir rappelé le prénom choisi par nos parents, il nous a dit : Je te baptise, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

« Je te baptise au nom du Père », c’est-à-dire je te fais entrer dans la famille des enfants de Dieu, une famille aux liens plus profonds et plus solides que ceux qui t’unissent à ta parenté naturelle. « Je te baptise au nom du fils », c’est-à-dire je te rends participant de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu, lui qui t’entraîne sur le chemin d’une vie donnée par amour. « Je te baptise au nom du Saint Esprit », c’est-à-dire je demande à Dieu de te remplir de son propre souffle de vie, une vie tournée vers les réalités d’en-haut. Préférer le Christ à notre famille humaine, c’est donc élargir notre sens de la famille aux frontières de l’Eglise, famille sans barrières de race et de culture. Prendre sa croix, c’est faire de notre vie un chemin de Pâques, au bout duquel l’amour est victorieux du mal et de la souffrance. Renoncer à nos biens matériels, c’est opter résolument pour une vie vraiment spirituelle, tendue vers le Royaume de Dieu.

Finalement, devenir disciples de Jésus, c’est faire le choix de vivre « à fonds » notre baptême, de permettre à ce qui a été mystérieusement semé en nous de germer, de grandir et de porter du fruit. C’est précisément ce que nous demanderons tout à l’heure dans la troisième prière eucharistique : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire », autrement dit que l’Esprit Saint nous configure, nous rende toujours plus conformes, toujours plus ressemblants au Dieu-Trinité dont nous portons déjà la marque. Que l’Esprit Saint nous donne la force de faire les choix que Jésus attend de nous pour nous rendre toujours plus libres, toujours plus heureux.
Amen

 

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