Messe du 23e dimanche ordinaire

 

Chanoine Jean-Paul Amoos, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 10 septembre 2006
Lectures bibliques : Isaïe 35, 4-7; Jacques 2, 1-5; Marc 7, 31-37 – Année B

« ”effata” » – « ouvre-toi »

Mes frères, mes sœurs,

Il y a, dans l’Evangile de saint Marc, deux expressions qui sont certes traduites, mais qui demeurent en araméen dans le texte : “Effata” et “Talita koum”.

Le mot “effata”, ouvre-toi, Jésus le prononce, nous venons de l’entendre, lorsqu’on lui demande la guérison d’un sourd-muet.

L’expression “Talita Koum” – jeune fille lève-toi – est formulée par Jésus lorsqu’il arrive chez Jaïre et qu’il appelle à la vie l’adolescente entrée dans le sommeil de la mort.

“Effata” – “Talita Koum” sont restés dans le texte comme deux sésames, deux mots de passe qui donnent à l’homme de vivre en relation et qui mettent l’homme debout; qui font de l’homme un être vivant et une personne de communion.

Si l’expression “Talita Koum” n’est pas utilisée dans liturgie sacramentelle, par contre, le mot “effata” a sa place lors de la célébration du baptême. Mais, mêlé à d’autres rites, il passe souvent inaperçu. Et pourtant, il mérite bien sa place !

Au IVème siècle déjà, saint Ambroise, évêque de Milan, parlait de ce rite de la manière suivante :

« Qu’avons-nous fait samedi ? disait-il : l’ouverture. Ces mystères de l’ouverture, on les a célébrés quand l’évêque t’a touché les oreilles et les narines. Qu’est-ce que cela veut dire ? Notre Seigneur Jésus-Christ, dans l’Evangile, quand on lui a présenté un sourd-muet, lui toucha les oreilles parce qu’il était sourd, la bouche parce qu’il était muet. Et il lui dit : “effata” ». C’est un mot araméen qui veut dire : « ouvre-toi ». L’évêque t’a touché les oreilles pour qu’elles s’ouvrent à sa parole et à son discours. Il t’a touché les narines pour que tu respires et traduises dans ta vie la bonne odeur du Christ ».

Lors des baptêmes, je tiens à mettre évidence le rite de l’“effata”. Lorsque je pose mes mains sur les oreilles de l’enfant, je lui dis “effata” – ouvre-toi – à la Parole de Dieu et aux paroles aimables de tes parents; ouvre-toi au sens de ta vie. En imposant les mains sur sa bouche, je lui dis : proclame la grâce d’être aimé, dis au monde la joie de vivre et traduit en louange l’amour de Dieu.

Puis, me tournant vers les parents, parrains et marraines, je les invite à tout mettre en œuvre pour que l’enfant puisse réaliser ce beau programme.

Certes, lors du baptême d’un bébé, on pourrait dire : « pourquoi ces signes, pourquoi ce mot “effata” puisque l’enfant n’entend ni ne comprend ce que le prêtre ou le diacre lui disent ? » Oui, si l’enfant n’est pas encore en mesure d’entendre ce qui lui est dit, pas plus qu’il ne comprend les mots : « je te baptise au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, » c’est à nous les adultes d’être les témoins et les promoteurs de l’engagement pris pour lui. En demandant le baptême, les parents désirent une vie nouvelle pour leur enfant, la vie du Christ. Une fois cette vie nouvelle donnée, l’Eglise confie aux parents l’épanouissement de cette vie. Un peu à la manière de Jésus qui, lorsqu’il rend la vie à la fille de Jaïre, dit au père : « donnez-lui à manger ».

Il n’y a pas si longtemps que ça, en Europe, combien d’enfants mourraient en bas âge. Aujourd’hui, toujours dans nos pays, fort heureusement, vu la qualité des soins, les cas sont rares. Mais, peut-on en dire autant pour les baptisés ? Il semble même qu’on assiste une inversion… de tendance. Combien d’enfants baptisés, faute de nourriture spirituelle, de prière parentale et d’exemple n’ont pas la chance d’une rencontre personnelle avec Dieu. Ils se dessèchent bien avant d’avoir pu entendre et proclamer le mystère de Dieu.

Nous tous chrétiens, nous avons à le dire ce mot “Effata” ; non pas du bout des lèvres, mais dans la vigueur de la foi. A le dire pour nous-mêmes et pour tous ceux qui sont sur notre route.

Le miracle opéré sur le sourd-muet nous invite à prendre conscience de nos aveuglements, surdités ou mutismes, qu’ils soient physiques, psychiques et spirituels.

« Ouvre-toi » !
L’oreille, est, ou devrait être, la porte ouverte sur les autres, sur la vérité, l’amitié sur la communication.

« Ouvre-toi » !
La bouche est, ou devrait être, le canal qui donne à chacun la grâce d’offrir à l’autre la Parole de Vérité, la Parole de vie.

La guérison d’un sourd-muet anonyme apparaît comme une parabole de la guérison d’une autre surdité, de cette surdité qui rend l’homme imperméable à la Parole de Dieu et d’un mutisme, mutisme qui l’empêche de témoigner du mystère du salut. Deux grandes infirmités que seule la grâce peut guérir.

Le sourd-muet, a été conduit à Jésus afin qu’il s’ouvre à la vie et à la relation. Sachons à notre tour, soit conduire soit être conduits vers le Seigneur afin qu’il puisse “ouvrir” nos oreilles, pour nous rendre “dociles”, comme Marie qui, ayant accueilli le mystère de l’amour de Dieu sur l’homme, gardait tout en son cœur et le méditait. Et « ouvrir » nos lèvres pour nous permettre, comme Marie, de célébrer le Magnificat, de dire les merveilles de Dieu.

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