Messe du 22e dimanche ordinaire

 


Père Jean-Blaise Fellay, à Notre-Dame de la Route, Villars-sur-Glâne, le 3 septembre 2006
Lectures bibliques : Deutéronome 4, 1-8; Jacques 1, 17-27; Marc 7, 1-23 – Année B


«Vous lavez les plats et la coupe…»

quand Jésus adresse cette pointe aux Pharisiens, il ne fait pas une critique des mœurs de table ou de la propreté.

C’est très bien de laver plats et coupes et de se passer les mains sous l’eau avant un repas.
Ce que reproche Jésus c’est de sacraliser ces pratiques et d’abaisser le religieux à des obligations extérieures. Or c’est le cœur qui est prioritaire.

Jésus n’arrête pas d’insister là dessus: c’est de nous, c’est du dedans que viennent les mauvaises pensées, regards torves, sentiments jaloux, haines viscérales, mélancolies irrépressibles, scepticisme et dégoût de vivre.
Si le mal est en nous, comment nous protéger?

Excellent de faire la vaisselle et de changer la nappe, mais quelle plaisir vais-je prendre au repas si je nourris de noires pensées contre mes voisins de table?
Il faut que je nettoie mon cœur avant de m’asseoir.

Je dois me réconcilier avec mon frère avant de manger avec lui
Je dois m’interroger moi-même avant de charger les autres
Me changer moi-même avant de vouloir les changer.

Parce que si le bien se définit une règle externe,
je deviendrai nécessairement persécuteur. Je vais insister pour que mon entourage s’y conforme.
Or, nous avertit saint Jacques, si tu juges ton prochain, tu es juge de la loi, et non plus son serviteur.
Bonne et sainte en soi, poursuit saint Paul, la loi devient alors un instrument de mort,
une lettre qui tue, une parole qui te surplombe pour te condamner.
Toi pour damner les autres, et les autres pour te damner.

Or la loi est faite pour la vie et non pour la mort.
Ne pas tuer, ne pas blesser l’autre, d’accord, Moïse le disait déjà,
Mais ne pas même l’injurier, ne pas lui vouloir du mal,
laver son cœur de ses colères, de ses hargnesde ses désirs de possession, de son orgueil, de ses rêves de puissance
Car c’est cela qui nous rend dangereux
Pour nous-même et pour les autres.

L’homme de pouvoir et de violence trahit son déséquilibre, son suicidaire malaise.
Celui qui blesse l’autre se blesse toujours lui-même et démontre que sa blessure originelle suppure encore.

Se laver de l’envie, de la jalousie ne se fait pas en un jour.
Quand un plat à gratin est resté longtemps au four,
il ne suffit pas de passer une éponge pour le nettoyer.
Il faut souvent le laisser tremper une nuit entière avec un détergent
Puis, on peut, le lendemain, attaquer les croûtes ramollies et les gratter au couteau.

Nos vieilles haines sont souvent recuites, il faut de vigoureux produits pour les dissoudre et plus d’une nuit pour les attendrir.
Encore faut-il que nous ayons un réel désir de changer
Et que nous ayons pris connaissance de nos défauts
Tant que nous nions nos blessures nous n’avons aucune chance de les guérir.

Guérir, changer,
nous débarrasser de nos vieilleries,
des rancunes qui nous isolent
Retrouver l’esprit d’enfance, la clarté du regard,
La capacité de chanter et de se réjouir.…

Si nous ne revenons pas à cette simplicité native, nous ne connaîtrons pas le Royaume.

Mais pour cela, il faut savoir pardonner,
Pardonner… non pas une fois, pas deux fois,
Pas même sept fois, mais septante-sept fois sept fois
C’est-à-dire indéfiniment.…

Certains voient là une faiblesse.
D’autres une vertu héroïque, une générosité sublime,
Moi, je pense que c’est une libération
Une porte ouverte, un chemin de salut.

L’esprit d’enfance, qui est l’esprit même de Dieu,
Se relève chaque jour, neuf et frais comme l’aurore.
C’est un regard confiant vers l’avenir
détaché du passé,
oubliant revendications et rancœurs.

Ainsi le gamin, qui, les larmes à peine séchées, se remet à courir dans le pré.
Triomphe du présent sur le passé.
Création nouvelle pour un jour nouveau.

Le pardon, c’est renaître.
Il faut pardonner pour se pardonner et être pardonné
La miséricorde du Père ne peut rien,
si nous sommes incapables de le faire.

Voilà le nettoyage du cœur à reprendre chaque jour.
Avant chaque repas, avant chaque rencontre.
Mais il ne suffit pas de décrasser, il faut donner de l’éclat
La publicité le souligne: un verre de cristal doit étinceler.
Il faut que notre âme soit belle
Elle doit avoir de la grâce.

J’aime bien le double sens de ce mot :
Il exprime à la fois l’élégance et la générosité
On parle d’un don gracieux, comme d’une démarche élégante.

Belle et resplendissante
ainsi apparaît une âme touchée par la grâce.

Mais pour accéder à ce niveau, il ne suffit pas de frotter, il faut s’ouvrir à Dieu,
l’Esprit saint doit apporter sa touche de lumière.

Nos blessures sont trop profondes, nos haines trop bien enracinées
que nous puissions les guérir par nos propres efforts
Il nous faut un bain d’amour,
il nous faut être plongés dans une tendresse surnaturelle
pour nous détendre, nous apaiser et nous rétablir.

Alors de notre cœur tomberont comme des écailles
les lèpres de notre passé.

Parons la table des noces, faisons reluire l’argenterie
mais d’abord purifions et faisons briller notre cœur,
Un cœur lavé de la haine,
guéri jusqu’au fond de lui-même
et gonflé de l’amour divin.

C’est la grâce que je demande pour nous tous aujourd’hui :
devenir beaux et resplendissants
par une lumière qui vient de l’intérieur,
par la lumière qui vient du Seigneur.
Amen.

 

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