Messe du 20ème dimanche ordinaire

 

 

Frère Amédée Emaulaz, au monastère des Bernardines, Collombey, VS, le 19 août 2001

Lectures bibliques : Jérémie 38, 4-10; Hébreux 12, 1-4; Luc 12, 49-53

UN PARADOXE

« Je suis venu apporter un feu sur la terre … Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division » !
De la part de Jésus, qui porte le titre de ‘Prince de la Paix’, et cela d’une manière unique, ces propos sont déconcertants ! Nous avons tellement dans la tête que Jésus veut la paix et qu’être chrétien c’est être « artisan de paix », que nous sommes vraiment déroutés, voire choqués lorsque Jésus déclare qu’il est venu jeter le feu, la division, dans le monde. Jésus, pyromane ! Jésus, diviseur ! Comment cela est-il donc compatible avec ses propres paroles du style « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9) et avec des consignes du genre : « Recherchez la paix avec tous » (He 12, 14). Puisque nous ne pouvons pas imaginer que Jésus soit incohérent et qu’il puisse vraiment vouloir autre chose que la paix, cherchons donc à comprendre ce qu’il nous signifie lorsqu’il déclare qu’il est venu mettre la division.

LA PAIX DU CHRIST N’EST PAS TRANQUILLITÉ

Rappelons-nous qu’avant d’entrer dans le mystère de sa Pâque, Jésus nous a confié : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27). Jésus nous a promis autre chose que la paix à la façon du monde. Celle-ci est souvent simplement synonyme d’absence de conflit (et ce n’est déjà pas si mal !). Pensez aux expressions courantes : ‘Fichez-moi la paix !’ ou ‘Vivre en paix avec ses voisins’. C’est fréquemment la paix des cimetières, obtenue à force de concessions, de compromis, de démissions. Un état de calme fondé plus ou moins sur la recherche égoïste de sa tranquillité. Le Christ veut bien autre chose que cette paix superficielle, étrangère à la vérité et à l’amour. « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! ».

UNE PAROLE QUI DÉRANGE ET DIVISE

Pour comprendre en quoi Jésus est venu mettre la division, il nous suffit de considérer l’aventure du prophète Jérémie, qui nous a été rapportée dans la première lecture. Jérémie est un prophète. C’est-à-dire quelqu’un qui parle au nom du Seigneur. Il ne profère pas une parole lénifiante, mais une parole de vérité et de vie. Il parle pour le bien des hommes. Aussi ne dit-il pas que des choses agréables à entendre. Il dénonce en effet le manque de foi et provoque la conversion. Une telle parole bouscule, dérange, remue en profondeur. Dès lors, deux solutions s’offrent à l’auditeur d’une telle parole. Ou bien il obéit à la Parole de Dieu : il se détourne du mal et se convertit. Ou bien il s’obstine dans son refus de conversion. Et cela le conduit alors tout naturellement à chercher à faire taire celui qui le dérange en dénonçant sa conduite mauvaise. C’est bien ce que font les chefs de Jérusalem. Après avoir mis Jérémie en prison, ils le jettent dans une citerne desséchée afin qu’il y trouve la mort.

En contemplant la figure du prophète Jérémie, considérons comment celle-ci annonce Jésus … Jésus, c’est la Parole qui se fait chair. C’est Dieu lui-même qui nous rejoint pour nous sauver. Or l’humanité se comporte envers Jésus comme envers Jérémie. Les uns disaient : « Que cet homme soit mis à mort ! ». D’autres crieront : « Qu’il soit mis en croix ! » (Lc 27, 22.23). Alors, nous saisissons bien maintenant ce que Jésus signifie lorsqu’il déclare qu’il est venu mettre la division entre les hommes. Face à Jésus, nous devons prendre parti pour ou contre. Ou bien nous le reconnaissons comme Fils de Dieu sauveur, nous mettons notre foi en lui et décidons de le suivre et de vivre en enfants de lumière. Ou bien nous le refusons, nous le rejetons.

Ainsi, il est vrai que Jésus par sa personne provoque la division : combien de personnes rencontrent des difficultés dans leur entourage en raison de leur foi ! Tel enfant dont on se moque parce qu’il va au catéchisme et à la messe. Telle jeune fille dont la vocation religieuse est refusée par les parents. Tel employé qui perd son travail parce qu’il refuse des compromissions au nom de sa foi. Tel autre qui connaît des brimades ou ne peut accéder à certains postes parce qu’il est chrétien. Et combien de chrétiens sont persécutés, emprisonnés, voire torturés et assassinés, à cause de leur attachement à Jésus !

LE REGARD FIXÉ SUR JESUS VAINQUEUR

Face à ces épreuves, nous recevons « l’exhortation », des paroles d’encouragement, celles de la Lettre aux Hébreux (cf. 12,5). Son auteur utilise une image, chère à saint Paul (cf. 1 Co 9, 24-27), et qu’il nous est facile de saisir lorsqu’il compare la vie du chrétien à la course dans un stade : « Courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée ». Or, pour bien courir, il faut être léger, nous débarrasser « de tout ce qui nous alourdit et d’abord du péché qui nous entrave si bien ! ». Pour bien courir, il faut être soutenu et entraîné par d’autres coureurs : « Ceux qui ont vécu dans la foi, foule immense de témoins, sont là qui nous entourent ». Pour persévérer dans l’effort et l’espérance de la victoire, il faut un champion qui nous ouvre la route. C’est pourquoi l’auteur de la Lettre aux Hébreux nous recommande d’avoir « les yeux fixés sur Jésus qui est à l’origine et au terme de notre foi ». Car Jésus est le grand vainqueur. Celui qui « a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix » est maintenant « assis à la droite de Dieu, il règne avec lui ».

Lorsque nous sommes tentés de céder au découragement et de fuir l’hostilité, la Lettre aux Hébreux nous presse de méditer « l’exemple de Jésus ». Lui qui a connu l’épreuve jusqu’au sang versé, est ressuscité, dominant définitivement le péché et la mort. Comme autrefois le roi Sédécias avait laissé jeter Jérémie dans la citerne, Dieu le Père a abandonné Jésus entre les mains des hommes. Il nous a laissé la liberté de le conduire à la mort. Ainsi Jésus est-il descendu jusque dans notre fange, jusque dans les profondeurs de la mort où nous plonge le péché. Mais aussi, tout comme le roi ordonne de retirer le prophète Jérémie de la citerne et le sauve de la mort, de même, Dieu le Père a envoyé l’Esprit Saint pour ressusciter Jésus et le tirer « de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue » (Ps 40 [39], 3).

« MAIS CONFIANCE : MOI, J’AI VAINCU LE MONDE » (Jn 16, 33)

Le chrétien, c’est celui qui, comme Jésus, doit désirer de tout son cœur répandre sur terre le feu de l’amour authentique. Cette mission est exigeante. On ne peut pas être chrétien à moitié. « Qui n’est pas avec moi est contre moi » (Mt 12, 30). Il faut choisir de s’engager pleinement avec lui ; accepter d’afficher sa foi et de la défendre lorsqu’elle est attaquée ; ne pas reculer devant les humiliations ; ne pas craindre l’hostilité.

Pour cela, il convient, d’une part, de réaliser que la division rencontrée par les disciples a été annoncée par Jésus lui-même. D’autre part, il s’agit de faire confiance à l’Esprit Saint, de ne jamais oublier la promesse de Jésus : « Je prierai le Père : il vous donnera un autre Défenseur, l’Esprit de vérité, qui restera avec vous pour toujours » (Jn 14, 16). Et lorsqu’on vous livrera, « ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,19-20).

 

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