Messe du 20ème dimanche ordinaire

 


Abbé Marc Donzé, au Foyer des Dents du Midi, Bex, le 19 août 2007
Lectures bibliques :
Jérémie 38, 4-10; Hébreux 12, 1-4; Luc 12, 49-53 – Année C

  « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? »,dit Jésus. Non, je vous le dis, mais plutôt la division.
Cette parole nous heurte, c’est évident. Il faut pourtant essayer de lui trouver un sens… puisque dans l’Ecriture, il n’y a à peu près aucune parole inutile.

Quand Jésus est né, on l’a proclamé Prince de la Paix. Il portait donc un grand espoir de paix. Dans son enseignement, il a dit – entre autres paroles – : Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Dans le discours qui précédait sa mort sur la croix, dans un moment très solennel, il a dit encore : je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne.

Aucun doute n’est permis : la tonalité principale du message de Jésus est une tonalité de paix. Encore faut-il savoir de quelle paix il s’agit, puisqu’elle n’est pas comme celle que négocient laborieusement les nations.

La paix qu’annonce et qu’apporte Jésus est double. Elle comporte deux facettes.
C’est d’abord la paix avec Dieu lui-même. Elle est faite d’harmonie, de joie, de lumière et, quand il le faut, de réconciliation, de restauration, de re-création. Dieu la met en moi. Il est même dans l’impatience de la mettre en moi, si je veux bien l’accueillir.
Le deuxième aspect, c’est la paix entre les hommes. Cette paix est faite de profond respect de la dignité de chaque homme et de chaque peuple. Elle est faite de justice. Elle est faite encore d’une recherche constante – et j’allais dire : aimante – de fraternité. C’est dire combien elle est exigeante et difficile.

Et c’est là précisément que les choses peuvent se gâter. Je peux vouloir la paix, je peux y mettre toute mon énergie… et les autres en face ne l’acceptent pas, car elle va contre leurs convictions, contre leurs préjugés, contre leurs intérêts.
Alors patatras : je fais initiative de paix… et je me ramasse des divisions, voire des conflits ou des guerres.

Un exemple historique permet d’illustrer cela : Je le prends chez Gandhi, qui, vous le savez, n’est pas chrétien…mais, peu importe, il est si proche des Béatitudes; il en est si fortement inspiré. Gandhi voulait la paix pour les peuples de l’Inde. Mais pas à n’importe quel prix. Il voulait l’indépendance pour que les peuples de l’Inde aient accès, dans la justice, à leur légitime dignité, à leur légitime auto-détermination. Ce chemin de dignité, de justice et de paix, il l’a combattu avec les armes de la non-violence. Elles permettent de respecter l’adversaire, tout en dénonçant l’injustice dont il est la cause. Elles permettent même de faire confiance à l’adversaire, qu’il pourra un jour changer et entrer dans la perspective plus respectueuse des hommes et des peuples. Gandhi a obtenu grâce à son action, son engagement, ses jeûnes héroïques, l’indépendance de l’Inde, mais il eût voulu aussi obtenir l’unité de l’Inde. Il se trouve qu’il y avait beaucoup de divisions dues aux castes, à la religion, aux intérêts économiques,… et Gandhi, dans des circonstances troubles et glauques fut assassiné. Il avait semé la paix, mais la division était restée présente elle aussi.

N’en est-il pas de même – à fortiori – de Jésus-Christ. Par toute sa vie, il a voulu la paix. Amis : elle n’a pas toujours été reçue ! Comme le dit saint Jean : « la lumière est venue dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue ».

Dès lors, Jésus, le Prince de la Paix, a subi les contrecoups des intérêts divergents – et souvent hautement injustes et accapareurs – des sadducéens, des Pharisiens, sans parler des Romains. Le Prince de la Paix a, hélas, récolté la division jusqu’à la mort. Malgré lui. En dépit de lui.

Les premiers chrétiens firent la même expérience que Jésus. Quand, avec ferveur, avec flamme, avec foi, ils essayèrent de vivre la paix véritable ; ils se heurtèrent à beaucoup d’inimitiés, voire de persécutions.

C’est pourquoi, la phrase de Jésus (Pensez-vous que je sois venu mettre la paix. Non, mais la division) correspond à une expérience concrète. Elle n’est pas une théorie. L’artisan de paix voit son élan se renverser en division, car sa paix n’est pas reçue.
N’est-ce pas vrai encore aujourd’hui, pour nous, quand nous voulons vraiment  être des artisans de paix ?

Essayer de  réclamer  des salaires plus justes pour ceux qui deviennent des working poor ! Essayer de demander que l’on traite les requérants d’asile selon la dignité de la personne ! Essayer de dire que la course au profit maximum est pavée d’injustices et s’avère irresponsable dans notre monde limité. Essayez plus simplement de mettre la paix, la concorde, la fraternité dans les relations.
Essayez ! vous ne recevrez pas que des félicitations.
Vous le faites avec des motifs évangéliques : artisans de paix ; affamés et assoiffés de justice. Votre intention est bonne, voire pure. Et vous allez hélas récolter des bouts de division, comme l’avait annoncé Jésus.

Que cela ne vous (nous) empêche pas d’être artisans de paix jusqu’au bout, à l’instar de Jésus-Christ. Il nous en donne la force.

Le chrétien est un combattant qui puise sa force dans la prière. Lutte et contemplation, disait frère Roger de Taizé, avec justesse.
Que rien ne nous décourage sur le chemin des Béatitudes.
Amen

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