Messe du 1er dimanche de l’Avent

 

Abbé Bernard Jordan, au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, CHUV, Lausanne, le 27 novembre 2005
Lectures bibliques : Isaïe 63, 16 – 64, 7; 1 Corinthiens 1, 3-9; Marc 13, 33-37 – Année B

Chers amis,


Vous avez été, quelque peu effrayés, peut-être, en entendant cette parole de l’évangile « Prenez garde, veillez, car vous ne savez pas quand viendra le moment. » Nous pensons spontanément à la mort et à faire ce reproche à Dieu: « Pourquoi aurais-tu un malin plaisir à nous surprendre, à nous faire peur pour nous piéger ? » Ce Dieu là ne serait pas le nôtre, ce n’est pas celui que nous rencontrons ensemble ce matin à l’hôpital.

C’est vrai que le Seigneur nous dit « prenez garde, soyez attentifs car chaque événement peut nous faire du bien, peut nous faire grandir, peut nous faire connaître le sens de notre propre vie, car les « bof » et les « à quoi bon » ne mènent nulle part, ils nous isolent et nous rendent aigris.

Ce séjour à l’hôpital, qui vous a été imposé, peut donc changer quelque chose d’important dans votre vie, sur la manière de comprendre votre vie, celle des autres, de comprendre une réalité de plus sur Dieu. Nous n’y pensons pas assez, je dis « nous » car cette expérience peut arriver à chacun, tôt ou tard. Il y a quelques années, j’étais à votre place, ici, sur un lit, je me souviens qu’une douleur avait été tenace durant 2 ou 3 jours si bien que ma prière se résumait ainsi : « Seigneur, tu existes, moi aussi, amen. » Vous me direz, c’est bien pauvre comme prière pour un prêtre, je l’avoue ; mais on m’a dit par la suite que ce n’était pas si mal déjà, donc cela peut vous encourager. Ce n’est pas lorsque la douleur est agressive que je suis invité à refaire le monde, ou à écrire un livre de prières.

La douleur doit être combattue à tout prix, reste la souffrance, la souffrance de se sentir démuni devant ce qui arrive. La maladie me déstabilise. Mon corps ne réagit plus comme je le désire, j’ai du interrompre mon travail, avec toutes les conséquences que cela supposent, je me sens inutile…. et je pourrais continuer, alors que faire ? Que je sois croyant ou pas, je dois répondre à cette question, que faire ?

Tout d’abord j’ai besoin d’être accompagné, j’ai besoin de compter sur quelqu’un en qui j’ai confiance, sur quelqu’un qui peut entendre ma révolte,quelqu’un qui respecte mon silence, quelqu’un qui ne me juge pas, ainsi petit à petit je réalise que je suis encore, moi aussi, quelqu’un, même si je n’ai plus de cheveux, après une chimio, même si je suis amputé d’un pied, même si je dois prendre des remèdes jusqu’à la fin de ma vie. Ainsi, je suis entré dans l’apprentissage de la confiance, je suis entré dans le temps de l’Avent, dirais-je, car il y a du nouveau qui vient, du nouveau qui va venir.., un nouveau Noël se profile à l’horizon.

Ainsi malgré mon handicap, je peux remarquer combien l’amour des miens m’est important,combien la senteur d’une rose me fait du bien,combien la nature est une bible ouverte devant moi, combien de ressources se cachent en moi, combien la musique qui m’a accueilli tout l’heure, en début de célébration, a embelli de sérénité mon intérieur. Je vous cite encore un autre exemple que j’ai vécu lorsque j’étais aumônier ici, au CHUV. Je rencontrais une personne qui venait d’arriver, elle était furieuse et tremblait en me parlant : « On n’est plus chez nous ici, il n’y a que du personnel étranger, mon infirmière est africaine, vous vous rendez compte. »

Je suis revenu pour visiter cette personne cinq jours plus tard, elle avait les larmes aux yeux et me dit d’une voix paisible : « Dire qu’il faut arriver à 75 ans pour reconnaître que j’étais raciste, j’ai honte; mon infirmière est super ». C’est aussi ça, une guérison.

Nous comprenons un peu mieux maintenant la phrase de Jésus, lue tout à l’heure : « Prenez garde , veillez, car vous ne savez pas quand viendra le moment ». Ce moment est toujours habité par une Présence, celle de notre Dieu, discrète, respectant notre liberté, ceci est notre foi et notre espérance. Ce Dieu a pris comme prénom en venant parmi nous « Emmanuel », Dieu avec nous. Si Dieu arrêtait de penser à nous, il ne serait plus Dieu. Alors vers qui se tourner ? Ce sont des réalités que nous avons le temps de méditer, lorsque nous cherchons autour de nous à nous appuyer sur quelque chose de solide, dans des moments de dépendance. Cependant, j’entends le cri de certains : « Je prie, je reçois la communion, j’ai reçu même l’onction des malades, j’ai des personnes autour de moi qui veulent m’encourager, mais je ne ressens rien ». Oui, c’est souvent le cas dans des situations aiguës.

Que vous répondre ? Je suis très très humble, mais rempli de convictions. Continuez à temps et à contre temps à Lui faire confiance, sans tout comprendre, lorsque je fais confiance, je suis sûr de ne pas me tromper, ce n’est pas rien (Cf. Mère Teresa). Le prophète nous disait tout à l’heure : « Personne n’a vu un autre dieu que toi, agir ainsi envers l’homme qui espère en lui, tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie ».

Le Seigneur a souvent des intermédiaires pour nous approcher, pour nous faire du bien. Je me souviens de la confidence d’un jeune qui est devenu paraplégique par accident : « Je ne veux pas te faire de la peine Bernard, me dit-il, si j’ai le moral , si j’ai gardé le moral ce n’est tant à cause de mes prières mais grâce au moral d’un de mes bons copains qui est aussi paraplégique, j’aurai eu belle mine de revenir dans le groupe de potes avec un moral en dessous des talons ». Certains m’ont confié aussi qu’ils avaient vécu une résurrection après l’onction des malades. J’ai entendu également :

Moi, je n’ai plus que la forêt et ma chienne pour me remonter le moral avant d’aller à l’hôpital voir mon mari; connaissant leurs malheurs, je comprenais que le mot Dieu n’avait pas beaucoup de sens pour eux en ce moment, et pourtant le moral était au rendez-vous à la forêt. A l’offertoire tout à l’heure, un chant nous aidera à rester dans le dynamisme de l’espérance : « J’ai voulu vivre »

Seigneur tu es vraiment quelqu’un qui ne finira jamais de nous étonner. Tu es là dans cet hôpital, que l’on peut appeler « Temple de l’Avent », tellement les attentes sont nombreuses et diverses, tu es là pour préparer ta crèche dans le cœur des souffrants, et j’ai la certitude qu’Il mettra dans votre valise, en quittant ce lieu, des graines de guérisons. Croyez-moi et croyez-y.

Amen

 

 

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