Messe du 1er dimanche de l’Avent

 

Abbé Jean-Marie Pasquier, à l’église du Saint-Rédempteur, Lausanne, le 1er décembre 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 63, 16 – 64, 7;1 Corinthiens 1, 3-9; Marc 13, 33-37

Avenir de Dieu, avenir de l’Homme.

Au début de cet Avent 2002, je me pose, avec vous, la question : Dieu a-t-il encore un avenir ? Dieu est-il vraiment à l’œuvre en cet âge où nous vivons ? Ou bien notre histoire est-elle définitivement dans l’impasse ? Car cette question sur Dieu est bien sûr aussi une question sur l’homme. Cet homme qui se sent parfois bien seul face à un Dieu terriblement silencieux, apparemment absent, pour ne pas dire impuissant face aux malheurs du monde. Comment cet homme pourrait-il s’intéresser à un Dieu qui semble s’intéresser si peu au monde qu’il a fait ? Mais si Dieu est absent de notre histoire, que va devenir l’homme ?

Ne disons pas trop vite que ce sont là des questions pour intellectuel désabusé. Elles peuvent se poser à chacun de nous, à certains tournants de notre vie. Je pense cette femme qui venait de perdre son mari mort subitement et me disait : « Je ne crois plus à rien. » Je pense à vous, qui souffrez en ce moment sur un lit d’hôpital, et à vous qui êtes détenu en prison, peut-être injustement ? Je pense encore aux otages de Moscou, et à ces enfants enterrés vivants sous les décombres de leur école ? Où est Dieu ? que fait-il ?

C’est une question de tous les temps, mais qui s’est posée aussi de façon lancinante au peuple d’Israël. A peine rentré d’exil et pas encore remis de l’épreuve de sa déportation à Babylone, il se retrouve devant un temple en ruine, avec le sentiment que son Dieu a perdu de sa vaillance d’autrefois, comme s’il avait oublié son peuple. Alors, par la bouche d’Isaïe, il s’écrie : tu es bien notre Père, notre rédempteur, pourquoi nous laisser errer loin de Toi ? qu’Abraham ne nous connaisse plus, que Jacob ne se souvienne plus de nous, passe encore, mais Toi, tu es notre Père, alors pourquoi nous abandonner ? « Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! »
Y aura-t-il une réponse à cet appel au secours ? Les cieux s’ouvriront-ils un jour ? Dieu des cendra-t-il enfin ?
Eh bien ! étonnamment, le prophète lui-même nous livre déjà un commencement de réponse, comme s’il voulait corriger un oubli. En fait, Dieu n’a jamais abandonné son peuple. Il est déjà descendu, il l’a visité et il viendra encore. Quand, comment ?

Les chrétiens que nous sommes diront qu’Isaïe annonce déjà l’Incarnation du Fils de Dieu. C’est ce que nous proclamons dans le Credo : « Il descendit du ciel, il a pris chair de la Vierge Marie, il s’est fait homme. » Et saint Paul d’ajouter : « En lui, vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu. » Voilà ce que nous, nous croyons.
Mais tous les autres, ces milliards d’êtres humains qui ignorent le Christ, pour qui Noël n’a pas vraiment de sens et qui pourtant veulent donner un sens à leur vie, Dieu ne descendrait-il pas pour eux ? Et tous ces baptisés qui ont pris le large bien loin de nos églises : c’est la question inquiète que me posent souvent des parents, ou des grands-parents, que leurs enfants n’accompagnent plus depuis longtemps à l’église. Où en sont-ils avec Dieu ? a-t-il encore un avenir dans leur vie ? Et tous ceux que la dureté de la vie a remplis de doutes, parfois de révoltes à l’égard de ce Dieu soi-disant infiniment bon et puissant, comment pourront-ils croire que Dieu descend aussi pour eux ?

Isaïe nous ouvre une piste étonnamment moderne et universelle, accessible à tout croyant et même à tout homme ouvert à ce qui est juste et vrai. Voici sa profession de foi : ô Dieu, « tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie et qui se souvient de toi en suivant ton chemin. »
Oui, malgré les apparences, je crois aussi que Dieu veut descendre pour eux tous, chez eux tous, puisqu’il vient « à la rencontre de celui qui pratique la justice », à la rencontre de tout homme de bonne volonté qui cherche le vrai et le bien. Par des chemins qui demeurent mystérieux, Dieu vient ; sa Parole continue d’éclairer tout homme qui d’une manière ou d’une autre s’ouvre à la lumière.

Cela n’a rien d’automatique. Dieu existe et il viendra chez nous, dans la mesure où nous lui ouvrons la porte, la porte de notre liberté, où nous nous ouvrons à cette présence qui n’est pas loin de nous, mais au-dedans de nous, à l’intime de nous-mêmes.

Nous ouvrir davantage à cette présence, la laisser advenir en nous, c’est à cela que Jésus nous invite aujourd’hui : « Veillez, veillez ! » Ne vous endormez pas, et si vous êtes endormis, sortez de votre sommeil pour ne pas manquer la venue de celui qui vient quand on l’attend le moins. On sait ce que veut dire veiller un malade en fin de vie : on guette le moindre signe sur son visage, pour ne pas manquer un regard, et surtout le moment du passage. Mais ne veille-t-on pas aussi pour attendre la naissance d’un enfant qui s’annonce ? Entre la naissance et la mort, parfois dans le creux de nos vies, combien de venues de Dieu, si discrètes que nous risquons de les manquer, si nous ne veillons pas.

En ce début d’Avent, mettons-nous en état de veille. Nous découvrirons, je l’espère, que l’avenir de Dieu est déjà là, en nous. Bien plus, si j’ose dire, l’avenir de Dieu, c’est nous. Amen.
Prière

Seigneur,
dans la nuit de ce monde
et parfois l’obscurité de nos vies,
nous nous posons la question :
« Dieu vient-il encore aujourd’hui ? »
Et nous redisons la prière de ton peuple :
 » Ah! si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! »
Donne-nous de croire qu’aujourd’hui encore,
tu viens à la rencontre de tout homme
qui pratique la justice et se souvient de toi.
Que ton Esprit nous fasse entrer en état de veille,
pour que nous soyons toujours prêts à ouvrir notre porte
à Celui qui est, qui était et qui vient,
Jésus Christ
ton Fils bien-aimé, notre frère et notre sauveur,
Amen.

 

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