Messe du 1er dimanche de Carême

 

Frère Didier Boillat, dominicain, le 13 février 2005, à l’église St-Paul, Genève

Lectures bibliques : Genèse 2, 7 – 3,7; Romains 5, 12-19; Matthieu 4, 1-11 – Année A

Mais sommes-nous vraiment seuls dans le désert ? Si nous prêtons l’oreille à notre cœur, n’y a-t-il pas des bruits qui résonnent en nous-mêmes ? Des bruits de bonheur, mais aussi des bruits certes feutrés qui se glissent furtivement comme une envie de violence… Et si je changeais ces pierres en pain, si je me jetais dans le vide, si je faisais un pacte avec le mal… Est-ce que je ne serais pas le maître de ma vie, des autres, du monde ? Un maître puissant et honoré, mais combien isolé dans sa satisfaction ! Je ne suis ni pire, ni meilleur que mon voisin, je lui demande simplement de me laisser vivre ma vie et de ne pas me déranger. Je veux vivre par moi-même, l’autre ne m’intéresse plus vraiment, qu’il se débrouille !

Pour vous qui nous écoutez dans vos lieux de vie et parfois de solitude, pour chacun et chacune d’entre nous notre cœur est un vaste désert… Et dans le cœur nous sommes tentés de refuser la nourriture de Dieu, nous n’arrivons plus à lui donner notre confiance, il est devenu un étranger à l’humanité. Notre vie devient alors facilement un combat contre Dieu et contre le prochain, le combat où nous voulons toute la place et la réussite, au risque de perdre pied et de prendre goût au vertige de la mort. Nous prenons volontiers et nous oublions vite de donner, nous gardons précieusement et nous oublions vite de partager. Le cœur se rétrécit comme peau de chagrin et nous n’arrivons plus à aimer Dieu, à aimer le prochain. En ce lieu secret du cœur la violence peut naître en moi et contre moi, contre l’autre et contre Dieu. Une violence discrète, mais qui retire si facilement la vie !

Avons-nous été suffisamment attentifs à la Parole ? Qui est le maître dans ce récit ? Le mal ? Non, l’Esprit conduit Jésus au désert. Et aujourd’hui encore ce même Esprit nous conduit dans ce que nous vivons de difficile ou d’heureux. Ni contrainte, ni manque de respect : l’Esprit dans notre cœur sans cesse nous invite à trouver notre joie dans l’écoute de la Parole de Dieu, nourriture pour la vie quotidienne. Il nous éveille à la vigilance pour lutter non plus contre Dieu, mais contre ce qui détruit la vie humaine : le mensonge et l’injustice. Il nous ouvre mystérieusement un chemin de service fidèle et de véritable attention à tout autre, loin de notre égoïsme et de nos peurs.

Frères et sœurs, amis qui êtes avec nous au loin, le désert peut nos révéler le monde obscur du cœur avec ses tentations bien réelles de violence, mais surtout il nous révèle une force toujours neuve et vivifiante qui transforme, apaise, rend soudainement possible un chemin de communion avec le Père et de communion fraternelle.

Aujourd’hui Jésus nous ouvre le chemin, il est avec nous dans notre désert. Marchons avec lui dans la confiance et l’espérance dans le temps qui nous est offert ! Il a pour nous et le monde une parole de vie, une parole de communion ! Que cette parole habite notre cœur !

 

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