| Chanoine Jean-Michel Girard, le 27 juillet 2008, à l’hospice du Gd-St-Bernard, VS Lectures bibliques : 1 Rois 3, 5.7-12; Romains 8, 28-30; Matthieu 13 ,44-52 – Année A |
« Vendre – acheter ». Le langage est celui de l’économie. L’opération décrite ressemble à un bon investissement. Il faut remarquer qu’avant d’acquérir, les deux acteurs des paraboles passent par un dépouillement personnel, un dépouillement complet : ils vendent tout ce qu’ils possèdent. Celui qui a trouvé le trésor, le fait avec joie. On le comprend : il a déjà palpé ce qu’il est sûr d’acquérir.
Les dépouillements, dans notre vie, sont parfois volontaires; nous savons – ou nous pressentons – pourquoi nous le faisons; même si cela n’est pas nécessairement facile, une joie, une satisfaction, une paix s’installent dans ce geste. En visitant Assise et l’ermitage des Carceri, je me suis dit : « Quelle chance a eu saint François de s’être libéré de tous les biens, tous les positionnements, pour s’émerveiller devant la beauté de Dieu et de sa Création ».
« Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ». Nous en faisons souvent l’expérience lorsque nous offrons de nos biens, de notre temps, de notre cœur. Je me souviens, lorsque des fonds étaient récoltés pour les sinistrés du Frioul, il y a bien longtemps, la personne à peu près la moins aisée du village et la personne à peu près la plus aisée avaient donné un mois de leur AVS. J’avais perçu en elles une profonde lumière.
Le trésor, la perle fine, qu’est-ce, sinon l’amour ? Et l’amour réjouit quand il s’anime en nous, quand il devient actif et nous jette hors de nous-mêmes.
« L’amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. L’amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d’être, ni son fruit : son fruit c’est l’amour même » disait saint Bernard.
Nous sentons très bien qu’en demandant service à quelqu’un, très souvent, nous lui faisons plaisir ; son amour s’anime en lui par l’action et le réjouit.
Vendre, donner et acquérir un trésor.
Mais il n’en va pas toujours ainsi dans notre existence. Beaucoup de détachements nous sont imposés par la vie : atteintes dans notre santé, vieillissement, deuils, mauvaises affaires, séparations. Il n’est pas nécessaire d’établir une longue liste : chacun en connaît suffisamment.
Il serait mal venu d’affirmer sommairement que le détachement aboutit à la découverte d’un trésor.
Cependant, nous remarquons qu’il y a, inscrit dans notre vie, un chemin qui comporte nécessairement des arrachements. Pour devenir un adolescent, il faut quitter le nid de l’enfance; pour devenir un adulte il faut quitter les espaces de l’adolescence.
« Qui n’avance pas recule » suggère un dicton populaire. Lorsque l’on escalade une montagne, la position la plus sûre et la plus confortable est celle où les deux pieds ont un appui et les deux mains quelque chose où se tenir. Mais il faut bien lâcher une prise après l’autre pour grimper.
Cela se vérifie même dans l’amitié. La relation évolue. Et l’on ressent souvent la perte d’une étape appréciée, avant de goûter la suivante. Le coup de foudre, la lune de miel ne durent pas toujours. Il faut accepter de les « vendre » de les quitter pour trouver la perle fine de l’amour plus gratuit, de la sérénité et de la confiance qui mûrissent dans la longue fidélité.
Saint Augustin disait que la mort nous a été donnée par punition – il faisait allusion au récit du péché d’Adam – et que maintenant que nous sommes rachetés par le Christ, nous n’aurions plus à mourir, mais la mort nous est laissée par grâce. Il pensait que c’était là le suprême détachement qui nous libère de toute appropriation personnelle et nous ouvre à l’accueil total de Celui qui est la Vie et nous donne Sa Joie.
Tous les événements de notre vie ne peuvent s’analyser sous le critère du gain ou de la perte. L’itinéraire de notre vie nous conduit par les découvertes qui nous réjouissent et par les détachements qui s’imposent au Royaume des Cieux qui est comparable à un trésor, à une perle fine.