Messe du 17ème dimanche ordinaire

 


Mgr Benoît Vouilloz, prévôt, à l’hospice du Grand-St-Bernard, le 29 juillet 2007
Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32;
Colossiens  2, 12-14   Luc 11, 1-13 – Année C

« L’angoisse métaphysique, ou bien l’apaiser avec un dieu, ou bien la noyer dans le plaisir, ou bien la guérir avec des pilules ».

C’est ainsi, dans un énoncé ramassé et bien frappé, que s’exprimait, il y a 50 ans, le biologiste et philosophe humaniste français bien connu, Jean Rostand, fils du dramaturge Edmond Rostand. Se présentant comme incroyant athée, mais sensible aux questions existentielles et au mal-être de tant de gens, il avouait être préoccupé par la question de Dieu. Sa conviction profonde lui faisait penser et dire que « la foi des croyants est une imagination, une création de l’homme », pour apaiser ses inquiétudes.
 
Les lectures que nous venons de proclamer et d’accueillir nous invitent à témoigner que notre foi de baptisés est, au contraire, une réponse enracinée dans la confiance, libre et reconnaissante, à une Parole offerte. Cette Parole, c’est Jésus de Nazareth.
« Un jour, quelque part » : c’est ainsi que l’évangéliste Luc présente l’environnement  de Jésus en prière.
Alors, « aujourd’hui » – car aujourd’hui est « un jour » 29 juillet 2007  – et partout où nous nous trouvons – car chacun de nous se trouve « quelque part » –  nous rencontrons Jésus sur notre route et nous l’entendons nous dire, comme il y a 2000 ans :
« Vous tous qui cherchez Dieu et désirez le rejoindre dans la prière, dites ‘ Père’.
Quel que soit le nom que vous lui donniez : Dieu, God, Boga, Allah, Brahman, Apu, Tien Tshu, Manitou,
Où que vous soyez, à Jérusalem, à Rome, à la Mecque, à Bénarès, au sommet d’une montagne, au bord de la mer, dans une rame de métro, au fond d’une prison, dans une chambre d’hôpital, chez vous à la maison, dans une navette spatiale,
Qui que vous soyez, où que vous soyez, quand vous priez, dites ‘ Père…’ : sachez que Dieu vous aime et prend soin de vous, comme des parents aiment et prennent soin de leurs enfants. Sachez que Dieu est Père de toute créature humaine sous le soleil, de toute race, de toute langue, de toute nation, de toute religion. »

Chacun peut lui parler dans le silence du cœur,  lui confier ses joies, ses peines, ses aspirations, ses désirs profonds…   Chacun, quelle que soit sa responsabilité dans la société, son niveau de vie, est appelé à vivre en harmonie avec ce Père universel, en acceptant joyeusement de dépendre de lui, de recevoir sa vie comme un cadeau de la générosité de son cœur, source de tout amour. Cette relation filiale s’enracine dans le désir profond qui habite chacun : le désir d’aimer et d’être aimé. 
                            
« Si vous ne redevenez comme les enfants, vous ne pouvez pas entrer dans le Royaume de Dieu ». Accueillons avec reconnaissance cet avertissement du Christ ; il est bon de retrouver son cœur d’enfant, au milieu des bousculades et des tempêtes de notre monde. Il est bon de se redécouvrir « enfant de Dieu ». Mais cela ne veut pas dire que Dieu va tout décider à notre place. Au contraire, comme un Père attentif et intelligent, il ne désire rien tant que de nous voir grandir dans le discernement et la liberté, en nous laissant à nos responsabilités.   N’allons pas lui reprocher trop vite de ne pas intervenir pour empêcher les drames, causés par la méchanceté humaine ; prenons conscience de nos responasabilités.

« Quand vous priez, dites ‘Père’ ». Si cette invitation résonnait dans tous les cœurs, partout sur la terre, nous serions tous conscients et émerveillés de la valeur unique de toute personne humaine, nous porterions les uns sur les autres un regard de bienveillance, nous nous comporterions comme des enfants d’un même Père, comme des frères et sœurs,  il n’y aurait plus ni guerres, ni torture, ni violences, ni aucune autre forme de méchanceté ou de détresse. Il n’y aurait plus de place pour  le fanatisme religieux qui croit rendre gloire à Dieu en pourfendant l’infidèle. Quelle attitude étrange ! Cela fait penser aux divisions dans les familles, où certains enfants se targuent auprès de leurs parents de mieux les aimer, mieux les servir que leurs frères et sœurs et se font les champions de la piété filiale. Quelle souffrance pour un père ou une mère, qui aime tous ses enfants d’un amour égal,  et qui trouve sa joie la plus profonde à les voir vivre dans l’affection mutuelle, et non pas dans une rivalité aussi absurde et déplacée !

« Quand vous priez, dites ‘Père’ ». Qui d’autre que le Christ Jésus aurait pu nous apporter une telle révélation ?, une révélation aussi lumineuse, aussi libérante, aussi réconfortante ? Qui d’autre que lui, le Fils éternel du Père, devenu notre frère aîné, en venant partager notre condition humaine ? qui d’autre que lui est allé jusqu’à donner sa vie sur la croix pour rétablir entre Dieu et l’humanité la relation d’amour abîmée par le péché, la méfiance et le refus ?
Rappelons-nous la voix du Père au jour du Baptême du Christ, ainsi que lors de sa Transfiguration :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour, écoutez-le »
En parlant ainsi, Dieu, Père universel, n’a qu’un profond désir : que nous accueillions Jésus comme son Envoyé et notre Sauveur à tous, que nous accueillions son Evangile comme la charte de vie fraternelle entre tous les peuples, une charte selon laquelle tout ce qui avilit, dégrade l’homme est à jamais banni de toute culture, quelle qu’elle soit.
« Je suis le chemin, la vérité et la vie , nul ne va au Père sans passer par moi ».
En parlant ainsi, le Christ n’a qu’un profond désir : que nous marchions à sa suite sur la route de la vie, pour découvrir l’amour qui est à la source de notre existence et qui nous attend pour notre joie éternelle.
Nous voilà plongés dans le mystère de Dieu, mystère qui est aussi le nôtre : qui sommes-nous ? d’où venons-nous ?, où allons-nous ?
Interrogations dont la réponse est toujours à entendre dans le secret de la conscience, à l’écoute de l’Esprit-Saint, que le Père a tellement à cœur de donner à ceux qui l’en prient :
Nous l’avons entendu tout à l’heure :
« Si vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent ».
« Oh oui, Père, donne-nous ton Esprit-Saint »
Si de chaque conscience humaine jaillissait ce désir profond d’être éclairé par l’Esprit divin,
si de toute créature humaine sur la terre montait vers le ciel une telle imploration, quel souffle de fraternité traverserait la planète !

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