Messe du 17ème dimanche ordinaire

 

Chanoine Jean-Marie Lovey, à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, le 24 juillet 2005

Lectures bibliques : I Rois 3, 5.7-12; Matthieu 13 – Année A

Quand Jésus parle en parabole, et il le fait fréquemment, c’est, dit-il, pour révéler des choses cachées depuis la fondation du monde (Matthieu 13, 35). Des choses cachées… ! N’y voyons pas d’abord une espèce de secret tenu caché à cause de sa part de scandale, dont la révélation ferait l’effet d’un formidable scoop dont notre monde est si friand. Il ne s’agit pas de cela. Cette réalité est cachée du fait qu’elle est enfouie, tellement, dans les profondeurs de toute créature de notre terre, de notre histoire, de nos vies, et cela dès les origines, parce que le Créateur lui-même l’y a déposée. Ces choses cachées c’est le Royaume des Cieux. Il y a bel et bien une parcelle du Royaume présente au plus profond de chacun. Jésus vient la mettre au jour comme on déterre un trésor.

Le langage de la parabole ne prétend pas décrire ce Royaume des Cieux, en le confinant, une fois pour toutes et de façon exhaustive, dans une définition fermée. Il en suggère plutôt des ouvertures nouvelles de compréhension à partir d’images simples, concrètes qui renvoient à des expériences dont les auditeurs sont familiers. Et ces images pourront se développer encore et encore tant la réalité qu’elles suggèrent les dépasse de toutes parts. « Le Royaume de Cieux est comparable à un trésor… à un négociant en perles fines… à un filet qu’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons… »

Puisque ces images suggèrent bien plus qu’elles ne définissent, je voudrais, en prolongeant notre méditation du pèlerinage, éclairer notre façon de percevoir cette portion du Royaume des cieux qu’est l’Eucharistie, à la lumière de la première parabole que Jésus nous offre ce matin : La parabole du trésor caché dans un champ.

A observer un champ, rien n’indique qu’il contient quelque part un trésor et rien ne permet de savoir en quoi consiste ce trésor. « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache quelque part un puits ». Mais celui qui travaille ce champ, celui qui creuse parce que c’est son métier d’être cultivateur, celui qui sait ce qu’il en coûte de tourner, et retourner la terre, d’épierrer son champ pour que le blé lève, celui-là ne peut être que dans la surprise joyeuse quand, au cœur de son travail, ses outils mettent à jour le trésor de sa vie. Ce trésor-là vaut bien la peine qu’on y sacrifie tout le reste. « Alors il va vendre tout ce qu’il possède et il achète ce champ (v.45).»

« Le Royaume de Cieux, nous dit Jésus par ailleurs,(Luc.17,21) est au milieu de vous.» Le royaume serait donc un trésor ! Un trésor caché au milieu de nous ? Notre terre, est le champ du Seigneur ; il y a un trésor enfoui qui donne à ce champ une valeur telle qu’il vaut vraiment la peine de tout laisser pour le découvrir.

Dieu a enfoui dans notre existence humaine un trésor qui peut se laisser découvrir, à condition de ne pas creuser ailleurs. Dieu a déposé une perle de grand prix dans l’histoire des hommes quand Jésus s’est engouffré dans la pâte humaine, « qu’Il est venu planter sa tente parmi nous (Jean.1, 14). » Dieu lui-même s’est caché, petite graine, grande comme une cellule humaine, comme un embryon, puis comme un bébé qui naît. L’enfant de Marie, trésor caché dans la mangeoire de Bethléem s’est laissé découvrir par les mages chercheurs. Venus l’adorer, ils lui ont offert leurs propres richesses. Dans la joie de la découverte de ce trésor, ils lui ont abandonné tout ce qu’ils avaient : l’or, l’encens, la myrrhe (cf. Mt. 2, 11).

En Jésus, Dieu nous a donné son Fils unique ( Jn. 3, 16) Et ce n’est pas pour le reprendre ensuite. « Les dons de Dieu sont sans repentance (Romains 11, 29).» Il nous a donné Jésus pour toujours. Aussi, lorsqu’à la fin de sa vie, Jésus retourne à son Père, il va inventer une autre manière toute aussi discrète de demeurer réellement présent au cœur de notre histoire. Depuis le soir de la sainte Cène, Jésus est Dieu caché dans la pâte de notre pain quotidien. Depuis le jour de l’Ascension, la présence corporelle de Jésus nous est enlevée. Le Christ désormais est près de son Père, dans le Royaume des Cieux, sous ses apparences propres personnelles, celles qu’il a assumées pour être parmi nous.

Pour continuer sa présence corporelle sur terre, il devra le faire sous d’autres apparences. Il y a désormais deux présences de Jésus : sa présence au Royaume des Cieux près de son Père et sa présence sur terre, présence sacramentelle sous le signe du pain. L’Eucharistie est vraiment ce trésor enfoui discrètement dans la pâte du pain de notre table. C’est un coin de ciel déposé sur terre, un avant-goût d’éternité.

Jésus a inventé l’Eucharistie non seulement pour que ce trésor qu’il est lui-même demeure auprès de nous. Mais puisque l’Eucharistie est un pain, une nourriture, il faut que, nous le mangions et ce trésor va demeurer EN NOUS.

A partir du moment où nous aurons reçu l’Eucharistie, c’est notre cœur qui devient le champ habité d’un trésor fabuleux. C’est un morceau du Royaume des Cieux qui se dépose en nous chaque fois que nous communions. Le champ à creuser, à travailler, pour y découvrir le trésor enfoui, c’est aussi notre cœur. Saurons-nous entreprendre cette véritable chasse au trésor ?

Les mages autrefois sont venus de loin pour adorer. Comme eux, saurons-nous entreprendre le long pèlerinage ? Parce qu’en effet, il est long le chemin qui conduit jusqu’à notre cœur. Plus long que la route des mages. Plus long que le chemin de Cologne que les jeunes du monde entier s’apprêtent à prendre pour les JMJ afin de découvrir en l’Eucharistie le trésor de leur vie, « centre vital autour duquel les jeunes vont se rassembler disait Jean-Paul II, pour nourrir leur foi et leur enthousiasme » (Mane Nobiscum, N.4).

Salomon, une des plus belles figures de la royauté en Israël, en savait quelque chose sur les enjeux des chemins du cœur. Dans le songe de sa nuit de Gabaon, il a su ouvrir le chemin de son cœur à Dieu qui lui offrait la chance de sa vie : « Demande-moi ce que tu veux, lui disait Dieu, je te le donnerai (I Rois 3, 5). Le sage roi Salomon, malgré son jeune âge, avait bien saisi que les décisions les plus importantes, les déterminations les plus personnelles se formulaient dans l’intime de son cœur. Dans ce centre dynamique ses choix libres et personnels ont besoin d’être portés et mûris par la grâce de Dieu. Alors devant le choix des possibles, il demande un cœur intelligent et sage.

Saurons-nous labourer le champ de notre cœur pour que le don que Dieu veut y déposer trouve un terrain favorable ? Aurons-nous le courage des chercheurs pour aller jusqu’au bout de la démarche et découvrir le trésor caché ?

Demande-moi ce que tu veux, continue de nous dire Dieu, à chacun, ce matin. Alors, avec ce même esprit de détachement et de conviction qui animait le sage Salomon quand il priait, nous osons te dire : « Donne, Seigneur, à ton Serviteur un cœur qui écoute. (I R. 3, 9) » AMEN.

 

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