Messe du 17e dimanche ordinaire

 

Père Paul de la Croix, à la chapelle St-Jean, barrage de la Grande-Dixence, VS, le 28 juillet 2002.

Lectures bibliques : Rois, 3, 5-12; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52

La parabole de la Grande-Dixence
Tandis que Jésus enseignait au bord du lac, lui et ses auditeurs avaient sous les yeux des pêcheurs ramenant au rivage leurs filets pleins, s’asseyant et faisant le tri. Alors il s’écria : Tenez, le Royaume des Cieux est semblable à ce filet qu’on ramène au rivage plein de poissons.

Mais s’il était ici même, comme nous aujourd’hui, auprès de ce gigantesque barrage, qu’aurait-il dit ? Ce qui va nous autoriser à imaginer une parabole inspirée par ces lieux, ce sont les paroles même de Jésus que nous venons d’entendre : Tout disciple, instruit du Royaume des Cieux, tire de son trésor du neuf et du vieux. Du neuf ? Alors essayons une parabole du deuxième et troisième millénaire !

La force de l’Esprit saint
L’énergie électrique, notre vie est désormais impensable sans elle ! Ses mille et une applications nous sont tellement quotidiennes qu’il est inutile d’insister.

Alors voici que cette source prodigieuse d’énergie, invisible : un câble, avec ou sans courant, tout pareil pour l’œil, évoque, au cœur croyant, l’Esprit saint, invisible mais universel dans son action. Dès qu’une pensée a existé sur la terre, Il était là. Il était là et il est là dans ces très anciennes mystiques orientales; il s’est répandu avec toute sa force à la Pentecôte dans l’Eglise de Jésus et à travers elle, au-delà d’elle dans notre monde; comme aujourd’hui à Toronto.

Arrêtons-nous, si vous le voulez bien, à son action cachée dans les âmes humbles et simples. Soljenitsyne, dans une nouvelle intitulée « La Maison de Matriona » montre une vieille femme, apparemment la plus insignifiante de ce village russe, très pauvre mais toute attentive aux autres, toujours secourable, heureuse du bien des autres, douce, paisible : elle était l’âme de cette population écrasée sous le communisme. Voulez-vous entendre la conclusion de Soljenitsyne ? « Elle était ce juste sans lequel il n’est village qui tienne, ni ville, ni notre terre entière ». Je puis moi-même l’assurer à la fin d’un longue vie : dans chaque paroisse, dans chaque hameau il y a comme cela de ces flammes humbles, discrètes qui éclairent, réchauffent, qui portent cette humanité de sang et de larmes.

Dans la paix et le silence
Quel contraste entre la puissance en action de l’électricité et ici, haut dans la montagne, l’invisibilité de sa source indispensable : le lac d’accumulation ! Me promenant un jour le long du lac, avec un réalisateur de la Télévision française, nous nous sommes assis sur une pierre face à cette surface à peine frisée par la brise, où se reflétaient les parois abruptes d’un côté, la blancheur des glaciers de l’autre. Entre nous il n’y eut, pendant longtemps, plus une seule parole : silence, intériorité…

Ainsi l’homme qui veut agir dans la force de l’Esprit saint, doit chercher et trouver ce silence. Dans l’Eglise, depuis le 4ème siècle et jusqu’à nos jours, les Ordres monastiques et contemplatifs sont cette réserve d’énergie spirituelle. Et vous, malades, vieillards, infirmes, réduits à l’inactivité extérieure, n’êtes-vous pas cette réserve indispensable au monde quand, en toute soumission, vous offrez votre souffrance et votre vie en union au Christ qui, immobilisé sur la croix, sauvait le monde ? Pénétrez-vous bien de cette pensée : l’offrande et la prière sont plus puissantes que l’action.

L’indispensable retrait
Revenons à la Dixence. Nous nous trouvons au pied de ce mur, le plus haut du monde, qui a demandé à 5’000 hommes un travail de plus de 10 ans. Or, sans barrage, pas d’électricité !

Quel barrage dans notre vie ? Si notre monde scientifique et technologique permet ces œuvres
d’art qui nous remplissent de stupéfaction, est-ce que cette même société essentiellement productive, prospère, riche même, ne rend pas ce retrait dans le silence et en nous-mêmes très difficile ?

Quant à vous, les malades, votre état même est ce barrage.

Et nous tous, les productifs ? Si nous ne voulons pas être des machines à rendement, mais de vrais vivants, si nous voulons trouver notre âme et trouver ou retrouver Dieu, il faut savoir construire ce barrage dans notre vie. Que nos loisirs ne soient pas des jours de folie et de dispersion loin de nous-mêmes ! Que nos dimanches soient le Jour du Seigneur certes, mais aussi le Jour de l’Homme !

Chers amis proches et lointains, c’était notre parabole de la Grande-Dixence.

 

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