Messe du 17e dimanche ordinaire – Fête de St Jacques apôtre

 

Chanoine Jacques Banderet, à l’église de Vuissens, FR, le 25 juillet 2004.

Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Colosiens 2, 12-14; Luc 11, 1-13

Chers auditeurs malades, handicapés, âgés,
pèlerins, promeneurs, automobilistes et estivants,
Chers Frères et Sœurs,

 

On reconnaît un être humain à sa soif de vie. Vivre bien, vivre mieux, vivre plus intensément, vivre encore, trouver un secret pour vivre : voilà le ressort. Le plus grand désarroi que je connaisse, c’est de me trouver en face d’une personne qui ne veut pas vivre.

Qui donc peut nous aider à vivre ? Beaucoup de gens à vrai dire, je laisse de côté les marchands d’illusion et d’évasion. Je ne retiens que ce qui convient à l’homme, ce qui répond à sa dignité, à sa vocation.

Aujourd’hui, on repère un phénomène réjouissant. Un certain nombre de nos contemporains prennent le temps de la réflexion. Sur les routes du monde, certains d’entre eux, en quête de sens deviennent des marcheurs comme à la recherche d’une patrie. Ils découvrent ou redécouvrent le sens du pèlerinage et se font pèlerins. Un pèlerinage, c’est un exercice complet qui prend tout l’homme, qui lui fait comprendre que les routes de la terre conduisent au ciel. « Je marcherai au pays des vivants… » chantaient tout à l’heure les choristes.

Le pèlerinage constitue aujourd’hui un phénomène d’une ampleur considérable. Il est même un élément constitutif de toutes les grandes religions. Le Pape Boniface VIII a institué la première année sainte, en l’an 1300, à cause de l’affluence des fidèles qui se rendaient à Rome sur les tombeaux des Apôtres Pierre et Paul. Pourtant, à la différence du Judaïsme ou de la tradition musulmane avec le grand pèlerinage à la Mecque., l’Eglise catholique ne l’a jamais rendu obligatoire. Il reste néanmoins une démarche féconde.

Depuis quelques années, les chemins de Compostelle attirent, de manière renouvelée, un nombre grandissant d’hommes, de femmes, de jeunes et de moins jeunes, de toutes races, de toutes cultures, classes sociales confondues qui portent en eux un appel intérieur pour vivre mieux. Cela est particulièrement vrai en cette année St Jacques.

Que cherchent-ils donc, ces pèlerins et marcheurs au fil des centaines de kilomètres sur ces routes, ces sentiers poussiéreux ou boueux, selon l’air du temps ? Certes, Compostelle, cette ville de la lointaine Galice en Espagne avec le tombeau de l’Apôtre Jacques.

 

Si le plus grand nombre de marcheurs fait une démarche de foi, d’autres, au contraire, ne souhaitent pas d’emblée entrer dans une attitude religieuse. Ils font le chemin de St Jacques pour de multiples raisons personnelles. Les uns et les autres marchent sur la même route, se respectant, se soutenant entre eux.

Dans mes contacts de ces dernières semaines, j’ai étonnement rencontré un certain nombre de personnes qui se rendaient à St Jacques de Compostelle ou qui en revenaient.

Hormis ce couple ami qui habitait aux portes de Compostelle et qui se disait impressionné par cette foule de pèlerins qui convergeaient au quotidien vers le tombeau de St Jacques, je pense à Bernard rencontré à un mariage. Lui aussi était de retour de Compostelle avec son épouse.

Grand financier à Genève et à Monaco, résidant sur la Côte d’Azur, Bernard est le modèle type du privilégié de notre société. Rien, mais vraiment rien, ne le prédisposait à s’engager dans de tels lieux, sinon peut-être, l’attrait pour la beauté des paysages de Galice.

Bernard, aux responsabilités de premier rang, financièrement très à l’aise, avec son épouse, riches de leurs deux fils qui suivent les traces de leurs parents, une famille où tout va bien. Pourtant, Bernard ressent un vide intérieur. L’argent ne le comble pas. Il aspire à quelque chose qu’il ne sait pas définir. Un jour, avec sa femme, il décide de consacrer un petit mois sur les chemins de St Jacques.

Il part sans à priori, c’est l’aventure ! De marcheur qu’il était au départ, il devient progressivement pèlerin à son arrivée. Il marche aux côtés de compagnons inconnus qui ne sont pas de son milieu. Ils deviennent très vite frères de route. A la manière de tous les pèlerins de l’histoire, ils s’émerveillent que les kilomètres parcourus deviennent l’expression d’un cheminement spirituel :

 » Notre Père qui es aux cieux que ton nom soit sanctifié  »

 » Seigneur, que tes œuvres sont belles « .

Un pèlerin a également besoin d’alléger son sac, chargé au départ d’objets inutiles. Mais, Bernard découvre aussi la joie de porter le sac des autres et il éprouve un grand réconfort de laisser les autres, porter le sien.

Pour les chrétiens, l’allègement de notre sac à dos s’exprime dans le sacrement de la réconciliation. Porter le sac d’autrui et laisser nos frères porter le nôtre, voilà le mystère de la charité fraternelle de l’amour de Dieu qui nous unit les uns aux autres sur la route du monde. Plus il y aura de charité dans notre cœur, plus nous vivrons en Dieu.

Ici-bas, mes frères, on le sait bien, nous cheminons à tâtons au milieu des difficultés, réconfortés toutefois par les certitudes de la foi, par la force de l’espérance, par le feu de l’amour de Dieu.

L’expérience de l’amour qui brûle, c’est Marc, un autre témoin qui l’a vécue. Marc est un familier de Compostelle. Il en est à sa septième expédition. Pourtant, son sac à lui, lui pèse de plus en plus. Il y a un poids dont il ne peut se débarrasser. Depuis dix ans, il ne parle plus à son père qui a favorisé un de ses frères. Sur le chemin de Compostelle, cette situation lui devient insupportable. « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». En visualisant la scène de l’enfant prodigue se jetant dans les bras de son père, Marc se culpabilise, il doit changer. Il l’a décidé, dès son retour, il fera la paix avec son père et en lui-même.

 

Frères et Sœurs,
Nous qui sommes rassemblés dans cette église, nous ne prenons pas ce matin la direction de Compostelle et pourtant nous sommes tous pèlerins sur nos chemins.

Nous aussi, nous devons nous arracher à ce qui nous rend prisonniers de nous-mêmes. Notre pèlerinage terrestre, où que nous soyons, nous rappelle la cité éternelle, celle dont Dieu est l’architecte et le maçon « Que ton règne vienne ».

Alors sachons rendre grâce pour ces pèlerins qui partent, pour les interrogations qu’ils suscitent au cœur de nos vies. Rejoignons particulièrement nos amis d’ « Europa Compostella 2004 » qui l’autre jour étaient les hôtes du Monastère de la Fille-Dieu, de Romont, puis de Moudon et qui arriveront à Compostelle à la mi-septembre.

Rejoignons aussi ces quatre religieuses de Fribourg qui franchissent le cap de leur deuxième étape « avec des pieds qui prient ».

Rendons grâce à Dieu qui sait nous nourrir de sa Vie dans l’Eucharistie afin de poursuivre notre pèlerinage terrestre vers la Jérusalem du Ciel.

« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ».

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