Messe du 17e dimanche ordinaire

 

Chanoine Jean-Marie Lovey, à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, VS, le 25 juillet 2010
Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Colossiens 2, 12-14; Luc 11, 1-13 – Année C

« Prier s’apprend »

Frères et soeurs, chers amis,

 

  Ils étaient 3 les visiteurs d’Abraham. 3 étrangers. 3 inconnus. 3 qu’Abraham avait reçu sous sa tente à Membré, suivant l’usage sacré des règles de l’hospitalité orientale. L’hôte est reçu avec tous les égards et respect possibles. On a tellement conscience qu’il est peut-être porteur d’un mystère bien plus vaste que n’importe laquelle de nos vies humaines. L’hôte qui est tout entier livré à la merci de celui qui l’accueille est parfois investi de la mission d’un ange. C’est comme cela qu’Abraham considérait les trois visiteurs. Ils étaient des anges de Dieu.

Dans la relecture que saint Augustin refera de cet épisode, il dira que ces 3 étrangers c’étaient les 3 personnes de la sainte Trinité. « Il en vit 3, dit-il d’Abraham, mais n’en adora qu’un seul, le Dieu unique. » Donc ces étrangers méritaient d’être reçus comme des dieux.

Au contraire, les gens de Sodome non seulement ne leur ont pas offert une hospitalité convenue, mais ils vont abuser des visiteurs. Cette situation de criminels abuseurs va déclencher, chez Abraham, non pas un réflexe de   vengeance, de haine ou de dégoût vis-à-vis des fauteurs, mais un réflexe de prière d’intercession en faveur de ceux qui pourraient être innocents dans la ville de Sodome. Abraham nous apprend que s’il y a des violeurs, des pédophiles, des abuseurs dans les Sodome et Gomorrhe d’hier et d’aujourd’hui, tous, cependant, ne le sont pas.  Abraham parie sur un petit reste de justes. 50 pour ces deux immenses villes ? Et s’il en manquait 10 et qu’il n’y en avait que 40 ? « Seigneur, pour 40 justes vas-tu détruire la ville ? » Pour 30 ? 20 ? 10 ? « Pour 10 justes je ne détruirai pas Sodome. »

La prière d’Abraham non seulement est un magnifique marchandage à l’Oriental, mais elle nous révèle le cœur de Dieu. Dieu ne veut pas de compromission avec le mal. Non bien sûr. Mais là où le mal est présent dans les réalités humaines, c’est à dire à peu près partout, Dieu ne se focalise pas sur ce mal, ce serait risquer de mettre tout le monde dans la même condamnation. « Faire périr le juste avec  le pécheur, quelle horreur ! » La prière d’Abraham nous montre un Dieu cherchant dans la ville dissolue de Sodome 50-40-30-10 justes. Le regard de notre Dieu ne va pas d’abord à la recherche du pécheur pour avoir un prétexte de condamnation, il va à la recherche du juste, pour établir une solidarité de salut.
Cette pédagogie divine trouvera sa forme suprême en la personne même de Jésus. En son Fils Jésus, le Père va trouver non pas les 50- 40 ou 10 justes espérés, mais un seul juste; tellement unique qu’on lui attribuera un article défini : LE SEUL JUSTE en qui nous sommes sauvés.

 C’est là que nous pouvons basculer dans la prière du Nouveau Testament, celle que Jésus, un jour, quelque part, apprit  à ses disciples, De cette expérience que les disciples nous partagent, nous apprenons tout d’abord que la prière chrétienne ne s’adresse pas simplement à une vague divinité, mais à Dieu qui est le Père de Jésus. C’est donc une prière filiale. « Quand vous priez, dites : Père… » Si nous entrons vraiment en prière, le premier mot nous situera immédiatement dans ce lien de paternité-filiation. C’est un lien tout à fait vital, puisque chacun des 2 termes est constitutif de l’identité de l’autre. C’est l’enfant qui fait exister l’homme en sa qualité de père. Et devant son enfant, un papa se laisse fléchir. La parabole que Jésus raconte aujourd’hui nous l’indique clairement. En notre qualité d’enfant, nous pouvons à tout moment, sans gêne, et avec la certitude d’être entendu, demander à Dieu ce qu’il nous faut. Et en sa qualité de père, Dieu sait ce qui est bon pour ses enfants. Il sait ce qui est le meilleur. « Si vous qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent (v.13). »

Prier s’apprend ! C’est parce que les disciples ont un jour vu Jésus prier qu’ils lui font la demande : « Seigneur apprends-nous à prier (v.1) ». S’il n’y a pas de lieu ni de temps obligés pour la prière  – puisque c’est un jour, quelque part que Jésus  prie –  il y a par contre un apprentissage nécessaire de la prière.  Acceptons humblement  de devoir recourir à l’expérience des priants. Nous n’avons pas spontanément les mots justes pour parler à Dieu. Notre prière aura-t-elle l’audace de celle d’Abraham ou de l’ami importun pour déranger Dieu. A l’école des priants de ce jour nous apprenons que Dieu veut sauver les hommes que nous lui confions. Nous apprenons encore qu’à nos petites demandes Dieu répond en offrant son Esprit Saint c’est-à-dire tout son Amour débordant. Nos demandes portent sur des biens, des choses qui sont parfois de première utilité tandis que Dieu qui a le regard très ample, répond en se donnant lui-même.

Finalement, oui, à l’école de Jésus priant retenons les mots qui  touchent le cœur de Dieu et nous valent d’être exaucés au-delà de nos attentes : « Notre Père, que ton Règne vienne… »
AMEN.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *