Messe du 16ème dimanche ordinaire

 

Chanoine Jean-Marie Lovey, le 20 juillet 2008, à l’hospice du Gd-St-Bernard, VS
Lectures bibliques :
Sagesse 12, 13-19; Romains 8, 26-27; Matthieu 13, 24-43 – Année A

Pour beaucoup d’entre nous, l’été coïncide avec la période des vacances. Et parler de vacances c’est en évoquer les toutes premières expériences celles du temps où nous étions écoliers. « L’école est finie, vivent les vacances ! »
Or, en ce dimanche d’été la Liturgie nous invite à nous mettre à l’école du Maître de Nazareth pour recevoir son enseignement sur le mystère du Royaume. L’Evangile serait-il un rabat-joie pour rappeler à des écoliers leurs devoirs de vacances ?

Comprenons d’abord qu’à l’école du Christ, rien n’est statique et que son enseignement n’a rien de théorique. C’est une école de Vie. « Réjouis-toi de vivre ! »  Le maître n’est pas assis à son pupitre. Il marche dans la campagne à travers champs. Voyez ce champ, dit-il, c’est moi qui l’ai ensemencé. J’y ai mis du blé de première qualité. Et voici qu’un disciple, bon élève, intervient et dit comme à l’école : Monsieur, monsieur, il y a aussi de l’ivraie qui est   une mauvaise herbe !   –Bien vu, Jacques, fils d’Alphée ! mais savez-vous qui a fait cela ? Je vais vous le dire : c’est l’ENNEMI.

Apprenez de moi que, dans le champ du monde, je ne sème que des graines de VIE. « Réjouis-toi de vivre ! » Et c’est cela le Royaume en croissance. Mais le démon existe, qui sème la zizanie , « et l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais (v.38) » N’allez pas arracher l’ivraie dès maintenant. Ce serait une fausse stratégie. Vous risqueriez de vous croire trop facilement du côté des justes condamnant ceux qui ne sont pas avec vous. Laissez pousser ensemble l’ivraie et le bon grain. Le tri, c’est l’affaire des anges de Dieu, à la fin du monde. Apprenez par là ce que le livre  de la Sagesse proclamait : Dieu est le Seigneur de la patience ; il est celui qui prend soin de toutes choses (v.13). Son jugement n’est pas de condamnation, mais d’indulgence. A ceux qui ont péché, il accorde  le temps de la conversion (v. 19).
 
Voilà à quelle école nous sommes conviés. Voilà quel maître nous sommes invités, non pas à écouter seulement, mais à suivre. L’été est le temps favorable pour aller sur les chemins de randonnées comme nous l’avons fait durant le pèlerinage et apprendre dans le livre de la nature les fonctionnements du Royaume. Il nous faut marcher avec Jésus et apprendre à son école les fonctionnements de la vie. Nous découvrons que pour les disciples autrefois comme pour nous aujourd’hui, les réalités sont semblables. Il n’y a pas le bien d’un côté et le mal de l’autre. La Cité de Dieu et la Cité des hommes, comme les appelle saint Augustin, sont inextricablement mêlées l’une à l’autre. Il ne nous appartient pas d’opérer de façon prématurée le tri dont nous pouvons rêver.

Au gré d’une de ces balades d’été je me suis promené dans un livre de méditation sur l’Eglise, de Mgr Dagens (Méditation sur l’Eglise catholique en France : Libre et présente. Cerf 2008). Une de ses convictions est de rappeler que l’avance du Royaume ne dépend pas d’une stratégie humaine, mais d’un combat spirituel. L’avance du Royaume, ce n’est pas une question d‘efficacité, ni même de volonté missionnaire. C’est d’abord une question de vérité chrétienne. Acceptons-nous de participer au-dedans de nous-mêmes au combat de Jésus quand il refuse de se soumettre aux logiques du monde et qu’il se laisse saisir par la passion de  Dieu ? Annoncer le Royaume nous oblige à prendre en compte les exigences de l’Evangile. La question principale n’est pas d’opter pour telle ou telle méthode en se demandant s’il faut privilégier des manifestations publiques de masse  – type JMJ – ou de présence personnelle plus discrète  – façon levain dans la pâte -. Soyons clair dit l’évêque d’Angoulême, l’évangélisation chrétienne nous appelle à vivre de Dieu dans le monde pour que le monde s’ouvre à Dieu. Deux logiques  s’affrontent : celle d’un monde qui se ferme à Dieu; et celle d’un Dieu qui, inlassablement, s’ouvre au monde. Il le fait dans la personne et le mystère de Jésus-Christ. Si la fermeture de notre monde à Dieu nous fait mal,  réjouissons-nous davantage de la générosité de Dieu qui se donne au monde pour l’ensemencer. Les chrétiens doivent se savoir liés à une histoire qui les dépasse et qui est celle du Royaume de Dieu en ce monde.

Le Royaume germe au-dedans de nous. Au-dedans des complexités, des drames des violences et aussi des espoirs, des luttes et des progrès de notre histoire.
Sous les agitations de la politique, les remous de l’opinion, les courants d’idées et les controverses, loin des carrefours et des places publiques, échappant aux auscultations et aux enquêtes, une vie se maintient, se transmet, se renouvelle, dont il est à peu près impossible de juger du dehors. Des aveugles voient… des morts ressuscitent, des pauvres sont évangélisés. Le Royaume de Dieu luit dans le secret.

Il existe dans nos communautés chrétiennes des hommes et des femmes qui restent sans doute toujours des inconnus aux yeux du monde, mais qui attestent concrètement la présence du Royaume de Dieu. Ce sont des hommes et des femmes qui aiment, qui prient, qui, sans le savoir, rayonnent de la bonté de Dieu.

Ces justes sont le cœur de l’Eglise. Cachés aux yeux des hommes ils sont l’illustration vivante de ce Royaume de Dieu qui luit dans le secret. A longueur d’histoire ils sont comme des semences enfouies, mais réellement présentes dans l’épaisseur de notre humanité, un levain dans trois grandes mesures de farine. Et la pâte est bel et bien en train de lever.

 

 

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