Messe du 16ème dimanche ordinaire

 

Mgr Joseph Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 17 juillet 2005

Lectures bibliques : Sagesse 12, 13-19; Romains 8, 26-27; Matthieu 13, 24-43 – Année A

Chers auditeurs, chers malades, chers frères et soeurs,

Il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour découvrir qu’il y a du bien et du mal dans le monde. Les deux réalités sont intimement liées.

La question du mal est la plus grave de toutes.
Qui de nous n’a pas été confronté un jour à cette question
– dans sa chair par des accidents ou des maladies,
– dans son coeur par toutes sortes de blessures de l’amour
– dans sa conscience par les morsures de la faute et du péché,
– dans sa famille par des disputes, des séparations, des divorces,
– dans le difficile cheminement de l’éducation des enfants ,
– dans la société par les mépris, les critiques, les incompréhensions,
– entre les pays par les injustices, les violences, les guerres.

Et la mort elle-même? N’est-elle pas ressentie douloureusement comme un mal?

Attention aux réponses simples aux problèmes compliqués
Bien des gens ont tôt fait de résoudre les problèmes en niant la distinction entre le bien et le mal, en la supprimant.

Ainsi un jour, j’entendais quelqu’un dire qu’il en avait assez de la distinction judéo-chrétienne entre le bien et le mal, que cela n’avait plus de sens aujourd’hui. Et il affirmait que chacun devait pouvoir agir à sa guise selon ses aspirations, selon ses envies. Selon le dicton : « Il n’y pas de mal à se faire du bien »

En fait, nier la distinction entre le bien et le mal, c’est nier toute morale. On sait ce que cela donne qu’une société sans foi ni loi: c’est la loi de jungle, c’est la raison du plus fort, c’est la loi du loup face à l’agneau.

Certes, on aimerait tous supprimer le mal.

“Il n’y a qu’à supprimer les mauvais, les méchants » disent certains.. Mais ceux qui disent cela se classent bien sûr parmi les bons. Ils savent désigner l’axe du mal. C’est donc les autres qu’il faut supprimer.

Regardez les conflits internationaux, inter-ethniques, le terrorisme : Chacun s’estime le droit d’accuser les autres, de condamner, voire de les supprimer.

Tentation pas nouvelle
Déjà du temps du Christ, bien des gens attendaient le Messie comme un justicier qui viendrait supprimer les mauvais et ne garder que les bons. Les Pharisiens entre autres, se voyaient déjà classés parmi les bons. N’est-ce pas aussi notre tentation ?

De fait, Jésus n’est pas venu condamner ni les méchants, ni qui que ce soit. Il est venu sauver. Il sait ce qu’il y a dans le coeur de l’homme, il sait qu’il y a du bon et du mauvais.

Paul Claudel disait: “La frontière du Royaume des cieux passe au dedans de chacun de nos coeurs. Il y a des régions de mon âme qui ne sont pas encore évangélisées.” C’est en chacun de nous que cela se passe.

La parabole du bon grain et de l’ivraie

Dans la parabole du bon grain et de l’ivraie de l’évangile d’aujourd’hui, on constate que le bon grain est semé au grand jour, tandis que l’ivraie est semée en cachette durant la nuit.

Le Mauvais se cache, profite de la nuit pour faire le mal. Il se commet certes plus de fautes cachées de nuit que de jour. Jour et nuit sont à entendre ici non seulement comme distinction entre les heures claires et les heures sombres, mais tout aussi bien entre la clarté de la franchise, de la fidélité, de la justice et l’obscurité du mensonge, de l’infidélité, de l’injustice.

 

Laissez-les croître ensemble
La parabole de l’ivraie et du bon grain est une parabole de la patience. Cela veut dire qu’en matière d’éducation comme en matière de relations humaines, patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.

La bonté appelle la bonté. Chacun de nous pourrait témoigner de gestes d’accueil, de bonté dont il a été l’objet durant cette semaine. Peut-être aussi que certaines choses l’ont blessé. On ne peut pas prendre que le bon de la vie, sans accepter d’autres choses plus difficiles, plus douloureuses. On ne peut supprimer à jamais toute peine, toute blessure.

A vouloir corriger trop durement et sévèrement, on fait plus de dégâts. Les ouvriers un peu pressés d’aller enlever l’ivraie, s’entendent dire: laissez croître ensemble le bon grain et l’ivraie. Au temps de la moisson, on fera le tri.

Cela veut dire qu’à vouloir tout corriger tout de suite c’est risquer des dégâts trop importants. C’est vrai en éducation, c’est vrai en relations humaines.

Il ne s’agit pas d’être bonasse, ce serait une caricature de la bonté, mais simplement bons et accueillants, indulgents et compréhensifs. Il s’agit de ne jamais désespérer de l’autre qui est une créature de Dieu autant que moi-même. Baden Powel, le fondateur du scoutisme, disait que si dans un garçon de la rue, il trouvait 95 % de mauvais, il misait sur le 5% de bon. Mais pour cela il fallait des projets éducatifs bien plus que des prisons.

Dans une vallée du Valais un dicton disait : « Si les bons étaient meilleurs, il n’y aurait plus de méchants ». Comme si tout le monde montait d’un cran!

C’est vite dit, certes, mais plutôt que de vouloir supprimer les méchants, n’y a-t-il pas à leur donner l’envie d’être bons ?

Conclusion
N’anticipons pas le jugement dernier. Celui-ci ne nous appartient pas. Ne soyons ni trop sévères ni puristes. Parfois le mieux est l’ennemi du bien.

Soyons simplement bons. La bonté rend bons ceux qu’elle approche. Soyons des fils du Royaume. Dans un monde où il y a tellement d’ivraie, à nous les chrétiens à être meilleurs et à nous les participants à la Semaine romande de musique et de liturgie de semer le bon grain en plein jour.

 

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